Édition du 15 avril 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Planète

La grande hypocrisie « verte » nord-sud

L’édito de la dernière parution de la collection Alternatives Sud, Business vert en pays pauvres.

9 avril 2025 - Source : Alternatives sud
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2025/04/09/la-grande-hypocrisie-verte-nord-sud/

Quatre ou cinq brèves assertions pour entamer cet éditorial. Quatre ou cinq truismes certes, mais que l’on se sent l’obligation de rappeler avant d’aller plus loin. L’ampleur du désastre écologique d’abord, sa centralité, son urgence. Annoncé par les scientifiques et les activistes depuis des lustres, il explose aujourd’hui dans toute son irréversibilité, par l’hypothèque qu’il fait peser sur la préservation de la biodiversité et des équilibres naturels. Son injustice ensuite, les premières et principales victimes de la crise environnementale et climatique n’étant pas ses premiers et principaux responsables. Les populations vulnérables et les pays pauvres d’un côté, les populations aisées et les pays riches de l’autre. En cause, les répercussions du productivisme et du consumérisme abusifs de ces derniers, la couche démographique la plus opulente – et donc la plus pollueuse – de la planète, moins d’un quart de l’humanité.

D’où, troisième point, la « dette écologique » considérable [1]… dont les « gros mangeurs » sont redevables aujourd’hui envers les nations ou les personnes qui font les frais du festin auquel elles n’ont pas pris part. Or, quatrième évidence, au lieu de l’honorer à la hauteur et à la vitesse requises, cette dette écologique, les grandes puissances économiques, publiques et privées, sont occupées à la creuser davantage encore. En menant des politiques dites de « développement durable » ou de « Green Growth », qui tendent à aggraver les fractures sociales et environnementales. Business vert en pays pauvres, c’est précisément l’objet de ce livre, la grande hypocrisie Nord-Sud consistant à « déplorer les effets dont on continue à chérir les causes », selon la formule consacrée. Prétendre contrer l’effondrement en l’empirant. Qu’en pensent celles et ceux, au Sud, qui y voient du « néocolonialisme vert » ? Tel est le propos des pages et des articles qui suivent.

Néocolonialisme vert

Et d’ailleurs, que faut-il entendre par « néocolonialisme vert » ? À quoi renvoie, au Sud, la notion de néocolonialisme vert ? Ou plutôt, à quoi cette notion renvoie-t-elle en pays pauvres, car au Sud, depuis quelques décennies déjà, ont émergé de nouveaux pays industrialisés (NPI), de nouvelles puissances plus ou moins dominantes, des pays riches… qui, aux yeux des pays pauvres, se rendent également responsables de néocolonialisme vert. Et ce, sur le même mode ou presque que les pays du Nord, soit les pays d’ancienne industrialisation, les premiers grands pollueurs historiques, ainsi que leurs multinationales qui, mondialisation aidant, ont pris pied aux quatre coins du Sud global.

Le colonialisme, le néocolonialisme, on connaît, mais en fonction de quoi peut-on désormais le taxer de « vert » ? À partir de quel moment doit-on colorier en vert de très actuelles entreprises d’exploitation de territoires étrangers ou de nouvelles dynamiques d’assujettissement politico-économique d’anciennes colonies ? La réponse est simple : dès que ces entreprises et dynamiques invoquent des motifs écologiques pour justifier leur ingérence. En d’autres mots, dès qu’un acteur dominant, public ou privé, mobilise des raisons de préservation de la biodiversité ou de sauvegarde des équilibres climatiques pour légitimer ses interventions intéressées en terrain dominé, l’utilisation de la formule « néocolonialisme vert » prend tout son sens.

Pour autant, au Sud, en pays pauvres, il n’y a pas nécessairement consensus quant à ce qui doit être dénoncé (ou pas) comme du néocolonialisme vert. Les opinions publiques, les États, les gouvernements, les entreprises privées, les organisations sociales divergent, forcément. Différentes formes de conservatisme vs de progressisme prévalent, différents degrés de nationalisme ou de souverainisme également, l’aspiration à l’amélioration urgente des conditions matérielles de vie demeurant centrale, tandis que la sensibilité « écosocialiste » – partagée par la plupart des « Points de vue du Sud » réunis dans cet Alternatives Sud – y est plutôt minoritaire. Et même chez ces derniers, intellectuel·les et militant·es plus ou moins critiques de l’Occident ou du capitalisme ou du productivisme…, la cible « néocoloniale verte » peut varier sensiblement.

