Le réchauffement climatique, la montée des océans, la pollution de l’air, la contamination des sols, des eaux, la destruction des forêts et des milieux naturels, les sécheresses, la désertification, la disparition accélérée des espèces animales et végétales, les conséquences environnementales (et éthiques) de la consommation carnée et de l’agriculture et de la pêche intensive, la surabondance des déchets, sur terre, sur les rives des cours d’eau, dans l’océan, les échecs (cachés) du recyclage, l’incapacité de disposer des déchets nucléaires, leur prolifération, la pollution spatiale avec des volumes en perpétuelle croissance de débris spatiaux en orbite, et j’en passe, sont tous liés les uns aux autres, plutôt de près que de loin, et la conséquence d’un même aveuglement nourrit par la croissance sans fin du capital. En faire et communiquer le portrait d’ensemble permettrait beaucoup mieux, à coup sûr, d’ébranler les consciences.
Il y a longtemps que la crise climatique se prépare et que nos problèmes environnementaux s’amplifient et nous conduisent à des catastrophes. S’attaquer à ces problèmes sans vue d’ensemble, avec des mesures de substitution, en défendant la croissance sans fin des profits, permettait jusqu’ici à nos oligarchies (appelons-les par leur nom) de les ignorer tout en laissant croire qu’on leur accordait l’importance voulue. Et aux populations du monde, tenues à l’écart des discussions, souvent occupées ailleurs, de les ignorer ou, pis encore, de les nier.
Une parenthèse ici, à ce sujet, pour dresser le portrait de cette autre forme de pollution, celle des consciences, pour que nous sachions bien à quoi nous en tenir. Selon les données colligées par l’Observatoire international Climat et Opinions Publiques, et pour ne nous en tenir qu’aux changements climatiques, au Canada, 65 % des gens sont d’avis qu’ils sont bel et bien d’origine humaine, 24 % ne savent pas ou sont d’avis qu’ils sont d’origine naturelle, et 11 % qu’il n’y a tout simplement pas de changements climatiques. Comme on le devine, ces chiffres sont encore plus navrants aux États-Unis, où 52 % des gens sont d’avis qu’ils sont bel et bien d’origine humaine, 31 % ne savent pas ou sont d’avis qu’ils sont d’origine naturelle, et 17 % qu’il n’y a tout simplement pas de changements climatiques.
Rétablir les liens
Rétablir les liens entre les différentes formes de pollutions en offrant une vue d’ensemble de la dégradation de notre environnement aura l’effet d’un coup de massue pour plusieurs et nous fera envisager, je l’espère , cette nécessaire décroissance dont j’ai parlé dans une précédente chronique ; une nécessaire décroissance de la population, mais bien sûr aussi des activités industrielles et d’extraction, de la production et de la consommation.
L’extraction du pétrole et des matières premières, par exemple, pollue l’eau et dégrade et pollue les sols ; elle nécessite souvent la déforestation et produit des gaz à effets de serre responsables du réchauffement climatique ; elles sont à la fois la cause et la conséquence d’une consommation grandissante, de la surconsommation, qui entraîne la croissance des parcs automobiles, des flottes aériennes et navales, des transports et échanges par voies terrestre, maritime et aérienne, augmentant du coup la production de gaz à effets de serre, l’étalement urbain, la destruction des milieux naturels et la disparition des espèces animales et végétales ; une quantité ahurissante de déchets aussi, dont de dangereux déchets radioactifs et persistants dans l’environnement. Sans compter tout ce que j’ai mentionné plus haut... Sans compter non plus que cette approche productiviste, capitaliste, inégalitaire, entraîne des conflits, des guerres elles aussi destructrices de notre environnement. On n’en sort pas ! À moins de changer de cap…
Dans son excellent essai « Faire que ! », l’auteur Alain Deneault, aborde la question « quoi faire ? », que nous nous posons tous devant l’étendue des défis environnementaux, mais il le fait en déplaçant progressivement la question vers un mode d’action – « faire que » – quant à ce que nous devons faire et que nous serons amenés à faire pour changer la donne. Il nous explique que nous devrons de toute manière nous adapter aux changements climatiques et à la destruction de nos environnements et que nous le ferons nécessairement – et le plus tôt sera le mieux – en réorganisant nos activités au niveau local, dans un environnement de nécessaire décroissance.
Dans « Moins ! La décroissance est une philosophie », le philosophe japonais Kohai Saito en appelle aussi – et le plus tôt sera le mieux encore une fois – à un changement de paradigme, à cette remise en cause du capitalisme et de la poursuite d’une croissance économique illimitée, affirmant qu’il « n’y a pas de solution à la crise écologique dans le cadre du capitalisme ».
Les précurseurs et défenseurs de la décroissance sont nombreux. Dans leur ouvrage « Aux origines de la décroissance », les auteurs Cédric Biagini, David Murray et Pierre Thiesset en font une excellente recension en nous présentant les vues de cinquante penseurs aux origines de cette conception du vivre ensemble. On y retrouve entre autres des intellectuels comme Günther Anders, Hannah Arendt, Georges Bernanos, Murray Bookchin, Albert Camus, Jean Chesneaux, Guy Debord, Lanza del Vasto, Michel Freitag, Gandhi, Patrick Geddes, André Gorz, Alexandre Grothendieck, Michel Henry, Aldous Huxley, Ivan Illich, Rabindranath Tagore, Henry David Thoreau, Léon Tolstoï et Simone Weil.
État des lieux
Voici ce qui pourrait contribuer sommairement à un tel portrait d’ensemble.
