Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Tissé serré, éco-solidaires ici comme ailleurs

Ce texte a été écrit sur les terres qui font partie du N’dakinna, le territoire ancestral non-cédé de la Nation Waban-Aki.

Nous sommes dans la même tempête, mais pas dans le même bateau. Ou plutôt dans le même paquebot aux étages inégaux vertigineux au delà des vœux pieux arc-en-ciel. Le contexte immédiat relié à la pandémie est un symptôme d’une déconnexion plus large et profonde de notre mode de vie envers les écosystèmes. De la séparation de notre condition humaine comme condition d’existence vivante avec son milieu.

Les changements climatiques en accélération alimentent les mobilisations massives qui étaient sur le point de faire à nouveau grève au début du mois d’avril passé après les mobilisations historiques du 27 septembre 2019. Au delà du climat, c’est aussi la dégradation des écosystèmes et l’érosion de la biodiversité qui exigent un changement systémique urgent au delà des gaz à effet de serre. Ce système et son mode de (re)production exacerbe les inégalités, l’exploitation, les oppressions et la domination ici comme ailleurs. Les compagnies transnationales et les gouvernements à leur service ne sont pourtant pas une fin historique infranchissable auxquelles il faudrait réduire nos aspirations pour s’émanciper ensemble. Bien au contraire, il est nécessaire dans le contexte de canaliser les volontés d’entraide, de coopération et de solidarité ainsi que la conscience accrue de notre interdépendance et de nos interrelations vers quelques principes politiques clairs qui nous guiderons dans les objectifs et les formes organisationnelles pour avancer vers ceux-ci. À un rythme et des formes évoluant selon nos réalités géographiques et culturelles concrètes. Dans un processus qui se construit en cheminant.

Ce texte veut contribuer modestement à enrichir nos réflexions et nos échanges pour l’émergence d’un horizon émancipateur nous donnant l’espoir en actions pour un autre mode de vie. Ou du moins qui rendra la permanence du mode de vie actuel plus incertaine et ébranlée par les roches de résistances dans les souliers du rouleau-compresseur marchand. Ce texte est plus qu’incomplet et plus qu’ouvert aux critiques, aux compléments et aux questionnements. Des suggestions sont amenées à la fin pour éclaircir et rendre plus concret certains aspects abordés ici.

Je crois également qu’il est bon de préciser que nous devons aussi sortir du cadre exclusif des grands discours et des grandes thèses pour un autre monde afin de rattacher une pratique immédiate, concrète et vivante qui soit inclusive, populaire et radicale dans l’action, dans la pratique de nos principes. Peut-être jugera-t-on l’impatience et l’audace de certains principes et de certaines actions envisagées. Toutefois, la modération de la patience a bien meilleure goût et en ce sens cela fait des décennies que plusieurs essaient de changer le système de l’intérieur, par de petits gestes et des certifications vertes. Le cul-de-sac n’est-il pas assez effrayant pour retrouver nos ancrages et appuyer les peuples et les riches initiatives de luttes qui depuis longtemps n’ont jamais cessé pour exercer ces principes ? Peu à peu, pas à pas, avec des reculs et des avancées sur des bases solides. Et oui cela pourrait remettre en question nos investissements, si modestes soient-ils, pour une retraite qui pour beaucoup semble bien plus illusoire et incertaine que de vouloir penser et agir pour décoloniser ce territoire, cette économie et cette société qu’on appelle Kkkanada.