Pour beaucoup, c’est l’instrumentalisation de l’impératif écologique par les pays riches qui pose problème, qu’elle soit convictionnelle ou concurrentielle, c’est-à-dire qu’elle ait pour objectif prioritaire de « sauver la planète » ou de « grossir les taux de profit ». Ainsi, le protectionnisme vert aux frontières occidentales, l’imposition de normes « durables » aux échanges commerciaux ; les réticences ou les conditionnalités mises au transfert des technologies propres ou aux financements des politiques d’atténuation des catastrophes environnementales, mais surtout de réparation et d’adaptation à leurs effets déjà irréversibles ; la ruée vers « les minerais de la transition » ou la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières agroforestières, nécessaires au verdissement des économies dominantes ; ainsi que d’autres mesures encore, liées au marché du carbone notamment, apparaissent comme les principaux vecteurs du néocolonialisme écologique pratiqué par les pays les plus puissants à l’égard des pays pauvres.

Comme le soulignent Audrey Gaughran et Bart-Jaap Verbeek (2024) du centre d’étude SOMO, cette tendance protéiforme est l’expression de la « course géopolitique » que se livrent les premières économies mondiales – les États-Unis, l’Union européenne, la Chine, auxquelles on ajoutera les pétromonarchies du Golfe notamment – « pour gagner la transition verte ». Prioritairement, les grandes puissances « s’efforcent de s’assurer qu’elles et leurs entreprises arrivent en tête, en contrôlant les technologies vertes et en accroissant leurs économies. Elles partent avec des avantages considérables – fondés sur de profondes injustices historiques, surtout pour le pôle occidental – et leurs approches compétitives sapent les perspectives de développement durable de la plupart des autres pays. »

La concurrence entre géants économiques surdétermine l’ensemble. Les grands cadres politiques et législatifs prétendument « durables » définis par les États-Unis et l’Union européenne dans l’après-pandémie – tels que l’Inflation Reduction Act en 2022 à Washington ou l’European Green Deal et le Critical Raw Materials Act à Bruxelles en 2023 et 2024 – sont d’ailleurs à considérer d’abord comme des réponses à la politique du Made in China lancée dès 2015 par Pékin. Dans tous les cas, il s’agit de donner « un coup de pouce massif à leurs industries et entreprises » par le biais « de subventions et d’aides publiques diverses », en exerçant « une influence sur la politique étrangère en leur nom » et en s’appuyant sur « un ensemble de lois inéquitables en matière de commerce, d’investissement et de fiscalité, rédigées de manière à favoriser les intérêts du Nord global » (Gaughran et Verbeek, 2024) ou ceux des nouvelles puissances du Sud global.

Même dénonciation du néocolonialisme vert chez Jomo Kwame Sundaram, économiste malaisien, figure tiers-mondiste et chercheur associé au CETRI, selon lequel les nouvelles politiques affichées « équitables et durables » du Nord global sont empreintes d’une hypocrisie qui laisse intacts les mécanismes de domination, dont les effets aggravent tant les inégalités sociales que les dérèglements écologiques. Il en va ainsi, par exemple, du « Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) » dont s’est récemment doté l’Union européenne. Mécanisme qui va lui permettre d’imposer un surcoût une « taxe carbone » – aux importations de fer, d’acier, de ciment, d’engrais, d’aluminium, d’électricité et d’hydrogène produites hors Europe par des entreprises non soumises, comme leurs concurrentes européennes, à des normes environnementales les contraignant à payer un prix pour les gaz à effet de serre émis. Pour Sundaram, cet instrument qui vise officiellement à réduire les émissions ne va qu’accentuer les fractures Nord-Sud (Sundaram, 2024).

Dans cette configuration de rapports asymétriques qui tend à prévaloir en matière de politiques « écologiques », de nombreux pays, africains, asiatiques et latino-américains pour la plupart, se voient confirmer, d’une part, leur rôle historique de fournisseurs de matières premières – des matières premières toujours transformées ailleurs, mais à des fins de préservation de la nature cette fois – et d’autre part, leur destin subalterne d’acheteurs – incités à l’être, pour le moins – de technologies vertes vendues par les États-Unis, l’Union européenne et la Chine pour l’essentiel. Kudakwashe Manjonjo et Karabo Mokgonyana du groupe de réflexion Power Shift Africa y voient aussi les marqueurs du green neo-colonialism à l’œuvre dans les rapports Nord-Sud. Les mesures prises ces dernières années par ces trois géants mondiaux « renforcent l’inégalité des échanges commerciaux, qui empêche l’Afrique et les autres pays en développement de développer leurs propres économies vertes » (2024).

