Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Débat sur la question nationale

De quelques clarifications autour de la constituante telle que pensée par QS

Au pays du Québec, c'est la détermination qu'il faut en toute priorité cultiver

Suite au compte rendu critique que j’avais essayé de faire du dernier congrès de QS (Après la fête, les tambours seront-ils lourds ?), j’ai reçu de nombreux commentaires et réactions, notamment à propos de la constituante, laissant penser qu’il manquait bien des données pour que puisse se donner à son propos un débat fécond. Aussi ai-je pris mon courage à deux mains et me suis lancé dans le texte ci-dessous pour tenter de répondre à quelques-unes des objections et interrogations qui revenaient le plus souvent. En espérant que cela permette de faire avancer ce débat aussi passionné que passionnant.

Pour commencer, je m’appuierai sur une lettre d’Amir Khadir dans laquelle il rappelle tout d’abord que « l’indétermination (du mandat de la constituante NDLR) est déterminante pour lui donner une force mobilisatrice (…) pour convaincre ce 30% de notre peuple dont l’idée n’est pas fixée (.) », tout en concédant cependant à la fin qu’« on oublie trop souvent dans les communications publiques de QS, de mettre en relief notre position indépendantiste (...) ça ressemble beaucoup à tout ce que la société québécoise, les mouvements populaires sont devenus. Un peu oublieux de cet impératif politique. »

Il me semble que c’est là, dans ce dernier constat, que gît le problème de fond, et c’est la raison pour laquelle le débat sur la constituante s’est mal posé au dernier congrès. Car cet oubli de mettre en relief notre position indépendantiste, c’est ce que la proposition d’Alexandre Leduc cherchait à corriger, mais si je puis dire inadéquatement, dans le sens où il a cherché à réinscrire ce principe par ailleurs si nécessaire et parfois si oublié (voir l’exemple de la dernière brochure) à propos de la constituante (à la mode Québec solidaire) vis-à-vis de laquelle la réflexion collective de QS est —en termes de données empiriques et politiques concrètes— à peine commencée. Et cela d’autant plus qu’il y a quelque chose de tout à fait inédit dans la démarche proposée et qu’on n’a aucun exemple historique exactement semblable pour nous inspirer.

Ce qui fait que le débat s’est donné « dans les airs », sur des principes abstraits et faussement contradictoires (l’indépendance versus la démocratie participative), loin de toutes balises concrètes et empiriques, de toutes données politiques de base permettant d’orienter le jugement. À la manière d’un débat quelque peu surréaliste, hypothétique, déconnecté.

À se trouver devant un grand vide d’ordre stratégique

En fait c’est probablement l’explication cachée de ce débat faussé du congrès : le fait que nous n’arrivions pas ici et maintenant à QS à parler de l’indépendance comme il faudrait [1], finit par nous placer devant un grand vide... d’ordre stratégique.

Un vide stratégique qui nous renvoie à nos propres incertitudes internes concernant le rôle que nous pensons faire jouer à l’indépendance dans notre programme : est-elle une préoccupation parmi d’autres préoccupations (féministe, écologiste, altermondialistes, sociale, etc.) ; ou bien plutôt cet axe stratégique à partir duquel toutes les autres préoccupations premières de QS se combinent et prennent forme, politiquement parlant. Et c’est d’abord cette question qu’il faudrait pouvoir régler, surtout si l’on imagine, comme le rappelait Daniel Bensaïd en 2007 que la politique « n’est ni une science de l’administration ni une technique institutionnelle, mais un art des moments propices et des espaces de décision. Un art stratégique ». Car enfin comment peut-on imaginer un autre monde possible –plus féministe, plus écologiste, plus social et altermondialiste au Québec, etc.— si on ne s’attaque pas au fait que nous vivons toujours sous une constitution monarchique et coloniale qui a eu entre autres pour fonction dans le passé de « minoriser » le peuple de Québec puis de le maintenir jusqu’à aujourd’hui en état de tutelle ?

