Publié le 27 avril 2017 | paru dans Droit de parole |Photo : La baie de Beauport, un milieu menacé. Pierre Mouterde.
Il faut dire que, dans cette affaire, le Port de Québec a mis le paquet et que, marketing à l’appui, on pourrait avoir l’impression qu’il prend vraiment fait et cause pour les baigneurs et baigneuses de la ville de Québec. Rien n’est pourtant moins vrai. Et pour se faire une idée plus juste à ce sujet, il suffit d’aller rencontrer Véronique Lalande qui continue à animer — avec son conjoint Louis Duchesnes — Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec, et à documenter les impacts des activités industrielles, tout comme d’ailleurs à travailler sur deux recours collectifs menés contre le Port.
Un site absolument unique
Cette plage de Beauport, à Québec tout le monde ou presque la connaît et l’a visitée ne serait-ce qu’une fois, tant elle se trouve à sa manière dans un site absolument unique permettant au visiteur qui y arrive d’avoir une vue exceptionnelle, non seulement sur la baie de Beauport et l’Île d’Orléans, mais encore sur le fleuve et la côte de Lévis. Une vue panoramique à presque 180 degrés qui vous donne l’impression soudaine — alors que vous êtes à seulement quelques minutes en voiture du Centre-Ville — de vous trouver au bord de la mer, cerné d’un horizon d’eau et de ciel, loin, très loin des tracas de la vie urbaine. Avec en plus des conditions de vent exceptionnelles qui en ont fait le rendez-vous des véliplanchistes et des « skate surfers » de Québec.
Une plage née dans les années 50
Certes il ne faut rien enjoliver a priori. Cette plage qui est à son origineune plage artificielle née dans les années 50 d’un premier remblayage du fleuve pour élargir le port de Québec, a connu au départ bien des vicissitudes. Notamment d’avoir une eau pendant longtemps impropre à la baignade. Ne se trouvait-elle pas toute proche d’une usine de traitement des eaux qui, lors de grandes pluies ou à la fonte des neiges, s’avérait incapable de purifier adéquatement toutes les eaux qu’on lui fournissait ? Et peut-être plus problématique encore, de par sa proximité avec le Port, ne risquait-elle pas — comme l’avait montré une étude menée par Véronique Lalande et Louis Duchesne en 2012 — de voir se déposer massivement sur son sable et ses infrastructures touristiques, des particules toxiques en tous genres : fer, nickel, charbon, etc. ?
Au fil des ans, des progrès avaient cependant été faits : certains jours, la baignade était autorisée et, sous la pression publique, le Port avait commencé à prendre quelques mesures de mitigation élémentaires. On était donc en droit d’imaginer que peu à peu les choses s’amélioreraient et que la plage de Beauport en sortirait finalement gagnante.
Brouiller les pistes en se donnant des airs de sauveur
Or, c’est justement ce que le projet d’agrandissement du Port, Beauport 2020, est en train de remettre en question. Mais sans qu’on vous le dise et l’explique vraiment, tant la direction actuelle du Port, appuyée par le Maire Labeaume, s’entend pour brouiller les pistes en se donnant des airs de sauveur. Car à l’écouter on a l’impression que ce déplacement — forcé par l’agrandissement du quai — ne se fera que pour le mieux de la plage : non seulement il permettrait de l’agrandir mais encore de la protéger encore plus de l’érosion.
Sauf que ce qu’on ne vous dit pas, c’est que si cette plage gagnera ainsi en profondeur, elle n’aura plus du tout la vue « grand large » qu’elle a actuellement, mais sera enclavée du côté de Lévis par des installations, citernes ou tours industrielles, et de l’autre par une jetée « brise lames » du côté de la Baie de Beauport. Cisaillant ainsi non seulement irrémédiablement la vue, mais encore brisant les vents qui faisaient la joie des véliplanchistes. De quoi la transformer en une sorte de mare aux canards ou de pataugeoire artificielle, probablement enclavée d’immenses citernes ! Rien de très réjouissant en somme ! Comme le disait Véronique Lalande en concluant : « Tu veux sauver la plage parce qu’avec ton avancement de quai, tu vas la scrapper. Tu viens de générer un problème et après tu vas te positionner en sauveur d’un problème que toi-même tu as généré. »
C’est le monde à l’envers. À soudain penser qu’il y a quand même des limites à tout. Des limites dont on sait pourtant qu’elles sont franchies sans vergogne, parce qu’elles renvoient aux intérêts de puissants groupes économiques appuyés en sous-main par des édiles pleutres et sans respect aucun pour la population qu’ils sont censés représenter. Saura-ton le rappeler haut et fort ?
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