La priorité des grandes puissances est de « gagner la course aux énergies renouvelables, la guerre économique mondiale de l’industrialisation verte. Or, quand les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre. L’Union européenne, les États-Unis et la Chine sont déterminés à l’emporter, à sortir vainqueurs, et se moquent de savoir qui perd, tant que ce n’est pas eux. Dans cet affrontement, il semble que l’Afrique soit une fois de plus l’herbe qui souffre. (…) Les ‘partenariats verts’ injustes entre le Nord et le Sud amplifient la dégradation de l’environnement et aggravent les inégalités. Les puissances extérieures profitent d’accords commerciaux inéquitables et des schémas historiques d’extraction des richesses, tandis que les communautés africaines supportent l’essentiel des coûts » (Manjonjo et Mokgonyana, 2024).

Parmi les principaux contempteurs du « néocolonialisme vert » des pays dominants, on le devine, figurent une bonne part des gouvernements du Sud, lesquels mettent davantage en cause l’imposition de régulations écologiques – hautement préjudiciables par exemple à l’Afrique du Sud, où le charbon reste une source d’énergie majeure – que la logique même du capitalisme mondialisé. Fortes d’un des grands principes d’équité Nord-Sud entérinés par la communauté internationale dès le Sommet de la Terre de 1992 – celui des « responsabilités communes mais différenciées », qui octroie aux « pays développés », en vertu de leur passif (environnemental) et de leurs actifs (financiers et technologiques), le plus grand devoir de résolution des crises écologiques –, ces voix officielles du Sud dénoncent urbi et orbi tout obstacle mis par les économies du Nord, au nom de la décarbonation énergétique, à la libre circulation de leurs exportations. « À vous de faire les efforts, pas à nous », l’empreinte environnementale d’un individu africain moyen étant encore sept fois moindre que celle de son équivalent européen.

C’est ce même discours que le président Lula notamment, poussé par les grands groupes du business brésilien, martèle dans les enceintes internationales. Une exacte copie inversée du plaidoyer libre-échangiste/protectionniste de Trump, Xi Jinping, von der Leyen et consorts pour « plus de libéralisation chez eux et moins chez nous ». Ouvrez vos frontières, nous protégeons les nôtres. Un « anticolonialisme de marché » en quelque sorte, pour paraphraser la caractérisation que fait Le Monde diplomatique (24 octobre 2024) du positionnement des BRICS+, le nouvel héraut autoproclamé du Sud global. Peu ou pas de mise en cause en tout cas des fondamentaux du modèle conventionnel de développement tiré par les investissements transnationaux, l’afflux de capitaux étrangers et les exportations. En témoigne une nouvelle fois, exemple parmi d’autres, la tonalité anti-clauses sociales et environnementales des positions des pays du cône sud de l’Amérique latine dans les négociations de l’accord commercial entre le Mercosur et l’Union européenne (Wintgens, 2024).

En cela, note l’organisation asiatico-africaine IBON lors d’un webinaire consacré aux alternatives locales aux politiques climatiques mainstream (https://climatejusticehub.org, 30 septembre 2024), le bras de fer Sud-Nord sur ces questions renforce, davantage qu’il ne questionne, les solutions par le marché et la pleine subordination au commerce mondial. Incidemment, quand elle se focalise sur les seules tentatives de régulation environnementale, cette dénonciation par le Sud du néocolonialisme vert peut aussi coïncider, si pas converger, avec le bashing systématique de l’écologie dite « punitive » et le déni climatique auquel se livrent, avec force approbation populaire, les droites nationales-populistes occidentales [2]. Et partant, participer de la perpétuation d’un modèle de développement capitaliste prédateur, quand bien même le productivisme effréné et le consumérisme des privilégiés qu’il nourrit sont responsables des écarts sociaux et des catastrophes écologiques qui affectent d’abord les couches sociales et les pays les plus vulnérables.

À relever enfin le peu de réceptivité des opinions publiques du Sud, en particulier dans les milieux démunis, à l’« éco-anxiété » occidentale ou, plus concrètement, aux campagnes « écoresponsables » de gestion des déchets par exemple, lancées là-bas par les institutions internationales concernées (PNUE, etc.) et relayées par les autorités locales. Là où les besoins matériels de base – accès à l’électricité, à l’eau courante… – ne sont pas assouvis, peu de place forcément pour les préoccupations « postmatérialistes » sur l’état de la biodiversité et les dérèglements climatiques. La sensibilité écologique, on le sait, reste très située socialement et culturellement (CETRI, 2020). Comment s’émouvoir de « la fin du monde » quand « la fin du mois », de la semaine, de la journée requiert toutes les énergies mentales et physiques ? Peu d’anticapitalisme non plus, dès lors, dans les allergies populaires au néocolonialisme vert, et encore moins d’antiproductivisme ou d’appels à une sobriété postdéveloppementiste, mais un rejet épidermique de toute norme « durable » ou frein politiquement correct à l’accès à la consommation… vitale.