Ce qui fait que les arguments premiers d’Amir (destinés à convaincre et rallier les 30% d’indécis), ils correspondent en fait aux questions qu’on doit se poser aujourd’hui, ici et maintenant au sein de QS, et non pas au moment (sans doute pas tout tout proche !!??) où entrera en fonction une assemblée constituante à la mode QS et élue par l’ensemble du peuple québécois.

Car, à y regarder de près, ce serait plutôt... d’aujourd’hui et.. de QS (de sa stratégie actuelle sous-jacente) dont parle Amir, lorsqu’il écrit : « L’objectif de la stratégie de l’indépendance est de pouvoir convaincre suffisamment de non convaincus pour gagner la cause de l’indépendance et non pas pour rendre QS plus populaire chez les indépendantistes ».

Comment ne pas voir là en pointillé... nos propres tergiversations passées sur la question (dont toute l’histoire interne de QS témoigne), mais aussi notre incapacité d’aujourd’hui non seulement à faire clairement bloc autour de cette question pourtant essentielle, mais encore à avoir une idée claire sur la façon dont en termes stratégiques on devrait –pour se construire comme parti et nous imposer sur la scène politique québécoise— se situer vis-à-vis du PQ et son projet souverainiste actuel [2].

N’est-ce pas à ces questions non résolues qu’il faut s’attaquer de toute urgence, d’autant plus que les appels à la convergence du PQ n’en font qu’exacerber l’impact. Car j’imagine qu’on m’accordera bien ce point : quel que soit le point de vue que l’on retiendra sur le mandat à donner à la constituante, si QS n’apparaît pas dès aujourd’hui –non seulement en théorie, mais aussi en pratique— comme un partisan déterminé de l’indépendance, il y a bien peu de chances qu’il convainque qui que ce soit de non convaincu de le rejoindre.

Tout des processus constituants ayant eu cours récemment en Amérique latine (en Équateur,au Venezuela, en Bolivie), nous le montre sans équivoque : c’est grâce à la volonté indéfectible de partis de gauche portés au pouvoir qu’ils ont pu –malgré de fortes oppositions initiales— être lancés et surtout stimuler la mobilisation citoyenne en accouchant de constitutions clairement marquées par les valeurs de gauche.

Au pays du Québec, c’est cette détermination qu’il faut en toute priorité cultiver.


Une démarche à 2 volets

Une fois ce préambule rappelé, il reste à réfléchir plus précisément à la constituante telle qu’on semble la visualiser à QS lorsque sera arrivé le temps d’un gouvernement QS, c’est-à-dire lorsque QS aura pu recueillir lors d’élections provinciales, près de 35% des suffrages, en sortant ainsi de son statut de tiers parti (plafonnant actuellement aux élections à un petit 8% !) et en prenant la place d’un des deux grands partis qui depuis 40 ans s’installent en alternance au gouvernement provincial. Car tel est le contexte institutionnel à partir duquel le programme de QS a été pensé.

Avant d’aller plus loin, il faut cependant rajouter ceci : jusqu’à présent il n’y a pas vraiment eu de réflexion politique de ce genre menée au sein de QS, et cela pour la bonne raison que nous avons opté depuis les origines –pragmatisme oblige— pour une démarche à deux volets passablement séparés l’un de l’autre : avec d’un côté, l’élaboration progressive d’un programme complet et général (type programme « maximum » (pour reprendre l’ancienne terminologie), mais délié de toute conjoncture politique particulière) ; et de l’autre côté, la définition d’une plateforme électorale conjoncturelle exigée par tel ou tel agenda électoral. Mais sans jamais réfléchir en détail, à la façon dont nous pourrions dans un temps donné, dans une conjoncture historique particulière, passer de l’un à l’autre, c’est-à-dire transiter du « programme minimum » (de la plateforme électorale conjoncturelle) au « programme maximum ».

