La colère populaire a éclaté à la suite à ce désastre annoncé. Pendant une semaine, la plupart des quelque 4500 usines de Savar, un faubourg de Dacca, sont restées fermées, paralysées par la grève. Le Premier Mai, jour férié au Bangladesh, des dizaines de milliers de manifestantes et manifestants ont réclamé, dans la capitale, la tête des responsables : « Pendez les tueurs, pendez les propriétaires d’ateliers ». Des usines ont été attaquées, alors que des défilés avaient lieu dans de nombreuses autres villes.
En réponse à ces mobilisations, les patrons ont dénoncés ces travailleur.e.s qui mettaient en péril l’économie du pays… Quant à la Première Ministre, Sheikh Hasina, elle a dénoncé les attaques dont ont été la cible plusieurs entreprises et enjoint les salarié.e.s à reprendre le travail : « Je voudrais dire aux ouvriers de garder la tête froide, de maintenir les usines opérationnelles, sinon vous allez perdre votre travail ».
Le textile emploie 3,5 millions de personnes au Bangladesh (qui compte plus de 160 millions d’habitants). Ce pays est aujourd’hui le deuxième exportateur mondial dans ce secteur, derrière la Chine. Les salaires sont jugés « attractifs » par les entreprises internationale de prêt-à-porter : souvent quelque 30 euros mensuels. Le « marché » du travail s’est renchérit en Chine où se fait sentir une pénurie de main d’œuvre. Les donneurs d’ordre (y compris chinois), se tournent ainsi vers le Bangladesh, mais aussi l’Inde, le Vietnam, le Sri Lanka…
Les ateliers du Rana Plaza – l’immeuble industriel de 8 étages qui s’est effondré – travaillaient pour des entreprises états-uniennes, comme Walmart, ou canadienne comme Loblaw. Mais les Européens étaient très bien représentés avec les Britanniques Primark et Bon Marché, l’Italien Benetton, le Néerlandais C&A, les Espagnols Mango et El Corte Inglés. En France, Carrefour nie toute implication, mais des logos « Tex » (la marque Carrefour) auraient été retrouvés dans les décombres – en tout état de cause, cette enseigne est belle et bien active au Bangladesh où les catastrophes industrielles sont récurrentes.
Les vêtements sont souvent dessinés en Europe, fabriqués en Asie, puis reviennent en Europe pour y être vendus. Le prix de ce circuit, ce n’est pas seulement des salaires pires que de misère pour les ouvrières bangladaises, mais une vie d’insécurité constante : insécurité sociale (précarité de l’emploi...), insécurité en matière de santé (produits toxiques, épuisement au travail...) et insécurité physique : normes de construction non respectées, absence de mesures anti-incendie effectives…
Face à de telles catastrophes, la responsabilité des firmes occidentales qui bénéficient de ce système de surexploitation doit être dénoncée. Le mouvement ouvrier doit d’urgence renforcer sa capacité à assurer ses devoirs de solidarité internationale, à mener des campagnes coordonnées sur ces questions. Des associations, comme Peuples solidaires en France, alertent depuis des années sur les conditions de travail dans l’habillement. Pour sa part, l’association Europe solidaire sans frontières (ESSF) collecte des fonds pour aider les blessé.e.s (soins médicaux…) et les familles des victimes.
Notes
[1] Voir sur ESSF, entre autres articles, Pierre Rousset, Bangladesh, ou la terreur capitaliste – Des centaines de morts dans l’effondrement d’un bâtiment industriel (http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article28530).