Fausses solutions

Dans les articles qui composent cet Alternatives Sud en revanche, le réquisitoire contre le « néocolonialisme vert » pratiqué en pays étrangers par les acteurs économiques dominants, publics et privés, colle de près à la critique du système capitaliste et/ou du développement productiviste. Elle en est même le corrélat, la condition. La supposée « transition » climatique ou énergétique « hégémonique » menée par ces acteurs n’est pas « juste », ni socialement ni écologiquement. Elle repose sur l’implémentation d’un éventail de « fausses solutions » en pays pauvres qui, les unes ajoutées aux autres, perpétuent la logique antédiluvienne du modèle de développement prédateur, repeint en « nouveau pacte durable », administré par les empires coloniaux et postcoloniaux dans leurs zones d’influence tropicales.

Sous ce leitmotiv de « fausses solutions », on trouve en vrac : les mégaprojets de compensation carbone en échange de droits de polluer, la mise sous cloche conservationniste d’aires protégées à distance des populations locales (mais pas des « écotouristes »…), les politiques de dépossession des terres, de privatisation, d’extraction de minerais, les accords commerciaux sur les ressources [3], les monocultures d’agrocarburants, la financiarisation du vivant, la marchandisation des services écosystémiques, le green businessdu capital naturel, etc. L’ensemble procède d’une absorption de l’écologie par la combinaison d’une double logique : celle, libérale, d’accumulation privative et celle, néocoloniale, d’emprise contrainte. La tendance grève d’autant la dette écologique des pays riches à l’égard des pays pauvres. Et éloigne les uns et les autres des voies d’un développement partagé, juste et équilibré.

La chercheuse et militante Mary Ann Manahan, également associée au CETRI et qui signe l’un des articles de cet Alternatives Sud, ne disait pas autre chose lors d’une conférence de l’organisation Focus on the Global South l’été dernier aux Philippines. « Dans la course des grandes puissances mondiales à la primauté géoéconomique, la rhétorique des Green Deals qui se succèdent évoque des ‘alliances vertes’ et des ‘matières premières durables’, mais sans jamais nous expliquer comment l’extractivisme le deviendrait, durable, et les relations Nord-Sud, moins asymétriques. En réalité, ces politiques ‘environnementales’ présentent deux caractéristiques. Premièrement, elles ne sont pas axées sur la préservation des écosystèmes naturels, mais sur l’accumulation de capital. Deuxièmement, partant du principe que certaines régions du monde et certaines populations sont naturellement au service des autres, elles ont une portée coloniale. »

La façon dont ces deux dimensions structurent les différentes politiques dites « vertes » menées en pays à bas revenus ou vis-à-vis de ceux-ci est illustrée à l’envi dans cet Alternatives Sud, au fil des analyses critiques présentées. Ce que Maristella Svampa et Breno Bringel y appellent « le consensus de la décarbonation » donne le « la ». Cette nouvelle source mondiale de légitimité du modèle capitaliste vise officiellement à transformer le système énergétique basé sur les combustibles fossiles en un système à émissions de carbone faibles, basé sur les énergies renouvelables. Réduisant en cela la crise écologique à une seule de ses pourtant multiples causes – le CO₂ rejeté dans l’atmosphère [4] –, elle entend lutter contre les dérèglements climatiques en promouvant une transition énergétique tirée par l’électrification de la consommation et la numérisation.

Ce faisant, le consensus de la décarbonation entraîne une double dynamique délétère en pays pauvres, qui englobe une part importante des « fausses solutions » dénoncées par les autrices et auteurs de cet ouvrage. Il s’agit, d’une part, de l’extractivisme à des fins « durables », qui consiste à s’assurer de l’approvisionnement en quantités considérables de matières premières critiques (minières, agricoles ou forestières, tels le bois de balsa, le lithium, le cobalt, le nickel, l’huile de palme, etc.), nécessaires à la production ou au fonctionnement des technologies « propres » de la transition énergétique (CETRI, 2011, 2013b, 2023). Il s’agit, d’autre part, du conservationnisme à des fins de « neutralité carbone », qui consiste à considérer comme puits de CO₂ sûrs et quantifiables de nouveaux territoires (sols, sous-sols, eaux, forêts…), précisément utilisés pour les « valoriser » en zones de capture et de stockage, naturels ou artificiels, d’émissions polluantes.

