Tiré de Courrier international.
Pour l’économie canadienne, les dernières nouvelles sont plus qu’encourageantes : le produit intérieur brut du pays a augmenté de 1,1 % en février, sa plus importante hausse mensuelle en onze mois, souligne Statistique Canada. Selon l’économiste de la banque Toronto Dominion, James Orlando, ces données de l’agence gouvernementale “renforcent l’opinion selon laquelle rien ne peut stopper l’élan de l’économie canadienne”.
Mais pour les industries du pays, déjà confrontées à de graves pénuries de travailleurs, la situation n’a rien de facile. “Il n’y a personne à embaucher en ce moment”, a confié à Bloomberg la vice-présidente du Conseil des viandes du Canada, Marie-France MacKinnon. Selon un sondage réalisé récemment par son organisme, il y aurait plus de 10 000 postes vacants de bouchers.
Le 30 avril dernier, le Canada a assoupli les règles de son programme pour les travailleurs étrangers temporaires afin de permettre aux employeurs d’embaucher davantage. Carla Qualtrough, la ministre de l’Emploi, reconnaît que le défi consistera à “trouver l’équilibre entre répondre aux besoins du marché du travail et garantir que les travailleurs bénéficient d’une protection dans le cadre du programme lui-même”.
Des risques pour le niveau de vie moyen dans le pays
Pour sa part, Miles Corak, professeur d’économie à l’Université de la ville de New York, a tweeté que les nouvelles règles du programme fédéral qui a permis à 100 000 travailleurs temporaires d’entrer au Canada l’an dernier sont “honteuses”. Cet ancien conseiller de Justin Trudeau va même plus loin : “Le Programme des travailleurs étrangers temporaires est assez proche de la servitude contractuelle et devrait être supprimé.”
Parmi ces travailleurs, certains acceptent des conditions de travail précaires dans l’espoir d’accéder à la résidence permanente, explique Mikal Skuterud, professeur d’économie du travail à l’Université de Waterloo. “Ils ont des taux d’absentéisme plus faibles et acceptent des salaires inférieurs”, indique-t-il à Bloomberg :
- “Du point de vue de l’employeur, ce sont des profits énormes qui peuvent être réalisés sur le dos de ces travailleurs”.
L’Institut de recherche en politiques publiques craint que donner aux employeurs un plus grand accès à ce bassin de travailleurs peu qualifiés ne sape la croissance des salaires réels, n’accroisse les inégalités de revenus et ne fasse baisser le niveau de vie moyen au Canada.
Des travailleurs “plus exploitables”
En décembre dernier, rapporte la CBC, l’auditeur général du Canada, Karen Hogan, déclarait que le gouvernement n’en faisait pas assez pour s’assurer de la protection de ces travailleurs qui arrivent au pays au rythme de 100 000 par an. Le directeur de l’organisme de défense Migrant Worker’s Alliance for Change, Syad Hussan, est d’accord :
- “Pourquoi ces personnes sont-elles acheminées ici avec des permis de travail fermés, liés à l’employeur, plutôt que d’avoir les mêmes droits que n’importe quel autre immigré ? La réponse : il n’y a pas de pénurie de travailleurs – il y a une pénurie de travailleurs plus exploitables.”
Martin Gauthier
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