Le nouveau dossier de l’heure : les BPC de Pointe-Claire. Québec sait depuis mars dernier qu’il y a sur le terrain de la compagnie Reliance un entreposage illégal de matières dangereuses. Six mois ! Qu’est-ce qui a été fait ? Rien, nothing, niet, nada, malgré que plusieurs fonctionnaires aient signalé la grande dangerosité des substances en présence et leur entreposage complètement inefficace [2]. Par contre, dès qu’il y a eu une fuite dans les médias, ça a été le branle-bas de combat : un garde sur le site, des clôtures, alouette ! La contamination du lac St-Louis, le système d’égouts de la ville pollué par 1,800 litres d’huiles usées et 200,000 litres d’eaux huileuses contaminées ramassées ) , ce n’était pas assez pour faire agir. Pourtant, l’utilisation des BPC est interdite depuis plusieurs années et le Canada a même signé une convention pour en assurer la destruction.
On fête le vingtième anniversaire de l’incendie des BPC de Saint-Basile. Était-ce le gâteau qui était prévu pour l’occasion ? Voulait-on nous faire une belle surprise ? Et quand on demande au ministre pourquoi il n’a pas agi plus tôt et prévenu la population, il répond que c’était au Ministère de la santé publique de le faire. Toujours la faute d’un autre, n’est-ce pas ? La ministre Ouellet et Sopfeu ont eu la même querelle pour déterminer qui aurait dû décider d’envoyer les pompiers.
Ce serait bien que nos élus prennent leurs responsabilités en même temps qu’ils prennent possession de leur limousine ministérielle. Parions même qu’ils peuvent y faire des téléphones pour se parler des dossiers importants, comme lorsque le grand Nord brûle ou que du pétrole coule à pic dans la rivière Chaudière ou des BPC dans les égouts de Pointe-Claire. Plusieurs experts sont formels, une fois les BPC perdus dans l’environnement, il est trop tard. Le mal est fait. N’avez-vous pas une forte impression de déjà-vu alors que le ministre s’apprête à déposer une ordonnance ?
Le ministre Blanchet, comme à son habitude, dira que ce sont les médias qui cherchent à mal le faire paraître, ou que c’est au fédéral qu’on doit reprocher sa trop grande « souplesse », car dans ces deux dossiers, il y a une responsabilité partagée. Je pense discerner un pattern, un cercle vicieux, dans la gestion du présent gouvernement. Voyons cela.
Le premier élément consistait, pour le Ministère de l’environnement, à se vanter d’avoir contenu 100 000 litres d’hydrocarbures dans le lac Mégantic. Le communiqué était du genre : « Chers citoyens, la situation est sous contrôle, nous avons retenu la contamination du lac Mégantic, etc. » Cependant, un spécialiste d’écotoxicologie moléculaire a sorti sa calculatrice : 72 wagons contenant x litres qui ont brûlé pendant tant d’heures, ce ne sont certainement pas 100 000 litres qui ont pu se répandre. Monsieur Pelletier a donc été le premier à émettre la possibilité que les dégâts soient plus importants que ceux annoncés. Ce que le ministère a dû concéder quelques jours plus tard. Où étaient les fonctionnaires et à quoi occupaient-ils leur temps ? Nous ne parlions pas de 100 000 litres, mais de plusieurs millions (5,7millions). Est-ce possible que ça ait pu leur échapper ? Bien sûr que non, mais ils se sont gardés de parler publiquement contre les patrons.
En second lieu, le ministre s’est voulu fort rassurant quant à la possibilité réelle que le pétrole ait pu couler au fond de la rivière Chaudière. Il parlait de « légères irisations » visibles. [3] Encore une fois, il a fallu qu’un citoyen s’inquiète [4] et fasse appel à un spécialiste des dommages environnementaux, Monsieur Daniel Green, lequel a pris des échantillons et fait la démonstration qu’il y avait des substances toxiques, en plus de la présence de pétrole sous l’eau. Le pétrole avait donc coulé, ce qu’il n’était pas censé faire. L’explication possible, c’est que l’hydrocarbure contenu dans les wagons soit du pétrole de schiste c’est-à-dire un mélange contenant des centaines, sinon des milliers, d’espèces moléculaires. Celui qui a été déversé, provenait du Dakota du Nord et n’est pas, sinon pauvrement, caractérisé. Autrement dit, on ne connaît pas sa composition exacte.
On peut comprendre que le gouvernement ait été dépassé par l’ampleur de la catastrophe et que son rôle soit de rassurer la population. Il faut admettre qu’un centre-ville qui explose, cela défie l’imagination. Plusieurs personnes ont parlé d’images de guerre. Pourquoi alors le dossier a-t-il été traité avec autant de désinvolture et de légèreté ? Cette même nonchalance explique le déversement des BPC.
Tout l’été, nous avons eu l’impression que le gouvernement était à la traîne, toujours devancé par les médias et les spécialistes. Pourtant, il aurait dû être constamment aux premières loges et contrôler la situation. Pourquoi avoir attendu que la compagnie MMA soit pratiquement en faillite pour lancer une ordonnance ? Que n’a-t-on pas demandé au gouverneur du Maine de saisir les actifs de la compagnie et de faire arrêter le PDG. Car, les Américains, eux, n’ont pas chômé : ils ont fait des annonces dans les 10 jours suivant la catastrophe.5 MMA peut encore aujourd’hui continuer ses activités au Québec, malgré la faillite et malgré le manque de sécurité de ses machines.
L’ordonnance contre la compagnie Reliance sera-t-elle plus efficace ? Les Québécois vont-ils encore payer la note ? Quelle garantie demandera-t-on à l’avenir pour empêcher ces catastrophes ? Petrolia s’apprêterait à fracturer l’île d’Anticosti au gaz propane et la ministre Ouellet – la même qui s’opposait farouchement au gaz de schiste – va-t-elle craquer elle-même l’allumette de ce désastre annoncé ? A-t-on prévenu les pompiers de ce qui les attend ? Mais surtout, qui est leur capitaine ?