Les marchés du carbone et les mécanismes visant à en compenser la surproduction, discutés par plusieurs des articles de cet Alternatives Sud, jouent à plein dans ce volet conservationniste des dynamiques induites par le consensus de la décarbonation. Régulés ou volontaires, ils offrent la possibilité aux États, entreprises et individus pollueurs qui peinent à réduire leurs émissions, de s’acheter des « crédits carbone » qui compensent leurs excès supposés « irrépressibles », en finançant des projets (conservation de forêts ou reboisement, technologies de séquestration, mais aussi parcs éoliens, etc.) censés réduire, éviter ou retirer une quantité équivalente de gaz à effet de serre de l’atmosphère. Or ces projets prennent l’eau de toutes parts : en raison, au mieux, de leur « inutilité » [5], des réductions fictives d’émissions qu’ils mettent en vente, de l’exonération à bas coûts des pollueurs et de l’enrichissement de sociétés courtières qu’ils autorisent ; au pire, en raison des impacts négatifs de ce green grabing pour les populations locales, souvent dépossédées de leur souveraineté sur leurs propres ressources. [6]

Le tout a été rappelé lors de la dernière COP Climat de Bakou face au nouvel accord, bancal, adopté en la matière, qui prétend mieux réguler une partie des crédits carbone mais qui ne rassure pas sur l’effectivité, la durabilité et la fiabilité des mécanismes validés. « Commencer la COP29 par l’adoption de règles risquées et pleines de lacunes sur les marchés du carbone, c’est un signal clair envoyé au monde : les gens et la planète ne sont pas la priorité. On légitime un mécanisme défectueux dont on a constaté à maintes reprises qu’il causait des dommages et qu’il ne fonctionnait tout simplement pas. Cette décision aura des effets désastreux » (Rachel Rose Jackson, https://corporateaccountability.org). Proclamer que « les compensations carbone constituent une solution viable au chaos climatique est l’un des récits mondiaux les plus préjudiciables. Elles sont devenues un obstacle au changement structurel, en permettant à l’économie dépendante des combustibles fossiles de se maintenir dans l’illusion de l’action climatique, (…) en truquant les chiffres » (Joanna Cabello & Ilona Hartlief, https://www.somo.nl).

Plus globalement, au-delà de ce que ces « fausses solutions » discutées dans cet ouvrage induisent concrètement en matière d’extractivisme, de conservationnisme ou de productivisme « verts », le principal trait commun des politiques « écologiques » menées par les acteurs les plus puissants en pays pauvres, généralement avec l’assentiment intéressé des élites nationales, renvoie à la marchandisation, à la privatisation et à l’accaparement du vivant. Ce que Manahan appelle dans ces pages « la financiarisation de la question environnementale » : la mise en vente des ressources naturelles, biologiques, génétiques… au plus offrant, pour mieux « sauver la planète ». Car, le dogme est formel, la valorisation du « capital naturel » (l’attribution d’un prix – le coût de la conservation – à telle ou telle fonction écosystémique) a pour vertu de le sortir de son invisibilité économique, de le préserver, voire de le faire fructifier, le marché mondial étant mieux à même que les autorités publiques ou les populations locales d’assurer la durabilité d’un bien dont dépendent ses taux de profit.

Rappelons-nous, c’était déjà le credo de « l’économie verte » célébrée à Rio+20 en 2012, seule en mesure selon ses promoteurs (du PNUE à l’Union européenne, en passant par le Forum de Davos, la Banque mondiale, le G20, PricewaterhouseCooper, etc.) de « découpler » croissance de l’économie et hausse des pollutions. Ou, mieux dit, de réconcilier capacité à faire du profit et capacité à protéger l’environnement, en valorisant la nature comme actif monétaire ou financier dans les stratégies d’accumulation (CETRI, 2013a). À ce stade pourtant, force est de constater que ces politiques menées depuis une trentaine d’années au nom du « développement durable » d’abord, de la « Green Growth » ensuite ou encore de tel ou tel « nouveau pacte vert » – qui, selon les mots du président du Conseil européen en 2020, « convertissent une nécessité existentielle pour la planète en opportunités économiques » – n’ont fait la preuve ni d’un renversement de logique ni même d’une inversion de tendances. Le « capitalisme vert » est un oxymore, la quantification de ses impacts écocidaires n’en finit pas de le confirmer.

Solutions postcapitalistes ou postdéveloppementistes ?

À gauche, au Sud comme au Nord, parmi les forces politiques réellement préoccupées et mobilisées par le désastre socio-environnemental en cours, on trouve divers courants qui – en simplifiant pour mieux les distinguer – situent les causes premières des déséquilibres soit dans la perpétuation d’un mode d’exploitation économique source de toutes les dominations, soit dans la quête infinie d’une croissance forcément insoutenable sur le plan écologique. Les premiers s’attaquent au néolibéralisme ou, pour les plus conséquents, au capitalisme, fût-il estampillé « responsable », « vert » ou « inclusif » ; les seconds entendent déconstruire le développementisme, souvent associé à l’occidentalisme, voire à l’idée même de progrès ou de modernisation.

