Tiré du site de Reporterre
Nous ne sommes toujours pas sur la bonne trajectoire. Selon les dernières projections du Global Carbon Project — collectif réunissant 120 scientifiques à travers le monde — les émissions mondiales de CO2 liées à la production et à la consommation d’énergies fossiles continuent de croître. Dans un rapport publié mercredi 13 novembre, les chercheurs estiment qu’en 2024 ces émissions seront en hausse de 0,8 % par rapport à l’an dernier. Soit 37,4 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (GtCO2) envoyées dans l’atmosphère.
En plus des énergies fossiles, le changement d’usage des sols (principalement la déforestation) ont émis 4,2 GtCO2. Un chiffre en légère hausse par rapport à 2023 (4,1 GtCO2). La raison ? « La sécheresse pendant le phénomène El Niño et la déforestation ont permis les très nombreux incendies au Brésil et en Indonésie cette année », disent les chercheurs. Tout compris, les estimations des émissions de CO2 atteignent 41,6 milliards de tonnes en 2024 contre 40,6 milliards de tonnes l’an dernier.
« Il est clair que le budget carbone restant est presque épuisé »
Est-il trop tard pour respecter l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle (1850-1900) ? Au rythme actuel, il y a 50 % de risques que le réchauffement dépasse 1,5 °C de manière constante sur plusieurs années d’ici environ six ans, selon les scientifiques du Global Carbon Project. Si cette estimation est soumise à de grandes incertitudes liées au réchauffement supplémentaire causé par d’autres agents eux aussi réchauffants (CH₄, N₂O, aérosols) « il est clair que le budget carbone restant — et donc le temps qu’il reste pour atteindre l’objectif de 1,5 °C — est presque épuisé ». Si l’on continue au même rythme, « les +2 °C seront, eux, atteints dans vingt-sept ans ».
Toutes les émissions fossiles sont à la hausse
Pour une seule année, la barre a déjà été franchie, a annoncé l’institut Copernicus début novembre. L’observatoire européen a indiqué qu’il est désormais « pratiquement certain » que l’année 2024 sera la plus chaude jamais enregistrée, avec une température moyenne de 1,6 °C supérieure à la température moyenne de l’ère préindustrielle.
Malgré l’urgence, les chercheurs du Global Carbon Project affirment qu’il n’y a toujours « aucun signe » que le monde a atteint un pic d’émission de CO2. Au surlendemain de l’ouverture de la COP29 à Bakou en Azerbaïdjan, ils appellent les dirigeants à « prendre des engagements pour réduire rapidement et fortement les émissions de combustibles fossiles afin de nous donner une chance de rester en dessous des 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels ».
Dans le détail, les émissions liées au gaz naturel bondiraient en 2024 de 2,4 %, celles relatives au pétrole seraient en hausse de 0,9 % et celles liées au charbon devraient croître de 0,2 %. Seules les émissions liées au ciment sont à la baisse (-2,8 %), en raison de la crise de la construction en Chine et aux États-Unis. Toutefois, « compte tenu de l’incertitude des projections, il est possible que les émissions de charbon — combustible le plus néfaste pour l’atmosphère — diminuent en 2024 », précisent les scientifiques dans le rapport.
En Inde et en Chine, des hausses moins fortes qu’en 2023
Tous les pays ne sont pas sur les mêmes trajectoires. Du côté des mauvais élèves, l’Inde, responsable de 8 % des émissions mondiales de CO2, reste sur une pente ascendante. Après une hausse de 8,2 % en 2023, ses rejets de CO2 augmentent cette année « seulement » de 4,6 %.
La Chine, qui dégage quasiment un tiers des émissions mondiales (31 %), n’infléchit pas la tendance mais ses émissions augmentent beaucoup moins qu’avant : 4,9 % en 2023 contre 0,2 % cette année. « La demande d’électricité continue de croître fortement, tant dans l’industrie que dans les ménages, la consommation de charbon a légèrement augmenté », notent les scientifiques du Global Carbon Project.
« La demande d’électricité continue de croître fortement »
Par ailleurs, « les émissions provenant du pétrole ont probablement atteint leur maximum, les véhicules électriques gagnent régulièrement des parts de marché ». Pour information, la Chine s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2060 et un pic d’émissions en 2030.
Des baisses plus timides aux États-Unis et dans l’Union européenne
Les États-Unis poursuivent quant à eux leur baisse des émissions de CO2. Après une diminution de 3 % en 2023, cette année, les rejets de dioxyde de carbone devraient s’infléchir de 0,6 %. Cette baisse concerne à la fois le charbon — délaissé au profit du gaz naturel — le pétrole et le ciment. Alors que le pays s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, l’élection de Donald Trump à la présidence pourrait changer la donne.
Si l’Union européenne affiche encore une fois la plus forte baisse d’émissions, -3,8 % de CO2 en un an, selon l’estimation des chercheurs, c’est beaucoup moins qu’en 2023 (-7 %). Pourquoi ? Une partie peut s’expliquer par la crise énergétique en 2023 : « La chute avait été très forte en 2023 car les Européens se sont moins chauffés que d’habitude à cause de la hausse des prix de l’électricité consécutive à l’arrêt des importations de gaz russe. » En outre, l’hiver 2023 avait été particulièrement doux.
Pour le « reste du monde » (soit tous les autres pays à l’exclusion de la Chine, des États-Unis, de l’Inde et de ceux de l’Union européenne), les émissions sont en hausse de 1,1 %.
Concernant les différents secteurs d’émissions, l’aviation et le transport maritime internationaux, responsables chacun de 3 % des émissions mondiales, devraient augmenter respectivement de 13,5 % et 2,7 % en 2024.
La technologie ne sauvera pas le climat
Si l’on regarde les tendances décennales, les chercheurs observent toutefois un ralentissement de la hausse des émissions de CO2. Entre 2013 et 2024, elles étaient de +0,6 % par an en moyenne, contre +2,4 % lors de la décennie précédente.
Et il ne faut pas compter sur la technologie pour sauver le climat. « Les niveaux actuels d’élimination du dioxyde de carbone par la technologie (captage et stockage de CO2) ne permettent que de compenser un millionième du CO2 émis par les combustibles fossiles », rappellent les scientifiques.
En plus de réduire les activités du charbon, pétrole et gaz, il faut davantage prendre soin des puits de carbone océaniques et terrestres. Ceux-ci nous évitent le pire en absorbant la moitié des émissions totales de CO2 sur la dernière décennie malgré les effets négatifs du changement climatique sur ces écosystèmes.
Enfin, si les effets de l’épisode El Niño ont entraîné une forte réduction des puits de carbone en 2023, en favorisant par exemple les sécheresses, ces puits de carbone devraient se rétablir avec la fin de ce phénomène météo, prédisent les scientifiques.
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