Édition du 11 mars 2025

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Planète

Un accord tardif a été conclu dans le cadre de la Cop16 pour protéger la biodiversité, mais est-ce suffisant ?

On se souviendra peut-être de la COP15 de Montréal sur la biodiversité en décembre 2022. Malgré les frustrations de maintes délégations du Sud géostratégique, beaucoup d’experts en la matière considèrent la Déclaration de Montréal-Kunming comme l’équivalent en matière de biodiversité de l’Accord de Paris lors de la COP21 en 2015 en matière de climat. Pendant que celle de Paris stipulait de ne pas dépasser un réchauffement de 1.5°C, celle de Montréal appelait à protéger 30 % des terres et des mers pour la nature.

Alors que la COP15 de Montréal se concluait par un »accord historique », la COP16 à Cali l’été dernier finissait en queue de poisson faute de quorum. Puis, soudain, son prolongement à Rome paraît aboutir à « un plan pour financer la sauvegarde de la nature ». À voir nous dit le journal The Guardian, en association avec Carbon Brief. Pas plus que l’objectif de non- dépassement de 1.5°C de réchauffement terrestre, déjà dépassé, l’objectif de protection de 30% des surfaces terrestres et maritimes, et de son financement, ne seront atteints.

Marc Bonhomme, 7/03/25

6 mars 2025 | The Guardian - Down to Earth

La semaine dernière, les pays ont signé un compromis sur le financement de la protection de la nature, obtenu de haute lutte à l’issue de négociations marathon à Rome, mettant enfin un terme aux réunions de la Cop16 sur la biodiversité. En novembre, le sommet des Nations unies sur la nature a été suspendu dans le désordre après que les négociateurs ont manqué de temps pour achever leur travail à Cali, en Colombie. Ils ont dû se réunir à nouveau à Rome pour terminer le travail.

En Italie, les gouvernements ont adopté une feuille de route pour trouver les 200 milliards de dollars US par an pour la nature d’ici à 2030, y compris des discussions sur un nouveau fonds pour la biodiversité – une demande clé de négociation de nombreux pays du sud de la planète. Ils se sont également entendus sur les indicateurs qui permettront aux États de mesurer leurs progrès en Arménie à la fin de l’année 2026.

Les quelques ministres présents se sont empressés de qualifier la conférence de succès. La présidente de la Cop16, Susana Muhamad, ministre colombienne de l’environnement sortante, a pleuré à l’issue de cette "journée historique".

Steven Guilbeault, ministre canadien de l’environnement et du changement climatique, a déclaré : « Nos efforts montrent que le multilatéralisme peut être porteur d’espoir en cette période d’incertitude géopolitique ».

Mais, en privé et de plus en plus en public, on craint que les années 2020 ne soient une nouvelle décennie d’échec pour la nature. Les gouvernements n’ont jamais atteint un seul des objectifs de l’ONU en matière de biodiversité. Le risque d’une nouvelle répétition s’accroît : les 23 cibles et les quatre objectifs convenus il y a moins de trois ans à Montréal sont déjà sous assistance respiratoire.

À la veille des négociations de Rome, une analyse réalisée par Carbon Brief et le Guardian a révélé que plus de la moitié des pays du monde n’ont pas prévu de protéger 30 % des terres et des mers pour la nature, bien qu’ils se soient engagés à le faire en 2022 [à la COP15 de Montréal] dans le cadre d’un accord mondial. Il s’agit de l’objectif principal de l’accord de cette année. Si de grands pays riches en biodiversité comme le Mexique, l’Indonésie, la Malaisie, le Pérou, les Philippines, l’Afrique du Sud et le Venezuela ne le mettent pas en œuvre, l’objectif mondial ne sera pas atteint.

Selon un rapport publié l’année dernière par Earth Track, les subventions qui alimentent le réchauffement climatique et détruisent la nature ont continué à croître malgré l’objectif de réformer 500 milliards de dollars des subventions les plus nocives d’ici la fin de la décennie. Seuls le Brésil et l’Union européenne montrent des signes d’action, selon les chercheurs.

Dans les deux cas, il s’agit de questions antérieures à Trump et au récent changement des vents géopolitiques sur l’environnement.

Pendant ce temps, les indicateurs scientifiques continuent de se dégrader. Selon le dernier indice « Planète vivante », les populations mondiales d’espèces sauvages ont chuté en moyenne de 73 % en 50 ans. Nous aurons une meilleure idée des progrès accomplis sur d’autres objectifs lors de la Cop17 l’année prochaine, mais certains ministres de l’environnement sont de plus en plus nombreux à dénoncer l’absence de progrès.

Interrogé par ma collègue Phoebe Weston à Rome, le ministre malgache de l’environnement, Max Fontaine, a brossé un tableau peu reluisant de la situation.

« Honnêtement, c’est presque impossible quand on voit les tendances de l’évolution des choses », a-t-il déclaré. « Nous n’allons pas dans la bonne direction, nous devons tous redoubler d’efforts. »

Jean-Luc Crucke, ministre belge du climat et de la transition écologique, a qualifié les négociations de la COP de « moins mauvais » processus. Si l’on veut vraiment sauver la nature, a-t-il dit, « il n’y a pas d’autre solution que celle-là ». Mais des questions se posent sur sa pertinence. Avant le sommet de Rome, certains craignaient qu’il n’y ait pas assez de pays présents au sommet de l’ONU sur la nature pour que les négociateurs puissent prendre des décisions contraignantes.

Bien sûr, il y a eu quelques petites victoires. À Cali, les gouvernements sont parvenus à un accord visant à encourager les entreprises à partager les bénéfices commerciaux tirés des découvertes utilisant des données génétiques issues de la nature, grâce à la création d’un fonds volontaire, qui a été lancé à Rome. Nous devrons attendre de voir combien d’argent ce nouveau fonds finira par générer. Les pays ont également reconnu officiellement les communautés autochtones dans le processus décisionnel mondial sur la biodiversité.

Ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini. Mais si, au cours d’une nouvelle décennie, les objectifs en matière de protection de la nature ne sont pas atteints, des questions plus difficiles se poseront quant à l’utilité de négocier des accords internationaux que les pays n’ont apparemment pas la capacité ou la volonté d’honorer.

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