Or commencer à réfléchir à la constituante de manière plus précise et détaillée (à ce que devrait être son mandat, comment elle devrait fonctionner, etc.), c’est justement commencer à réfléchir autrement que selon les deux volets séparés et coupés l’un de l’autre, de la « plateforme minimum » et du « programme maximum ». C’est commencer à prendre en compte la réalité politique telle qu’elle risque de se donner dans les faits ; en cherchant à voir comment on pourrait avoir prise sur elle, peser sur certaines de ses composantes de manière à atteindre les objectifs (non négligeables, il faut le dire !) qu’on s’est donnés. En somme, c’est commencer à entrer de plain-pied dans le champ de la politique, prise au sens profond du terme, en nous colletant dès lors à des questions du genre de celles qu’on peut se poser à Podemos ou chez Syriza.


Or si à propos de la constituante made in QS, on cherche à prendre en compte le critère du « réel » auquel QS sera nécessairement confronté, il faut nécessairement s’attarder au contexte sociopolitique « bien terre à terre » dans lequel risque de s’installer cette fameuse constituante, au cas où QS garderait son a priori indépendantiste du départ et arriverait au gouvernement avec disons 35% des suffrages. Car, quelle que soit la réponse que l’on donne à la question, il est impossible —si l’on ne veut pas s’enferrer dans un débat se déroulant dans les nuages— de ne pas prendre en compte le facteur du « contexte sociopolitique en vigueur » et d’introduire ses possibles effets sur la façon dont se posera le rôle de la constituante.

Peut-on dès lors imaginer que l’arrivée de QS au gouvernement se passera « à froid » comme si de rien n’était (à la manière d’une élection ordinaire) ? Ou au contraire doit-on prévoir un contexte d’effervescence sociale grandissante ?

Une intense bataille politique

Il y a de fortes chances que le scénario le plus probable d’une arrivée de QS au gouvernement soit celui d’un contexte socialement « mouvementé », d’un contexte de bataille politique intense ; contexte qui justement ne manquera pas d’influencer, d’aviver, d’accélérer même, la teneur des débats en cours [3]. Faisant probablement de la question de l’indépendance une question qui sera déjà sur la table dès la campagne électorale (précédant l’arrivée de QS au gouvernement), conduisant donc à ce qu’elle soit largement discutée sous forme d’enjeu électoral et poussée sur le devant de la scène par les secteurs les plus déterminés de la société ; ces derniers s’étant déjà fortement colletés à cette occasion avec leurs adversaires fédéralistes et néolibéraux présents dans la province, remportant donc à cette occasion une première victoire politique contre eux.

Ce qui veut dire que la question de la marche à l’indépendance ne commencera pas seulement avec la mise en place de la constituante, mais s’initiera dans les faits, à la manière d’un processus progressif et au milieu d’une lutte idéologique et culturelle intense ; l’arrivée au gouvernement de Qs ne pouvant être interprétée que comme une première victoire qui en appellerait inévitablement d’autres.

Comment dans un tel contexte de luttes et mobilisations intenses, interpréter le fait que –comme le veut ce qui vient d’être voté au dernier congrès de QS (27-28-29 mai 2016)— le gouvernement de QS n’aurait pas à se prononcer sur l’orientation générale qui serait donnée à la constituante ? N’aurait-il pas l’air « en dehors de la coche » ? Ou encore détaché des débats réels tels qu’ils sont en train de se donner ? Plus encore ne risque-t-il pas d’apparaître comme un véritable frein (ou retardateur) au processus en cours ?

Assurer un leadership politique jusqu’au bout

Bien sûr, il manquera après avoir remporté cette première élection générale, encore l’appui des 20 à 30% des gens qui n’auront pas voté QS aux élections générales et qui par conséquent ne sont pas a priori indépendantistes et devront être au fil du temps ralliés par le biais d’une stratégie adéquate dont la constituante devrait être le cœur (et nous verrons un peu plus loin comment).

Mais justement l’analyse minutieuse de phénomènes politiques en partie semblables s’étant par exemple déroulés concrètement au Venezuela, Bolivie ou Équateur à propos de l’élection de constituantes, montre que ce ralliement indispensable (de larges secteurs de l’électorat autour des volontés de changement incarnées par l’arrivée d’un nouveau gouvernement), ne peut être renforcé et connaître du succès que si le gouvernement et le parti dont il est issu assument leur leadeship jusqu’au bout. Et sans tergiversation !

