Publié le 15 avril 2020 |http://alter.quebec/canada-la-pandemie-menace-les-femmes-autochtones/
Pam Palmater, extraits d’un texte paru dans Canadian dimensión, 25 mars 2020
En juin 2019, le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues a déclaré le Canada coupable à la fois de génocide historique et en cours contre les peuples autochtones en général, et les femmes et les filles autochtones en particulier. L’enquête nationale a révélé que les structures coloniales canadiennes qui ciblaient les femmes et les filles autochtones entraînent directement les taux actuels de violence, de décès et de suicide. L’échec subséquent du Canada à prendre des mesures urgentes pour mettre fin au génocide expose maintenant les femmes et les filles autochtones à un risque plus élevé d’infection et de décès dans cette pandémie.
Le ministre des Services aux Autochtones du Canada, Marc Miller, a annoncé que 305 millions de dollars ont été approuvés pour un financement propre aux Autochtones, dont 215 millions de dollars pour les Premières nations, 45 millions de dollars pour les Inuits, 30 millions de dollars pour les Métis et 15 millions de dollars pour les organisations urbaines et autochtones. Aucun financement n’a été annoncé pour répondre spécifiquement aux impacts sexospécifiques de cette pandémie sur les femmes autochtones.
Les statistiques brossent un tableau sombre pour les femmes et les filles autochtones. Dans l’ensemble, les femmes autochtones ont des taux de tentatives de suicide plus élevés et celles qui ont eu leurs enfants placés en famille d’accueil ont des tentatives de suicide et des achèvements significativement plus élevés. Ajoutez à cela le fait que, même s’ils ne représentent que 4% de la population féminine canadienne, ils représentent au moins 25% des femmes victimes de meurtre. Ils sont la cible numéro un des trafiquants d’êtres humains et des tueurs en série. Les femmes et les filles autochtones sont régulièrement la cible de violences sexuelles commises par des policiers et souffrent de sévices physiques et sexuels dans des institutions publiques comme les pensionnats indiens, les hôpitaux indiens et les prisons depuis des décennies. Les femmes autochtones représentent 42% de la population carcérale féminine. D’après les statistiques officielles, 91% des femmes et des filles autochtones en prison ont subi des violences physiques ou sexuelles.
Tous les ordres de gouvernement et organismes d’État du Canada ont contribué à créer et à maintenir les pires conditions socioéconomiques pour les peuples autochtones, en particulier les femmes et les filles autochtones. Leur échec persistant à lutter contre le génocide en cours expose les femmes et les filles autochtones à un risque plus élevé d’infection et de décès par COVID-19. Les femmes et les filles autochtones dans les prisons et les services correctionnels pour les jeunes sont littéralement prises au piège dans des institutions bien connu pour la surpopulation, les conditions insalubres et un manque critique d’accès aux soins de santé. Ajoutez à cela le nombre de filles autochtones surreprésentées dans le système de placement familial vivant dans des foyers de groupe, voyageant entre les services correctionnels pour les jeunes et les foyers d’accueil ou vivant dans la rue, et nous voyons une recette pour un désastre. Les femmes autochtones sont également surreprésentées dans la population des sans-abri. COVID-19 a déjà frappé les sans-abri et les prisons. Si nous n’agissons pas maintenant, nous pourrions voir des taux d’infection et de décès beaucoup plus élevés chez les femmes et les filles autochtones que lors des pandémies précédentes.
Les femmes et les filles autochtones ont besoin d’un plan complet comprenant :
• Un plan de décarcération ciblé avec des soutiens post-libération correspondants ;
• Une injection de fonds d’urgence pour les agences de protection de l’enfance s’occupant des enfants autochtones pris en charge et les soutiens et protections supplémentaires dont ces enfants et leurs familles auront besoin pour rester en santé et connectés ;
• Financement et infrastructure pour entretenir et étendre les abris d’urgence contre les violences domestiques et les viols afin que les femmes et les filles autochtones ne soient pas piégées par le virus pour rester dans des situations dangereuses ;
• Logement ciblé dans et hors réserve pour les femmes et les enfants autochtones afin de les éloigner des rues du virus ;
• Inscription accélérée des Indiens pour les enfants qui ont récemment droit à l’inscription en vertu du projet de loi S-3 afin qu’ils puissent accéder à des services de santé essentiels non assurés ;
• Des lieux sûrs pour la garde d’enfants pour les femmes autochtones qui travaillent en première ligne de la pandémie, y compris dans le travail social, les infirmières, les soutiens médicaux, la vente au détail et la conciergerie, etc.
• Allocation de revenu de base pour les femmes autochtones qui s’occupent d’enfants, de parents âgés et / ou de membres de la famille élargie ;
• Paiements de soutien d’urgence pour permettre aux femmes autochtones d’acheter suffisamment de nourriture, d’eau et de fournitures médicales pendant cette période d’auto-isolement ; et
• La suppression immédiate de tous les camps pour hommes situés au sein ou à proximité des communautés autochtones afin de réduire les taux de violence et les risques d’infection lors des rassemblements de masse des travailleurs.
Bien qu’il ne s’agisse en aucun cas d’un plan global de lutte contre la pandémie, il est essentiel que les gouvernements à tous les niveaux se tournent vers les moyens par lesquels les femmes et les filles autochtones ont besoin de soutiens ciblés. Si le budget fédéral actuel représente l’étendue de leurs mesures en cas de pandémie autochtone, alors nous avons de sérieuses inquiétudes. Dans le contexte de crise actuel du génocide en cours contre les femmes et les filles autochtones, il est extrêmement urgent d’élaborer dès maintenant un plan de lutte contre la pandémie sexospécifique.
Pam Palmater est une citoyenne mi’kmaw et membre de la Première nation d’Eel River Bar dans le nord du Nouveau-Brunswick. Elle est chroniqueuse de longue date sur CD et est avocate en exercice depuis 20 ans. Actuellement, Pam est professeure et titulaire de la chaire de gouvernance autochtone à l’Université Ryerson.
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