Réchauffement climatique – L’Organisation météorologique mondiale confirmait dans un communiqué émis le 10 janvier que 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, avec une température supérieure d’environ 1,55 °C aux valeurs préindustrielles. Le communiqué mentionne que les dix dernières années, de 2015 à 2024, ont été les plus chaudes jamais enregistrées ; que l’année 2024 a probablement été la première année civile où la température moyenne mondiale a dépassé de plus de 1,5 °C la moyenne de la période 1850-1900 ; que l’année 2024 se distingue par des températures exceptionnellement élevées à la surface des terres et des mers et une chaleur océanique intense ; et que l’objectif de température à long terme figurant dans l’Accord de Paris n’est pas devenu inaccessible mais qu’il est gravement compromis.
Nappes phréatiques – Le niveau des nappes phréatiques baisse de plus en plus rapidement dans le monde entier selon des données recueillies par le Swiss Science Today en janvier 2024. Elle s’est accélérée au cours des années 2000. Les réserves d’eau souterraine diminuent particulièrement vite dans les régions arides du monde où l’agriculture pompe l’eau du sol, comme la Californie, la Méditerranée et l’Iran.
Contamination des sols – Dans une entrevue accordée en février 2024, l’agronome, biogéochimiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et spécialiste de la contamination des sols agricoles, Matthieu Bravin, explique que de récents inventaires réalisés à l’échelle mondiale ont dénombré plus de 350 000 substances susceptibles d’être émises dans l’environnement et de devenir ainsi des contaminants. Et parmi ces substances, seuls 6 % ont fait l’objet d’études scientifiques ces cinquante dernières années, que ce soit sur leur toxicité ou leur accumulation dans l’air, l’eau ou le sol.
Déforestation : Selon les données publiées en novembre 2024 sur le site Web notre-planète.info, la déforestation récente se concentre au Brésil, en Indonésie, en Bolivie et en République Démocratique du Congo. La tendance est particulièrement préoccupante en Asie : alors qu’en 2022, la région avait réduit la déforestation de 16 % par rapport à la période de référence 2018-2020, elle a augmenté de 13 % en 2023. Entre 2015 et 2023, la perte de forêt a augmenté de 351 %.
Déchets : Selon un rapport publié par Statista en mars 2022, l’humanité génère près de deux milliards de tonnes de déchets solides municipaux chaque année, soit suffisamment pour remplir 822 000 piscines olympiques. En valeur absolue, c’est la Chine qui produit le plus de déchets municipaux avec 395 millions de tonnes par an, suivie par les États-Unis avec 265 millions de tonnes. Les États-Unis se classent toutefois bien plus haut lorsque l’on considère la quantité annuelle générée par habitant, avec environ 812 kg par résident américain. Le volume de déchets généré sur Terre est amené à augmenter à mesure que la population mondiale continue de croître et devient plus riche et consomme davantage. La Banque mondiale estimait que la production mondiale de déchets devrait augmenter de 70 % entre 2016 et 2050.
Recyclage du plastique – Le Monde diplomatique relevait dans un texte de Mohamed Larbi Bouguerra publié dans son édition de novembre 2024, la véritable escroquerie du recyclage du plastique à l’échelle mondiale, une mesure inefficace et dilatoire mise en place pour permettre aux multinationales du secteur pétrolier de poursuivre leurs activités lucratives - sans trop se soucier de l’environnement.
Déchets radioactifs – Selon un texte publié l’an dernier par la Fondation David Suzuki, l’industrie nucléaire prétend que le stockage de déchets hautement radioactifs dans des dépôts géologiques profonds est sûr, et qu’il s’agit du moyen le plus sécuritaire d’éliminer des quantités croissantes de déchets, sauf que jusqu’à présent, un seul site a depuis peu été approuvé – le site d’Onkalo en Finlande – malgré plus de quatre-vingt ans de production de déchets nucléaires.
Milieux naturels – Selon le World Widlife Fun, la dégradation et la destruction des habitats naturels sont aujourd’hui les principales menaces au regard de la biodiversité de la planète. Fragmentés, pollués, diminués, les écosystèmes naturels souffrent de l’expansion des activités humaines intensives comme la déforestation, l’urbanisation, le surpâturage ou la pêche non durable.
Disparition des espèces animales et végétales – Dans un article paru dans dans Statista en octobre, Tristian Gaudiot explique que la biodiversité de la planète poursuit son déclin. Sur les 163 040 espèces répertoriées en début d’année, 45 321 pourraient disparaître de la surface de la Terre dans un avenir proche, soit 28 % du total des espèces étudiées. Les cycadales – des plantes visuellement proches des palmiers et des fougères – sont le groupe le plus menacé, avec plus de 70 % d’espèces en voie d’extinction. La dégradation de la biodiversité est aussi particulièrement importante au niveau des écosystèmes aquatiques. Le taux d’espèces menacées atteint ainsi 41 % chez les amphibiens et plus de 35 % chez les requins, les raies et les récifs coralliens.
Sources : Alloprof, Aux origines de la décroissance (Cédric Biagini, David Murray et Pierre Thiesset), Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Faire que ! (Alain Deneault), Fondation David Suzuki, Fondation Jean Jaurès, La revanche de la nature (Aymeric Caron), Le Devoir, Le Monde diplomatique, Notre-planète.info, Observatoire international Climat et Opinions Publiques, Organisation météorologique mondiale, Presse-toi à gauche, Statista, Ski-se-Dit, Swiss Science Today, World Widlife Fun (WWF).
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