L’idée d’une tournée féministe de solidarité et d’aide concrète a été mise en avant par ce tout nouveau réseau qui est né à Florence au cours du Forum social européen en Novembre 2012. Reprise avec enthousiasme elle a mobilisé une multitude d’associations et de groupes de femmes et des mouvements sociaux à travers l’Italie.
C’est ainsi que la tournée a débuté le 8 mars, journée internationale des femmes dans la petite ville d’Albese, près de Como. Et jusqu’à la fin avril une série de meeting sur le thème « Dette publique, crise et santé des femmes » se sont succédés dans pas moins de dix villes de la péninsule italienne : Como, Brescia, Bologne, Florence, Livourne, Rome, Bari et Milan et plus tard Treviso et Lecce…
Il s’agissait de raconter, d’informer, de sensibiliser sur ce qui ne se dit jamais de la crise humanitaire que les femmes subissent en Grèce aux temps du règne de la « Troïka ». Mais, il s’agissait aussi de lancer un cri d’alarme car le sort des femmes grecques pourrait devenir très bientôt le « futur présent » des Italiennes aussi.
Cette tournée de conférences a été aussi un moyen très concret pour organiser la solidarité des Italiennes avec les initiatives citoyennes qui se sont développées un peu partout en Grèce et qui ont mis en place des structures autogérées animés par des militants/es bénévoles pour promouvoir des soins gratuits aux quelques 3.000.000 d’habitants privés de couverture maladie. En effet, 40% de la population de ce pays n’a plus accès aux soins. Ces structures autogérées font donc face à une énorme crise sanitaire et à un manque cruel de moyens puisqu’elles sont confrontées aux besoins d’une population exclue du système public de santé.
C’est ainsi que Sonia Mitralia, animatrice de l’initiative grecque « Femmes contre la dette et les mesures d’austérités » et du Cadtm, a été invitée par le réseau italien « Femmes en situation de crise » pour inaugurer cette campagne de solidarité dont l’objectif est d’encourager l’opinion publique italienne à exprimer concrètement sa solidarité en collectant et en envoyant des dons financiers, du matériel médical et pharmaceutique nécessaire aux pharmacies et dispensaires sociaux grecs, et plus spécifiquement au plus ancien et important d’entre eux, le dispensaire social métropolitain du quartier de Ellinikon, en région Athénienne. Pourquoi ? Parce que c’est avec cette structure autogérée que collabore le comité d’action d’Athènes « des Femmes contre la dette et les mesures d’austérité ».
Avec ces dons, beaucoup de choses pourraient être faites : procurer le premier lait maternel a des jeunes mères qui ne peuvent pas l’acheter et voient leurs bébés en détresse parce qu’ils ont faim. Procurer des vaccins aux enfants. Mais, à part les besoins humanitaires, il y a aussi le besoin urgent de créer un mouvement pour aider et accompagner par exemple les femmes qui ont perdu le droit à la « libre » maternité à cause des contre-réformes de la Troïka. Créer un mouvement à l’intérieur et à l’extérieur des hôpitaux avec le personnel hospitalier et les patients, (par exemple créer un Tel. SOS).
Désormais, ces Grecques privées d’assurance maladie doivent payer des prix exorbitants de leur poche (qui est vide) pour pouvoir accoucher à l’hôpital. C’est vraiment lamentable et révoltant : quand elles ne peuvent pas payer l’accouchement, le caissier de l’hôpital ne les laisse pas partir avec leurs bébés avant qu’elles signent un document, comme quoi elles doivent une dette à l’hôpital. Elles s’endettent auprès de l’hôpital et de l’état, qui envoie leurs dettes aux impôts afin qu’elles soient perçues. Selon un récent décret-loi, si les dettes au fisc dépassent les 5000 euros, on peut être emprisonné et voir ses biens confisqués. Et tout ça quand déjà 6 Grecs sur 10 ne sont plus en mesure de payer leurs impôts !
Beaucoup de femmes, ne pouvant payer, s’adressent aux structures de solidarité, aux dispensaires sociaux, pour trouver une aide. Souvent « l’initiative des femmes contre la dette » accompagne des femmes enceintes dans les maternités pour exiger le droit à l’accouchement gratuit et l’accès gratuit universel aux soins, une pratique qui devrait être systématisée et qui a besoin d’aide militante.
Un autre objectif de la campagne de solidarité serait de mettre en place un service de planning familial au sein du Dispensaire Social Métropolitain d’Ellinikon. Ainsi on pourrait donner le bon exemple aux autres dispensaires sociaux de par le pays afin qu’ils incorporent systématiquement cette dimension de la santé des femmes et de leurs droits reproductifs dans leurs activités.
C’est dans une ambiance grave et dans une Italie secouée par la crise que les témoignages et les propositions de Sonia Mitralia ont suscité l’intérêt et l’émotion. Elle a pu s’adresser à des publics larges et des plus divers comme aux militantes d’associations féministes, des femmes et des responsables des syndicats Fiom et CGIL, des militantes anticapitalistes LGBT, des militant/es contre la dette italienne… Mais, le plus émouvant était sans doute la présence partout des travailleur/ses de la santé qui étaient venus/es très nombreux/es pour participer, écouter mais aussi raconter leurs luttes contre les contre-réformes italiennes contre leur système de santé qui est désormais en danger de mort…
Cette tournée féministe en Italie n’est pas la première dans un pays européen. En effet, durant l’automne dernier, des militantes féministes du Portugal, d’Espagne, de France, de Grèce, d’Angleterre, de Belgique, de Hongrie avaient parcouru la France pour faire des conférences dans 9 villes en France ainsi qu’à Genève. Le thème était « Dette publique illégitime, austérité, crash social et féminisme » ! Maintenant, la campagne italienne de solidarité avec les femmes grecques semble faire un bond en avant. Loin d’être la répétition de la première tournée, qui a eu lieu en France, elle est novatrice parce que plus concrète car dotée d’un projet pratique : contribuer activement à la création d’un vrai mouvement de solidarité qui pourrait d’ailleurs se coordonner avec des mouvements analogues dans d’autres pays en vue de la fondation de l’entraide internationaliste européenne que requiert l’approfondissement et la tendance à la généralisation de la crise humanitaire sur notre continent !
Sonia Mitralia, Membre de l’initiative des femmes contre la dette et les mesures d’austérité et du CADTM international.