Ces courants sont-ils irréconciliables ? Leurs divergences sont-elles rédhibitoires ? Paradoxalement peut-être, le dépassement de leurs désaccords, même fondamentaux, apparaît moins difficile à atteindre que ne devrait l’être le ralliement dans les opinions publiques d’une « masse critique ». C’est-à-dire le franchissement du seuil d’adhésion populaire à partir duquel l’inévitabilité et le bienfondé des ruptures préconisées et des propositions avancées rendront ces dernières démocratiquement applicables. Dit encore autrement, des deux défis à relever – « accorder les violons » puis « remplir la salle du concert » –, si l’un n’est pas gagné, l’autre semble plus laborieux encore à envisager.

Certes, ce qui divise anticapitalistes et antidéveloppementistes – y compris parmi les autrices et auteurs de cet Alternatives Sud – n’est pas à sous-estimer. Les premiers, plus socialistes qu’écologistes, reprochent aux seconds, plus écologistes que socialistes, leurs tergiversations à l’égard du capitalisme, ainsi que l’incongruité des concepts de sobriété et de décroissance dans les couches sociales qui peinent à assouvir leurs besoins de base. À l’inverse, les seconds réprouvent les atermoiements des premiers à l’égard du productivisme, ainsi que l’impudence des droits au développement et à l’industrialisation face à la finitude et à l’état de la planète. D’un côté, l’exploitation capitaliste, responsable de toutes les injustices socio-environnementales, est la mère des forteresses à vaincre ; de l’autre, c’est le rapport suprémaciste et utilitariste des modernes à la nature qui recèle en lui, intrinsèquement, les racines de l’inéluctable effondrement. La porte de sortie devra donc être postcapitaliste et/ou postdéveloppementiste.

Ce qui réunit ces deux pôles ne peut non plus être sous-estimé. Et permet de penser à l’articulation de la gauche égalitariste et de l’écologie politique, voire de l’« écosocialisme » et de la « décroissance » dont, parmi d’autres, Daniel Tanuro, auteur de L’impossible capitalisme vert et Timothée Parrique, auteur de Ralentir ou périr : l’économie de la décroissance, envisagent sérieusement la possibilité (Tanuro préfacé par Parrique, 2024). Des deux côtés, c’est sûr, on partage la conscience que l’augmentation des financements climat et l’accélération de l’application des politiques vertes mainstream ne suffiront pas. Que les solutions technologiques et de géo-ingénierie que l’on nous annonce depuis des lustres ne seront, pour les plus réalistes et les moins néfastes d’entre elles, que très partiellement à la hauteur des défis. Et surtout que la résolution de la crise écologique passe nécessairement par une transformation en profondeur des modes de production, de transport et de consommation actuellement à l’œuvre.

Les deux courants convergent dans la priorité à donner à l’indispensable « justice sociale et environnementale », ainsi que sur les principaux mécanismes politiques à mobiliser pour l’atteindre. Et ce, parce qu’en amont, ils réussissent également à s’accorder sur les justifications éthiques de cette convergence, ramassées ici par Jacques Bouveresse. « Qu’il puisse se révéler nécessaire d’imposer des limites même à l’aspect qui est le plus tangible et le moins contestable du progrès – à savoir l’amélioration des conditions et du niveau de vie des êtres humains – devrait être une chose tout à fait logique. Et c’est une idée qui, contrairement à ce que les défenseurs du progrès affectent généralement de croire, est tout à fait compatible avec la conviction qu’il est impératif et urgent d’améliorer sérieusement les conditions d’existence des millions de personnes qui vivent aujourd’hui de façon misérable » (2023).

Découlant de ces convictions partagées, les solutions préconisées par les autrices et auteurs de cet Alternatives Sud sont autant de ruptures avec la plupart des politiques « vertes » imposées à ce jour. Du global au local, elles parient sur le respect d’un ensemble de lignes de force, de principes génériques tous déclinables et d’ailleurs déclinés en un grand nombre de mesures à prendre, considérées comme « faisables », immédiatement opérationnelles… en fonction des situations et de rapports de force plus ou moins favorables à l’intérêt général, plutôt que dominés par des intérêts privés. Ces propositions alternatives vont de la planification écologique et de la relocalisation économique à la démocratisation sociale, la redistribution agraire, la justice fiscale, l’équité commerciale, le protectionnisme solidaire, la souveraineté alimentaire, la multipolarité internationale, l’autodétermination politique, la démondialisation, etc.

