Germain Dallaire
On entend presque en sourdine : « les baby boomers crachent leur dernière dent avant de partir ». Ce texte de M.Deslile s’appuie beaucoup sur les sondages et fait peu appel à l’analyse dynamique de l’évolution politique au Québec. Personnellement, j’ai une lecture complètement différente de la situation actuelle, une lecture qui se situe sur un temps long.
Après le référendum volé de 1995, les indépendantistes ont pris leur trou, bien guidés par Lucien Bouchard, le fossoyeur en chef des aspirations sociales et indépendantistes des québécois. Bouchard a magistralement pavé la voie des libéraux. Je me souviendrai toujours de la réaction de Jean Charest au lendemain de la parution du « Manifeste des lucides" de Bouchard. De sa voix nasillarde et avec un sourire narquois, M. Charest s’est exclamé : « c’est de la musique à nos oreilles ». On connaît la suite, l’effacement graduel d’un Parti Québécois pour cause d’insignifiance, la création de QS et surtout, 14 années de régime libéral que j’ose qualifier de régime d’occupation en ce qu’il s’est acharné à miner systématiquement les acquis des années 60 et 70.
Si la CAQ a été élue il y a cinq ans, c’est essentiellement à cause de son message nationaliste. L’auto-mortification avait fait son temps et le moment était venu de relever la tête. Là aussi on connaît la suite, son nationalisme s’est écrasé comme un gros Boeing. Suite à la loi 21 et après avoir voté une loi 96 si faiblarde qu’il l’a lui-même désavouée six mois plus tard, les velléités autonomistes de François Legault se sont successivement butées à un NIET du fédéral invariablement suivi d’un « OK d’abord » de Legault. Les deux ans de pandémie ont fait écran et ont permis une ré-élection triomphale en octobre dernier. Depuis ce temps, les masques sont tombés. Avec un conseil des ministres composé au tiers d’entrepreneurs, la CAQ apparait pour ce qu’elle est : un parti d’affairistes qui n’ont rien à dire sur l’organisation des services publics autres que "privé, privé et encore privé". Viscéralement anti-syndicale, elle s’apprête à donner un gigantesque coup de hache à tous les employé(e)s du secteur public. Tout cela pendant que son véritable chef Pierre Fricgibbon distribue allègrement les mégawatts et les subventions aux grosses compagnies sur fond de discours d’incitation à la sobriété individuelle. La CAQ, c’est la manipulation grossière et l’hypocrisie totale. Bref, les trois prochaines années s’annoncent calamiteuses, pires que les 14 années de régime libéral.
À cette incapacité de la CAQ de faire face aux défis actuels s’ajoute un élément majeur qui s’est imposé dans les dernières années : celui de la survie de notre langue. Plusieurs l’ont oublié ou ne l’ont jamais su mais cette question a été le moteur central de la montée de popularité de l’indépendance dans les années 60 et 70. Pendant ces années, la question du français a fait et défait les gouvernements. De 1969 à 1977, trois gouvernements différents se sont succédé et ont adopté trois lois linguistiques différentes. Si certains ont un sentiment de lassitude devant l’apparente stabilité du paysage politique actuel, que dire des 40 années précédant l’élection de 1976 où il n’y avait que deux partis. Le temps s’accélère !
Comment s’étonner dans un tel contexte, qu’un PQ qui a renoué avec sa vocation indépendantiste soit en remontée ? À mon avis, il n’a fait qu’aller chercher une partie des 30 à 40% d’indépendantistes qui sont restés fidèles à l’objectif malgré la lamentable démission de ses leaders depuis le référendum volé. Cette constance de l’appui populaire à l’indépendance est le fait marquant des 25 dernières années. On peut se fier sur la CAQ pour nourrir cette remontée du PQ.
Pour ces raisons, un PQ porté au pouvoir dans trois ans est très possible. QS, il faut le constater, a fait sa niche à Montréal. Il est facile de savoir pourquoi et ce n’est certainement pas parce que les gens des régions sont allergiques aux question sociales. Cette concentration à Montréal est la grande force en même temps que la grande faiblesse de QS. Qu’on le veuille ou non, la prochaine élection se jouera en régions et le PQ y est le principal adversaire de la CAQ.
Un gouvernement péquiste sera peinturé dans le coin et n’aura pas le choix. Il devra s’activer en priorité à la réalisation de l’indépendance. Comme le dit M. Deslile, le portrait des indépendantistes est différent de 1995. À mon avis, il est plus riche. Il y a le PQ et QS mais il y a aussi Climat Québec qui met de l’avant l’élection référendaire. Cette diversité est la meilleure garantie que le PQ ne s’abimera pas dans son principal piège : la gouvernance provincialiste. Il devra s’ouvrir et dans un tel contexte, il y a tout lieu d’être optimiste que les Québécois(e)s réalisent ce qui est le destin de tout peuple normal en accédant à l’indépendance comme l’ont fait plus de 120 peuples depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
Un message, un commentaire ?