Autrement dit, c’est la réalité elle-même et notre attachement sensible à soi, aux autres et au territoire qui devraient nous interpeller et donner sens à nos actions plutôt que se réduire à relancer une croissance du superflu dans une dégradation de la vie toujours plus marchandisée. Derrière ce système capitaliste d’abondances apparentes et de divertissements éblouissants, se cachent des carences immenses pour des soins de santé gratuits et accessibles. Comme pour le logement, le transport en commun et en éducation. Tout le monde ne mange pas ici même dans un quartier populaire, un centre-ville gentrifié ou dans une ruralité isolée. Société capitaliste développée ou malade ? Parce que les stationnements sont gratuits et que l’air climatisé fonctionne (trop) dans les centres d’achats sur-développés tandis que les hôpitaux, les centres d’hébergement et les soins à domicile sont sous-développés et que nous payons cher la note. Même notre langage critique est atteint par ces expressions illustrant l’achat par le client roi. Notre souffrance et le mépris de la marchandise n’ont d’égales que notre possibilité de libération et du respect pour soi, pour les autres et pour le territoire.

Revenir à la normale ou revenir sur Terre ?

Plusieurs affirment ne pas vouloir revenir à l’anormale. Moins refusent de fuir vers des solutions opérant à partir des mêmes bases du système actuel, c’est-à-dire en reproduisant des rapports sociaux marchands avec un vernis vert ou progressiste. Notre ère géologique actuel se définit pour la première fois dans l’histoire humaine en lien avec celle-ci. Plus précisément, le choix du mot Capitalocène plutôt qu’Anthropocène pour décrire notre ère n’est pas seulement un débat théorique. Il permet de clarifier la raison de la catastrophe en cours et les idées et les actions requises pour changer la situation de façon systémique. Les humains ne portent pas la même responsabilité et les peuples de la Terre non plus. Le capitalisme c’est une formation sociale reliée également à d’autres oppressions systémiques comme notamment le patriarcat hétéro-sexiste, le racisme et le colonialisme. Un bon capitalisme vert qui redistribuerait les richesses, qui ne serait plus sexiste ni raciste et qui favoriserait les innovations sans son aspect financier totalisant et une minorité qui s’enrichit, c’est rêver en couleurs. Guy Laliberté signant le Pacte pour la transition tout en faisant son touriste de l’espace, Steven Guilbeault devenant ministre de la transition dans un État pétrolier en expansion et François Legault promettant l’électrification verte des transports sans droit de veto des Premiers Peuples habitant ce beau territoire appelé Québec. Un keynésianisme moderne pourrait donner des petits coups de volant plus à gauche, mais la trajectoire du capital dominant est tracé. Donnerons-nous encore beaucoup de chances à ces fanatiques du marché, opérateurs de la destruction en cours ?

Par exemple, conserver la voiture individuelle comme base sociale structurelle de notre rapport au monde c’est nous condamner à échouer. Non seulement elle est à l’avantage exclusif des personnes pouvant s’en procurer, mais elle ne tient pas compte du processus de production en entier. L’équivalent de 10 000 cellulaires soi-disant intelligents se retrouvent dans les composantes d’une voiture électrique. Le parc automobile asiatique a quadruplé depuis 20 ans et ici aussi il continue d’augmenter pour répondre aux exigences de notre mode de vie. Bombardement publicitaire, crédit facilité, norme sociale et sécuritaire, tous ces mécanismes ont pour but de liquider les inventaires produits toujours plus. L’extractivisme minier devrait être envisagé avec le même sérieux que les sables bitumineux. On apprend déjà que le transport en commun doit couper des services en temps de crise nous conduisant encore plus profondément dans l’abysse de la dépendance à l’automobile.

Entendons-nous que la décroissance doit s’accompagner d’un internationalisme décolonial féministe basé sur la souveraineté et l’égalité des peuples. En ce sens, un développement autocentré de services de santé, d’éducation, de logements et de petites industries liés aux ressources et aux besoins locaux doit prendre la place des dettes illégitimes de plusieurs pays du Sud global en particulier, du dumping et des transnationales qui détruisent les productions locales pour ensuite augmenter la dépendance envers les produits y compris agricoles. Cette décroissance internationaliste décoloniale et féministe veut aussi dire que plusieurs secteurs seront en croissance dans le Nord global également comme les ressources et la valorisation des services et de la vie elle-même au détriment de la production marchande et ses appareils de mise en marché. Plus de centres de réparation et de savoirs communs jumelés à des centres de santé et d’éducation ancrés dans les communautés. Loin des méga-hôpitaux construits en PPP et des quartiers marchands privés le long des autoroutes.

