5 janvier. Suite à son score aux élections régionales du 2 décembre 2018 (11% des voix et 12 sièges sur 109 – première explosion électorale fasciste après la fin du franquisme), la formation d’extrême droite Vox fait pression sur le Parti populaire (PP, droite) et sur Ciudadanos (libéral, centre droit) pour instaurer une majorité absolue de droite en Andalousie, région la plus peuplée d’Espagne. Son président, Santiago Abascal, énonce ses conditions : modifier la législation sur les violences faites aux femmes. Qualifié de « féminisme radical », « dictature des femelles »,« djihadisme de genre », l’ensemble de lois précédemment instaurées par le Parti socialiste augmenterait, selon Francisco Serrano, leader de Vox en Andalousie, les risques pour « les hommes » d’être poursuivis et donc victimes de discriminations. L’extrême-droite propose d’y substituer la terminologie « violence au sein de la famille ». Cette position est également très claire. Antiféministe, masculiniste, elle pose les termes d’un pouvoir politique résolument anti-progressiste.
6 janvier. Les femmes du mouvement français des Gilets Jaunes organisent leur propre rassemblement. D’emblée les organisatrices précisent : « Nous restons complémentaires et solidaires aux hommes, ce n’est pas une lutte féministe mais féminine ». Et d’ajouter : « Nous voulons montrer que nous sommes la mère patrie, en colère et nous avons peur pour l’avenir de nos enfants ». Elles entendent pourtant défendre les intérêts des mères isolées ou bien des travailleuses pauvres, ce que le mouvement féministe du pays fait depuis plusieurs années. Par ailleurs, ces femmes placent les violences policières au centre de leurs préoccupations. Pendant la manifestation à Paris elle se sont directement adressées aux policiers : « Je suis ta femme, ta cousine, ta mère, ta sœur et donc quand tu frappes, pense à moi » ou encore « CRS tout nus, on veut des calendriers ! ». Conformiste, antiféministe, paternaliste (les femmes vues comme des mères, sœurs, filles, au service de la Nation), viriliste (les hommes réduits à des canons masculins de beauté), cette démarche s’oppose clairement à une transformation des relations inégalitaires entre femmes et hommes.
7 janvier. Le Premier ministre français, Edouard Philippe, annonce au journal d’une des télévisions nationales l’intention pour le gouvernement de ficher les casseurs en vue de leur interdire l’accès aux manifestations. Par cette loi, l’État pourrait « sanctionner ceux qui ne respectent pas [l’]obligation de déclaration » préalable d’une manifestation, rendre délictueux le fait de « porter une cagoule » lors d’une manifestation, ou encore d’engager « la responsabilité civile des casseurs (…) pour les dommages qui sont causés ». L’arbitrage serait transféré au seul représentant de l’État, le préfet, et ne passerait plus par un juge/procureur. Tout citoyen est potentiellement concerné et pour une durée de fichage inconnue. Ce renforcement de l’interdiction du droit à manifester représente une atteinte aux libertés fondamentales et s’inscrit dans le sillage de l’option « tout » sécuritaire du Président Macron et de l’État d’urgence voté au lendemain de son élection.
Brésil, Espagne, France. L’heure est clairement aux renforcements institutionnel et populaire conjoints des poncifs rétrogrades, antihumanistes, homophobes et antiféministes. L’« insurrection » comme la répression – restrictions des droits des citoyens et en particulier des femmes – empruntent désormais les mêmes voies. On assiste à la banalisation de la réaction – engagements « réactionnaires » – et au nivellement des luttes par le bas. La banalité du mal, comme l’a si bien décrite Hannah Arendt, fait de nouveau foi.
Joelle Palmieri, 11 janvier 2019
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