Pour aucun de ces gouvernements, il n’a été question de rester sur la touche et de dire par exemple : « bon, comme c’est un exercice de souveraineté populaire, et comme on ne veut pas interférer dans ce choix, on vous laisse aller et libre d’instituer la constitution que vous désirez. »

Dans les faits, ça ne se passe jamais comme ça. La constituante s’établit toujours dans le contexte d’une intense bataille politique, et à propos de questions brûlantes secouant la société à ce moment-là et vis-à-vis desquelles se forment des camps antagoniques : par exemple dans les 3 pays cités précédemment, la question de la plurinationalité de l’État ou de la place que devraient occuper les Autochtones ; ou encore le rôle qui devrait être celui de l’État, de la démocratie participative ou les droits collectifs, etc.. Et la fonction du gouvernement comme du parti au pouvoir, ce n’est pas de regarder les choses de loin, à la manière d’un arbitre impartial qui compterait les points, mais au contraire c’est de faire des propositions, tracer le chemin, certes sur un mode de part en part démocratique, mais en faisant tout pour que notamment les constituants élus s’inscrivent dans ces volontés de changement qu’il incarne et tente de mettre en oeuvre.

Le cas de l’Équateur

Si l’on prend, à titre d’exemple concret, le cas de l’Équateur, il faut rappeler que Rafaël Correa et la coalition de partis (Alianza Pais) qui l’a porté au pouvoir, sont arrivés au gouvernement en 2006 avec une majorité de 56,8% et dans un contexte de crise institutionnelle marqué (3 gouvernements avaient été renversés dans les huit années précédentes par des soulèvements populaires).

Pourtant avant de se lancer dans l’expérience de la constituante à laquelle il tenait plus que tout, il a tout d’abord fait appel au peuple par le biais d’un référendum (qu’il remporta avec 82% des suffrages le 15 avril 2007), pour savoir si on l’autorisait à se lancer dans une telle aventure, avant de déclencher 3 mois plus tard environ, l’élection de constituants qu’il remporta en obtenant 80 sièges sur les 130 que comptait l’assemblée constituante, puis en faisant avaliser le nouveau projet écrit de constitution (comprenant 444 articles) par 94 voix sur 130 avant de le faire adopter par référendum par le peuple de l’Équateur à 62%, le 28 septembre 2008.

On le voit bien, si l’orientation déterminée du gouvernement est clairement maintenue tout au long du processus, s’il se bat pour faire avancer ses idées (via les constituants qui sont sur ses positions politiques), ce qui donne néanmoins son caractère démocratique à toute la démarche, c’est le recours à au moins trois scrutins (avant par référendum, lors de l’élection des constituants et après par référendum), sans parler de ces processus de démocratie participative et citoyenne dont nous allons parler plus bas. Et c’est ce double principe de « détermination gouvernementale/large aval démocratique » qui doit être à la base de la façon dont QS pourrait procéder à propos de sa constituante.

Des leçons pour Québec

Là, on ne peut que rentrer dans les détails concrets, que se colleter avec le réel : même si l’on décide par exemple de faire une chambre de constituants importante (disons entre 250 et 500 constituants) et qu’on décide de le faire selon les principes de la proportionnelle, en cherchant une représentation égale des hommes et des femmes, des régions et des villes, des différents secteurs professionnels (toutes choses sur lesquelles il faudrait travailler), il n’en demeure pas moins que lors de leur élection va se jouer une bataille politique clé autour du type de constituants qu’on veut élire, et bien évidemment dans le contexte du Québec, autour de leur orientation politique indépendantiste ou non (seront-ils ou non proches des positions indépendantistes de QS ?).

Ce sera là une deuxième bataille –après celle des élections générales— qui devrait pouvoir nous faire faire un pas de plus vers l’indépendance [4]. Car avec une chambre de constituants dont la majorité est favorable à l’indépendance, le type de constitution qui en sortira aura une tout autre facture ou couleur que dans le cas contraire. Surtout si on met en place, à ce moment-là, ce qui apparaît essentiel et décisif : un processus de démocratie participative du type de celui qui a commencé à avoir cours en Équateur. Comme en Équateur, et à la manière d’États généraux, l’assemblée constituante du Québec pourrait dans un premier temps, avant de commencer ses travaux proprement constitutionnels, recevoir des délégations de la société civile (syndicats, groupes de femmes, écologistes, associations professionnelles, chambres de commerce, etc.) venant de toutes les régions du Québec pour entendre leurs desiderata et orienter les constituants quant aux lois mères qui devraient gouverner le pays du Québec. Elle pourrait faire aussi des tournées ad hoc si nécessaires dans certaines régions [5].