Ces solutions de rupture passent dès lors nécessairement et peut-être d’abord par le remboursement intégral de la dette écologique (Kolinjivadi et Vansintjan, 2024), la restriction draconienne des activités polluantes liées au productivisme et au consumérisme, l’interdiction de toute subsidiation publique des secteurs nuisibles à l’environnement, la régulation drastique des marchés financiers et la sanction de tout placement socialement et écologiquement toxique, la déspécialisation des territoires, la démarchandisation des biens communs, la limitation des droits des uns (élites patrimoniales, financières, industrielles, transnationales…) là où ils empiètent sur les droits des autres et de la biodiversité, l’instauration d’un revenu maximum autorisé, etc.

Pour bien la distinguer de l’idée de transition (et même de transition juste) cooptée ces dernières années (et vidée de son sens transformateur) par le capitalisme vert et les institutions internationales alignées, les « points de vue du Sud » réunis dans cet ouvrage invitent et réinvitent à comprendre la « transition écosociale » à mener comme un processus de réélaboration radicale tant du rapport à la nature des sociétés contemporaines que des rapports sociaux, des rationalités politiques et du modèle économique. Cette transition est « déjà à l’œuvre dans de multiples expériences communautaires localisées tant en zones rurales qu’urbaines », insistent Lang, Bringel et Manahan dans leur article commun. « C’est dans ces éco-utopies de ‘réexistence’ territorialisées – collectifs populaires d’énergie propre, maraîchages participatifs urbains, économies locales circulaires diversifiées, dynamiques agroécologiques redistributives… – que résident les alternatives les plus concrètes au colonialisme vert. »

Le principal obstacle à leur articulation régionale, nationale et internationale et à la constitution de forces politiques à même de les relayer et de les orchestrer réside précisément, selon la philosophe Nancy Fraser entre autres, dans le développementisme dominant et l’hégémonie du capitalisme. Une hégémonie qui « en soumettant de vastes aspects de la vie sociale à la ‘loi du marché’ (c’est-à-dire aux grandes entreprises), nous prive de la capacité de décider collectivement ce que nous voulons produire et en quelle quantité, sur quel principe énergétique et selon quels modes de relations sociales. Elle nous prive également des moyens de décider de l’emploi du surplus social produit collectivement, de la relation que nous voulons avec la nature et les générations futures, de l’organisation du travail de reproduction sociale et de son rapport à la production » (Fraser, 2025).

Reste dès lors un grand nombre de défis et de questions irrésolues, dont celles posées par Barbesgaard, Zhang, Hertanti, Gagyi et Vervest en fin de leur contribution dans cet Alternatives Sud. Quelle est le poids populaire réel des alternatives pratiques déjà en marche ? Quelles sont les bases sociales potentielles d’un modèle postcapitaliste ou postdéveloppementiste, au Sud et au Nord ? Quelles coordinations ou confluences politiques entre ces dernières ont-elles réussi à prendre forme et à déployer leurs orientations ? Quelle articulation envisager par exemple, très concrètement, entre syndicats de travailleur·euses du secteur des véhicules électriques, luttes des populations affectées par l’exploitation minière nécessaire à cette industrie et revendications sociales des mineurs eux-mêmes ?

Au-delà, quelle politique industrielle verte en pays pauvre sera-t-elle capable de maximiser, nationaliser et socialiser les bénéfices socioéconomiques locaux, tout en minimisant les dégâts causés à la biodiversité ? Avec quels acteurs, quels mouvements sociaux et quels États mettre en œuvre, dans les relations commerciales, les configurations guerrières et les bras de fer inter-impériaux en cours, un programme de meilleure répartition des richesses, juste et équitable, et des manières de faire indolores sur le plan écologique, c’est-à-dire qui, globalement, produisent, transportent et consomment nettement moins ? Et enfin, en deçà, au sein même des résistances au néocolonialisme vert, comment arbitrer entre les accents mis sur la notion de « souveraineté » ou sur celle d’« autonomie », de « public » ou de « commun », sur l’étatisme ou le communalisme, sur le progressisme, l’universalisme ou la revalorisation des cultures indigènes, ou encore sur le matérialisme ou le postmatérialisme ? Pour sûr, la sortie de la catastrophe écologique ne sera ni un dîner de gala ni un long fleuve tranquille.

