L’argument du PQ selon lequel on doit faire la souveraineté d’abord ne pas diviser le mouvement souverainiste avec d’autres enjeux est arrivé à sa fin de vie utile lors de la dernière campagne électorale. Les grands appels à bâtir le Québec que l’on veut après l’indépendance ne tiennent plus la route maintenant. L’arrivée de Péladeau a fait ressortir la nature néolibérale du projet péquiste et a fait démentir l’affirmation de Bernard Landry selon laquelle « la souveraineté n’est pas à gauche ni à droite elle est droit devant ».
Par ailleurs la crise du PQ est exacerbée par le choix de mener une campagne xénophobe et raciste sur la question de la charte des valeurs. C’était un choix conscient visant à gagner les élections en séduisant l’électorat blanc francophone de souche au détriment de toute possibilité de gagner un futur référendum sur la souveraineté. Ce qui a été bien exprimé par l’intervention de maria Mourani. Pour gagner la lutte pour la souveraineté et un éventuel référendum, il est primordial d’unir les forces sociales provenant des différents milieux sociaux-culturels. La division profonde qu’il a créée lui rend dorénavant cette avenue impossible.
Un projet social pour un Québec souverain
La souveraineté n’est pas un accessoire dont l’utilité dépend de sa popularité. L’État canadien et la grande bourgeoisie canadienne se sont construits par l’élimination de la résistance des minorités dont les premières nations ainsi que de la nation québécoise. C’est aussi pour cette raison que les luttes sociales ont toujours été d’une plus grande ampleur au Québec.
La seule voie référendaire empruntée par le PQ en plus d’être trop courte, exclut toute réflexion sur le projet de société d’un Québec indépendant ce qui aurait pu rallier plus largement les différentes composantes de la société. L’assemblée constituante le réduit considérablement en réunissant deux conditions gagnantes : la participation de la population et le respect du processus démocratique, essentiels si on souhaite faire du Québec un pays.
Comme le rappelait Amir Khadir il y a quelques années, « ceux et celles qui ont agi depuis 20 ans selon une stratégie d’indépendance basée sur l’aliénation du Canada ont eu sans doute raison d’essayer. Mais l’approche a échoué ; il est temps d’en essayer une autre ».
Une assemblée constituante permettra aux citoyennes et aux citoyens de s’exprimer et de discuter ensemble, de manière à ce que se constitue un large appui au sein de la population. Ce n’est pas sa finalité qu’il faut développer aujourd’hui. C’est la forme démocratique et unitaire centrée sur les enjeux sociaux et économiques au profit de la population. La souveraineté est un combat pour la réappropriation populaire de notre avenir.
À l’heure actuelle, qui voudrait d’un projet de société basé sur une politique d’austérité qui ne mène à rien ? Qui souhaite vraiment d’un projet d’accord de libre-échange Canada Europe négocié en secret par le gouvernement fédéral dont le gouvernement du PQ est complice et qui effrite notre souveraineté ? Pas grand monde. Il faut donc innover socialement et économiquement. Il faut poser des gestes qui font prendre le virage écologique et politique qui révèlera le potentiel emballant de la liberté à notre propre peuple. L’aspiration à une société plus juste est donc une condition indissociable de la réussite de la souveraineté. Les citoyens et citoyennes n’entreront pas dans une telle lutte si cela ne change pas leur vie.
Une stratégie d’alliance
C’est dans cette mesure que la perspective de la souveraineté peut prendre une nouvelle dimention, dimention qui remettra en question la domination de l’État canadien non seulement sur la nation québécoise mais qui changera le rapport de force en faveur du mouvement ouvrier et populaire également.
C’est pourquoi l’establishment canadien n’acceptera jamais quelque forme que ce soit de séparation du Québec sans réagir de toutes ses forces. L’euphorie des drapeaux canadiens venus au Québec lors du référendum de 1995 et les sommes faramineuses investies par le gouvernement libéral dans cette opération illégale qui visait à influencer le vote des Québécois et Québécoises ne représentent qu’une faible illustration de cette situation. En portant cette lutte, le mouvement ouvrier portera également ses propres aspirations à la création de cette nouvelle société plus juste et égalitaire.
C’est précisément toute mobilisation sociale où le mouvement ouvrier sera l’acteur principal qui rend pour la direction péquiste et bloquiste toute tentative d’aboutissement du projet de souveraineté impossible, voire impensable et dangereux pour sa propre survie politique.
Cette lutte peut devenir un déclencheur qui inspirera le mouvement ouvrier et populaire au Canada dans sa propre lutte pour l’émancipation sociale. Dans ce sens, le combat social au Québec a la possibilité de devenir commun avec celui de la population du reste du Canada avec des objectifs au départ différents. Dans cette perspective la solidarité du mouvement ouvrier et populaire canadien est non seulement importante parce qu’elle peut permettre de pousser plus loin la lutte pour la justice sociale au Canada, mais déterminante parce que ce faisant elle fera reculer la réaction canadienne contre notre lutte au Québec.
C’est ce que nous enseigne la solidarité internationale. On ne peut bâtir de bulle isolée du reste du monde, à plus forte raison en cette période de mondialisation où les multinationales régissent le sort de notre planète et en font un dépotoir de pollution et de pauvreté qui met la survie des générations futures en péril. Notre lutte doit s’étendre et se lier aux autres mouvements progressistes.
Les prochaines élections fédérales placent donc la population et les progressistes au Canada et au Québec devant un défi gigantesque en termes de perspectives électorales et militantes . Cela nous amène à nous questionner sur l’État de la situation de la gauche et sur les conditions qui peuvent permettre la construction d’une alternative politique au niveau fédéral. La seule façon de battre la droite conservatrice c’est de lui opposer un programme et un parti capable de redonner le contrôle de la société aux 99%.
Même si l’échéancier électoral nous interpelle à court terme, il n’en demeure pas moins que la construction d’une alternative de gauche doit se poser maintenant. Cette alternative ne pourra se construire et prendre force tant au Canada qu’au Québec sans une politique de pleine compréhension de la question nationale, de son impact et de son potentiel mobilisateur de changement social dans l’État canadien.