Tiré de France Palestine Solidarité. Article publié à l’origine dans B’Tselem.
Conformément à cette approche, le régime israélien a intensifié son oppression des Palestiniens de Cisjordanie et adopté des mesures plus extrêmes, y compris une violence arbitraire extrême contre des civils innocents, un nouvel assouplissement de la politique permissive de feu ouvert, de graves restrictions de mouvement et une perturbation de la vie quotidienne, l’annulation générale des permis d’entrée en Israël et des limitations extrêmes de l’accès aux terres agricoles qui portent gravement atteinte aux moyens de subsistance, des arrestations massives et la transformation des centres de détention en un réseau de camps de torture.
Parallèlement à l’intensification de l’oppression, Israël a commencé à reproduire, dans le nord de la Cisjordanie, des tactiques et des doctrines de combat mises au point dans le cadre de l’offensive qu’il mène actuellement contre Gaza. Il s’agit notamment d’un recours accru aux frappes aériennes dans les centres de population civile, de la destruction généralisée et délibérée d’habitations et d’infrastructures civiles, et du déplacement de civils des zones désignées par l’armée comme zones de combat. Ces actions suggèrent qu’Israël travaille à la « gazafication » de la Cisjordanie, déjà mise en œuvre dans le nord et qui, selon les déclarations des responsables gouvernementaux, devrait s’étendre à d’autres parties.
En mars 2025, la mise en œuvre se concentre sur le nord de la Cisjordanie, et principalement sur les camps de réfugiés des districts de Jénine, Tulkarem et Tubas. L’armée a mené une série d’invasions dans ces camps au début de la guerre, suivie de l’opération « Camps d’été » lancée en août 2024, et d’une nouvelle escalade après le 19 janvier 2025 : des troupes massives ont envahi plusieurs villes et camps de réfugiés dans le nord avec des bulldozers, détruisant délibérément et sans discrimination les infrastructures civiles - y compris les routes et les réseaux d’électricité, d’eau et d’égouts. Des centaines d’habitations ont été bombardées et partiellement ou totalement détruites sans qu’aucune menace concrète ne leur soit associée. L’aide médicale aux habitants a été interrompue et des tirs massifs et aveugles ont eu lieu. Récemment, des chars et des véhicules blindés de transport de troupes ont été utilisés pour la première fois depuis la seconde Intifada.
Un autre élément de la gazafication est le recours croissant aux frappes aériennes, qui visent certaines des zones les plus peuplées de Cisjordanie et mettent gravement en danger les civils. Du 7 octobre 2023 au 8 mars 2025, B’Tselem a recensé 69 frappes aériennes qui ont tué 261 personnes, dont au moins 41 mineurs. En revanche, les frappes aériennes en Cisjordanie ont tué 14 personnes au cours des 18 années précédentes, de 2005 au 7 octobre 2023.
L’activité meurtrière se reflète également dans la politique permissive de tirs à découvert mise en œuvre par l’armée, qui a coûté la vie à de nombreux mineurs palestiniens. En 2024, B’Tselem a surveillé le meurtre d’au moins 488 Palestiniens en Cisjordanie, dont 90 mineurs. En 2023, 498 Palestiniens ont été tués, dont 120 mineurs et quatre femmes. Avec des déclarations publiques constantes sur les plans d’extension de cette activité militaire au reste de la Cisjordanie, les deux dernières années - les plus meurtrières depuis le pic de la deuxième Intifada en 2002 - pourraient être un avant-goût de l’effusion de sang à venir.
Une manifestation particulièrement flagrante de la « Gazafication » est le déplacement massif des habitants des camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie, qui ont fui ou ont été contraints de quitter leur domicile en raison de la menace de l’activité militaire. Selon l’UNRWA, depuis le début de l’opération « Mur de fer », le 21 janvier 2025, dans le camp de Jénine, qui s’est ensuite étendu aux camps de Tulkarm, Nur Shams et al-Far’ah, environ 40 000 résidents ont été déplacés. Certains ont trouvé des solutions de logement temporaires, mais beaucoup restent dans des camps de déplacés improvisés, dépendant des communautés locales pour leurs besoins de base. Compte tenu de l’expérience amère de Gaza, il est à craindre que ce déplacement ne soit pas de courte durée. Récemment, le ministre de la défense, Israël Katz, a précisé que les forces israéliennes resteraient dans la région de Jénine pendant l’année à venir, au cours de laquelle les habitants ne seraient pas autorisés à rentrer chez eux.
Comme l’ont déclaré des personnalités israéliennes, la guerre menée par Israël contre les Palestiniens à la suite de l’attaque du Hamas en octobre 2023 ne se limite pas à Gaza, mais vise tous les Palestiniens vivant dans les différentes zones sous contrôle israélien. Depuis le début de la guerre, le régime d’apartheid israélien a radicalement intensifié son oppression des Palestiniens en Cisjordanie et opère dans la partie nord comme s’il s’agissait d’une zone de combat. Depuis que le cessez-le-feu a été déclaré le 19 janvier 2025, Israël a déplacé le centre de son attaque sur les Palestiniens de Cisjordanie, et agit là au mépris de ses obligations en vertu du droit international, tout en foulant aux pieds les principes moraux fondamentaux. Ces actions sur le terrain et les déclarations des responsables gouvernementaux, associées au plan déclaré de Trump et de Netanyahou de nettoyer ethniquement Gaza, font craindre qu’Israël n’ait l’intention d’utiliser le changement de combat pour établir des faits irréversibles sur le terrain : remodeler la Cisjordanie pour favoriser son aspiration à déplacer définitivement certains Palestiniens et à forcer d’autres à vivre dans des conditions qui les pousseront finalement à partir.
Traduction : AFPS
Photo : La doctrine de Gaza : la Cisjordanie sous offensive accrue © B’Tselem
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