Notes

[1] Lire CETRI, « Le Nord remboursera-t-il un jour sa ‘dette écologique’ au Sud ? », 18 juin 2024, Equal Times
[2] À l’heure d’écrire ces lignes, un membre du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) rappelle publiquement (https://auvio.rtbf.be/media/matin-premiere) que, d’après une étude publiée en 2024 (https://www.carbonbrief.org/analysis-trump-election-win-could-add-4bn-tonnes-to-us-emissions-by-2030/), la réélection du républicain Donald Trump à la présidence des États-Unis va coûter à l’humanité, rien qu’en émissions carbone, en quatre ans et sur le plan strictement domestique, plus du double de ce que la « transition énergétique mondiale » est parvenue à épargner ces cinq dernières années.
[3] Dans cet Alternatives Sud, l’article de González et Verbeek notamment explique par le détail les différents instruments politiques et juridiques utilisés par l’Union européenne dans les négociations commerciales pour assurer le caractère asymétrique des accords conclus. Des accords qui, par exemple, illégalisent les restrictions à l’exportation des minéraux critiques que nombre de pays du Sud tentent d’imposer pour en promouvoir le traitement sur leur territoire, y créer de la valeur ajoutée et développer sur cette base leur propre industrie verte.
[4] Laissant donc de côté, par exemple, la dissémination en hausse des plastiques dans l’environnement, l’arrosage tous azimuts de pesticides chimiques, la production de quantités toujours plus considérables de déchets, peu ou mal recyclés, l’artificialisation croissante des sols, la pollution de l’air par les particules fines, la contamination des eaux par un cocktail de nouveaux polluants, la surexploitation des nappes phréatiques, des terres et des mers, l’impact délétère grandissant de la ruée minière, etc.
[5] « La majorité des projets de compensation qui ont vendu le plus grand nombre de crédits carbone sont ‘vraisemblablement de la camelote’ (likely junk) » conclut entre autres une étude de Corporate Accountability relayée par The Guardian du 19 septembre 2023 : « Revealed : top carbon offset projects may not cut planet-heating emissions ».
[6] Pour une analyse fouillée et balancée des conditions d’efficacité, des risques et des effets pervers des multiples instruments de marché (techniques, financiers et juridiques : compensation biodiversité, certifications, fiscalité écologique, processus REDD+, paiements pour services environnementaux, Green Bonds, fonds fiduciaires conservationnistes, accès et partage des avantages (APA) des ressources génétiques, droits de propriété intellectuelle, etc.) mis à la disposition des grands pollueurs afin de concevoir leurs politiques environnementales, lire notamment les travaux d’Alain Karsenty du CIRAD (https://catalogue-formation.cirad.fr/formation/136/instruments-economiques-et-financiers-pour-le-climat-et-la-biodiversite/175).

Bibliographie
Bouveresse J. (2023), Le mythe moderne du progrès, Marseille, Agone, collection Éléments.
CETRI (2011), Agrocarburants : impacts au Sud ? , Paris, Syllepse, collection Alternatives Sud.
CETRI (2013a), Économie verte : marchandiser la planète pour la sauver ?, Paris, Syllepse, collection Alternatives Sud.
CETRI (2013b), Industries minières – Extraire à tout prix ?, Paris, Syllepse, collection Alternatives Sud.
CETRI (2020), L’urgence écologique vue du Sud, Paris, Syllepse, collection Alternatives Sud.
CETRI (2023), Transition verte et métaux critiques, Paris, Syllepse, collection Alternatives Sud.
Fraser N. (2025), Le capitalisme est un cannibalisme, Marseille, Agone, collection Contre-feux.
Gaughran A. et Verbeek B-J. (2024), « Green Industrial Policies – The ‘win-lose’ approach of major economic powers undermines any hope of a just transition », SOMO, 26 août.
Gelin R. (2024), « La décroissance, nouveau sens commun ? », GRESEA, 18 mars.
Kolinjivadi V. et Vansintjan A. (2024), « Nothing can be ‘green’ or ‘eco-friendly’ until the ecological debt is paid », CETRI, 19 décembre.
Manjonjo K. et Mokgonyana K. (2024), « Foreign countries are lining up to exploit Africa’s critical minerals », Other News, 29 octobre.
Merlant M. et al. (2021), L’écologie, un problème de riches ?, Paris, Ritimo.
Steinfort L. et al. (2023), Les multinationales « vertes » démasquées, Common Findings Report, TNI, CorpWatch, ODM, ODG, ENCO.
Sundaram J.K. (2024), « Rich Nation Hypocrisy Accelerating Global Heating », CETRI, 24 avril.
Tanuro D. & (préface de) Parrique T. (2024), Écologie, luttes sociales et révolution, Paris, La Dispute.
Wintgens S. (2024), UE-Mercosur : faire de l’accord commercial un levier de développement durable, Note politique, Bruxelles, CNCD.

Bernard Duterme

https://www.cetri.be/La-grande-hypocrisie-verte-Nord
https://www.syllepse.net/business-vert-en-pays-pauvres-_r_22_i_1114.html

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Bernard Duterme

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