On sait que plusieurs députés dans l’opposition ont exigé la démission du ministre Harjit Sajjan, harcelé aux Communes pour s’être attribué le rôle d’« architecte » de la bataille qui a coûté le plus de morts canadiennes en Afghanistan, l’opération Méduse de 2006. Est-ce que ses excuses sur facebook et son mea culpa à la Chambre des Communes ont fait oublier ses mots précis lors de son séjour en Inde la semaine dernière ? Les voici :
« Lors de mon premier déploiement à Kandahar en 2006, je me suis retrouvé par la force des choses impliqué dans une situation imprévue et suis devenu l’architecte d’une opération baptisée Méduse, au cours de laquelle nous avons éliminé du terrain environ 1500 combattants Taliban », a dit Sajjan dans un discours du 18 avril à Delhi. Cette déclaration, loin d’être improvisée, faisait partie d’une allocution mûrie devant le think tank indien Observer Research Foundation. Elle aurait suscité la grogne de certains vétérans Afghans. Le National Post, le premier à rapporter le discours de Sajjan, a cité plusieurs soldats, dont certains en service actif, qui précisèrent que l’opération Méduse avait été planifiée et exécutée par David Fraser, alors major-général responsable de toutes les forces de l’OTAN en Afghanistan du Sud. (NDLR : traduction de l’anglais par nos soins)
On peut avoir l’indulgence de mettre sur le compte d’un stress post-traumatique les souvenirs confus du ministre. Mais pas le suivre lorsqu’il cherche à se faire aujourd’hui architecte d’un engloutissement de fonds en réclamant un budget accru !
C’est ainsi que Harjit Sajjan a déjà investi de 5 à 7 milliards de $ dans l’achat d’avions chasseurs d’attaque, les Super Hornets de Boeing. Pour la DÉFENSE du pays ! Ces avions d’attaque livreront d’autres batailles inutiles, voire dangereuses pour la sécurité des Canadiens.
Comment ignorer par exemple la progression des Taliban en Afghanistan (où a été lancée la superbombe américaine il y a deux semaines) ou les conséquences de l’opération de l’OTAN en Libye avec les bombardements commandés par le général Charles Bouchard, aujourd’hui installé à la tête de Lockheed Martin Canada ? Ce dernier fait n’est pas négligeable, lorsqu’on parle par exemple de 59 missiles lancés par les USA sur la Syrie ayant rapporté bien au-delà de 100 millions de US$ à l’industrie militaire américaine.
Hélas, les 20 millions de morts que le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU évoque pour la famine en Afrique de l’Est sont imputables aux opérations guerrières de l’OTAN et à celles des alliés sunnites du Canada, le Qatar et l’Arabie saoudite, tentant d’éliminer les milices islamistes.
Ces dernières se sont emparées des armes chimiques et autres de Kadhafi parce que notre ministère de l’Attaque, s’il acquiert des armes qui rapportent gros à l’industrie militaire, ne se soucie guère de désarmer les pays bombardés. Résultat : les djihadistes armés font grandir le flot des réfugiés, et en conséquence les manipulations populistes de Donald Trump ou de Marine Le Pen.
La Presse canadienne rapporte complaisamment que le premier ministre Justin Trudeau a défendu, mardi, les faibles (sic !) budgets consacrés à la Défense nationale, plaidant que le Canada en fait plus que plusieurs de ses alliés lorsque la situation internationale l’exige.
L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), dont les Artistes pour la Paix ont réclamé l’abrogation dès celle du Pacte de Varsovie en 1991, a critiqué cette semaine le budget du ministère canadien de la Défense nationale pour avoir atteint des creux historiques l’an dernier, à 0,98 % du produit intérieur brut (PIB).
Tous les membres de l’OTAN s’étaient entendus en 2014 pour « mettre un terme aux compressions dans le secteur de la défense » (ils devraient consulter les chiffres alarmants de la SIPRI qui démontrent au contraire une augmentation des budgets militaires mondiaux) et à consacrer éventuellement à ce secteur 2 % de leur PIB, ce qui coûterait au Canada environ 40 milliards de dollars par année.
Les APLP plaident plutôt que le Canada investisse dans l’aide internationale affectée par le budget Trudeau 2016 qui y a effectué les plus importantes coupures jamais effectuées par un gouvernement canadien. Descendue à 0.3% environ, l’aide internationale devrait, selon les exigences de l’ONU, s’établir à 0.7% du PIB canadien. Et notre Enquête nationale intitulée À l’heure des grands changements dans le monde avec pour sous-titre Pour une nouvelle conception de la sécurité, publiée en avril 1993, plaidait non pas pour une politique de défense, mais pour une véritable politique de sécurité.
Et notre mémoire à la Défense de juillet dernier, ignoré par MM. Sajjan et Trudeau, ajoutait « LA PROTECTION CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES doit mobiliser nos énergies et nos budgets, afin que nous soyons en mesure de répondre avec le matériel approprié, tant au Canada que dans l’assistance à des pays démunis amis, aux ouragans, tornades, épisodes de déchaînement climatique, feux de forêts, INONDATIONS, tremblements de terre, fontes des glaces et du pergélisol dans le Grand Nord, fuites d’oléoducs et secousses sismiques qui s’intensifient avec la technique de fractionnement appliquée par les compagnies gazières : voici de vrais enjeux de sécurité qu’il est illusoire de penser résoudre sans une totale RÉVOLUTION DE LA MENTALITÉ GUERRIÈRE ET DE SA DÉPENDANCE AUX PÉTROLIÈRES ARABES OU AUX SABLES BITUMINEUX. »
Et nous recommandions de convertir l’armée en SOUTIEN CIVIL AUX POPULATIONS AFFECTÉES : avec un tel rôle, les blindés feraient place peu à peu à des véhicules amphibies plus à même de secourir les populations actuellement éprouvées par les inondations.
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