Or ce qu’on note lors de tels exercices –ce fut le cas aussi bien au Venezuela qu’en Équateur et en Bolivie— c’est l’effervescence sociale et l’enthousiasme mobilisateur qu’un tel exercice entraîne invariablement ; enthousiasme qui appelle des participations plus larges et un intérêt accru de larges pans de l’opinion publique, suscitant débats, et délibérations, stimulant au passage une participation citoyenne chaque fois plus grande. C’est là où précisément l’assemblée constituante pourrait permettre de rallier les indécis : pas parce qu’on laisse l’orientation générale de ses travaux entièrement ouverts, mais parce qu’à travers ce vaste processus de délibération collective, on fait appel à la participation populaire directe et permet de faire voir « in vivo » ce qu’il en serait d’une constitution souveraine, avec tous ses effets potentiels sur la vie au quotidien de tout un chacun.

Les avantages d’un processus participatif

L’insigne avantage de ce processus participatif, c’est qu’il permet au temps de faire son œuvre et ainsi de donner un véritable contenu social au concept d’indépendance. La population du Québec n’aura pas qu’un mois pour se décider –comme dans le cas des référendums de 1980 et 1995—, mais plusieurs mois (on pourrait même imaginer que ses travaux se déroulent sur toute une année), permettant ainsi d’expérimenter et de faire voir comment l’indépendance pourrait changer la vie de larges secteurs de la population grâce au type de lois générales promues pour, par exemple, protéger les droits collectifs (au logement, à une vie digne, à l’égalité,etc.) de manière beaucoup plus effective, ou encore définir le rôle de l’État de manière à ce qu’il protège mieux le bien commun, etc. On sera ainsi bien plus à même de lutter contre la propagande fédéraliste et ainsi capable de mieux se positionner lors de la troisième bataille, ou mieux dit lors du dernier épisode de cette bataille pour l’indépendance : celui du référendum post constituante visant à entériner ou non les travaux constituants.

On le voit donc, il s’agit d’un long processus dont le succès tient avant tout à cette capacité de maintenir une infaillible détermination d’un côté, et de l’autre un large et grandissant aval démocratique.

Mais pour cela, il faut qu’il y ait –comme nous l’avons montré au point de départ— une détermination sans faille pour l’indépendance de la part du gouvernement et du parti au pouvoir. Loin, très loin de cette ambivalence qu’on retrouve malheureusement de manière patente dans les débats rythmant la nouvelle course à la chefferie du PQ (référendum ou pas lors du premier mandat, etc.?), mais aussi de manière plus subreptice au niveau de la conception de la constituante que se fait actuellement QS.

Alors que l’assemblée constituante est en principe, de par sa nature même, le lieu où le peuple assemblé décide souverainement de son avenir –et par conséquent dans le cas du Québec actuel--- se voit dans les faits amené à rompre avec les lois générales imposées par le fédéralisme canadien, voilà que le programme actuel de QS laisse supposer, au nom du principe de souveraineté populaire, qu’il pourrait en être autrement. Ouvrant ainsi la porte à une constitution non indépendantiste. Reprenant sans s’en rendre compte cette indétermination avec laquelle justement il faut coûte que coûte rompre si l’on veut devenir indépendants et surtout convaincre ceux et celles qui ne le sont pas encore.

Pierre Mouterde ; Sociologue, essayiste
Québec, le 6 juin 2016


[1C’est-à-dire en en faisant le centre de notre intervention et en ne cessant de la combiner avec la question sociale et vice-versa.

[2Francine Pelletier termine justement sa dernière chronique hebdomadaire au Devoir sur l’impérative nécessité de repenser la question de l’indépendance à l’aune des impératifs du 21e siècle, et non pas de ceux des années 60. Il y a là en effet pour un parti qui a fait le choix de l’indépendance, tout un travail à faire de réactualisation/reconceptualisation. Ne pourrait-ce pas être une tâche des intellectuels organiques de QS de faire un travail collectif de déblayage à ce propos ; manière de montrer que QS peut faire aussi sur une base indépendante ce travail et par conséquent être un interlocuteur de premier plan pour cet institut sur la souveraineté que le PQ se promet de mettre en place ?

[3C’est là le scénario le plus clair, mais on pourrait aussi imaginer un autre scénario (un scénario 2) où QS arrive au gouvernement en alliance avec un autre ou d’autres partis (ON ? PQ ?) et sur un programme qui n’est pas exactement le sien, avec l’idée cependant de faire avancer au moins quelques-unes de ses « causes » et de favoriser un processus moins rapide ou linéaire, mais possible de transition vers l’indépendance. Nous pensons néanmoins que le raisonnement quant à la constituante qui vaut pour le scénario 1 et que nous développons plus bas vaudrait d’autant plus pour le scénario 2 puisque les risques d’accoucher d’une constitution provinciale y seraient plus importants.

[4On le voit rien n’est a priori coulé dans le béton, mais dépend d’une série de victoires progressives que les forces indépendantistes pourront éventuellement obtenir on non au fil des différentes échéances électorales. De la même manière qu’un référendum n’est pas joué à l’avance, le résultat des travaux de la constituante dépendra de la capacité des constituants indépendantistes –n’est-ce pas eux qui ont initié le processus— à être convaincants et à gagner l’adhésion d’une majorité.

[5Un peu comme il s’en était fait lors du référendum de 1995 dans tout le Québec, avec le succès et l’intérêt que l’on sait.

Pierre Mouterde

Sociologue, philosophe et essayiste, Pierre Mouterde est spécialiste des mouvements sociaux en Amérique latine et des enjeux relatifs à la démocratie et aux droits humains. Il est l’auteur de nombreux livres dont, aux Éditions Écosociété, Quand l’utopie ne désarme pas (2002), Repenser l’action politique de gauche (2005) et Pour une philosophie de l’action et de l’émancipation (2009).

Messages

  • Enfin ! Un texte de Pierre Mouterde qui, on ne peut être plus clair, démontre l’importance pour QS de sortir du flou concernant sa position concernant l’indépendance du Québec dans le contexte politique actuel ; et en deuxième lieu sa position concernant l’appel à une Constituante.
    L’exemple rapporté concernant l’Équateur est fort éclairant pour comprendre comment la gauche peut être DÉMOCRATIQUE dans ses rapports au peuple et à la fois savoir ce qu’elle veut, le proposer, faire débattre son projet, dégager démocratiquement des positions majoritaires et passer au vote.

    Comme le texte mentionne "C’est là le scénario le plus clair, mais on pourrait aussi imaginer un autre scénario (un scénario 2) où QS arrive au gouvernement en alliance avec un autre ou d’autres partis (ON ? PQ ?) et sur un programme qui n’est pas exactement le sien, avec l’idée cependant de faire avancer au moins quelques-unes de ses « causes » et de favoriser un processus moins rapide ou linéaire, mais possible de transition vers l’indépendance. Nous pensons néanmoins que le raisonnement quant à la constituante qui vaut pour le scénario 1 et que nous développons plus bas vaudrait d’autant plus pour le scénario 2 puisque les risques d’accoucher d’une constitution provinciale y seraient plus importants.

    Effectivement, ce scénario d’un gouvernement d’alliance de partis souverainistes risque fort bien de se présenter beaucoup plus tôt que celui où QS seul prendrait le pouvoir. Dans ce cas, les tâches des militants et des militantes de QS, comme le souligne Pierre Mouterde, seraient encore plus ardues pour empêcher qu’une Constituante accouche d’un projet de souveraineté "identitaire" type Drainville ou d’une formule "Québec distinct" dans un Canada Uni.

    Jean-Jacques Roy

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