Dans le même sens, la production d’énergie renouvelable n’a de sens que si elle répond aux besoins des communautés d’ici et d’ailleurs et non pour poursuivre l’expansion du cycle d’accumulation du capital pour au final enrichir quelques personnes au détriment de la majorité et de leur milieu de vie. Examiner ce qui se passe dans le sud-est mexicain peut nous éclairer là-dessus. Des monocultures et de l’élevage porcin agro-industriel, du tourisme de masse, un gazoduc, une raffinerie pétrolière, des ports de transit transocéanique, des projets miniers, des projets éoliens massifs, des routes et un train « Maya », tout cela passant par dessus la volonté des communautés y vivant et en utilisant un langage écologique et autochtone. Sans parler de l’insécurité s’accentuant avec des menaces et de la présence plus intenses de la part de militaires et des paramilitaires.

Toujours prisonnier-pilote du « développement » et de la croissance, le gouvernement mexicain du parti Morena avec le président AMLO est un aperçu de ce que serait un gouvernement de gauche majoritaire sans changer de système fondamentalement et radicalement. Il est surréaliste et digne de mention que la gauche occidentale y compris ses tendances anticapitalistes ne s’intéresse pas à l’expérience mexicaine en cours tout juste au sud du pays de St-Bernie. Un certain Jean-Luc Mélanchon lors de sa visite au Mexique à l’été 2019 disait vouloir faire en France une révolution citoyenne comme celle d’AMLO tandis que Bernie Sanders et Jeremy Corbyn saluaient leur camarade élu président. Triste scénario révoltant d’une canalisation de changement vers la figure dirigeante. J’entends ces échos quand je vois les appels pour la transition énergétique, pour la sortie des énergies fossiles ou pour la recherche de technologies vertes comme axes majeurs de l’écologie occidentale dominante. Le tout dans une résilience sensationnelle et un Green New Deal ! Sans nommer au moins la décroissance d’axes majeurs de l’économie en vigueur et la croissance d’autres axes majeurs sous-valorisés notamment dans le soin et menés par des femmes en forte majorité. L’énergie dite renouvelable va s’ajouter à l’expansion sans fin de l’accumulation du capital si les rapports sociaux restent intacts tout comme les façons étatiques de gouverner par le haut.

Car ce système est conçu comme perpétuel croissance à la base de l’exploitation humaine, mais aussi de la dépossession des territoires. Il détruit les communautés ayant un mode de vie autonome reproductible sur un temps long hors des circuits marchands de plus en plus intégrés au niveau mondial. Pour réaliser un changement fondamental et revenir sur Terre, il nous faut dépasser une amélioration des réponses aux catastrophes actuelles et à venir et s’attarder sur les causes de celles-ci. Sinon c’est vouloir améliorer le paquebot sans s’inquiéter des tempêtes plus graves qui viennent qui rendront ces améliorations bien minimes. Il est absolument nécessaire de défendre les services publics notamment la santé et de lutter pour la répartition de la richesse produite de façon immédiate en échos aux besoins populaires, mais en même temps discutons et agissons pour viser à revenir sur Terre afin de soigner les effets du Capitalocène. Socialiser la croissance sans limites et un mode de vie non reproductible ici comme ailleurs c’est reproduire un « développement » des forces productives au détriment des écosystèmes, vie humaine incluse.

Nous avons beaucoup intériorisé depuis trente ans le fait qu’il n’y aurait pas d’autres alternatives et d’autres possibilités que le système capitaliste actuel. Notre imagination politique est congelée et effrayée non pas par la répression directe et ouverte, mais par notre propre enfermement individuel et aussi par un désespoir devant une Terre mourante, une vie aliénée et de sévères défaites historiques. Pourtant, nos acquis démocratiques, si fragiles et si petits soient-ils, sont précieux et nous pouvons dénoncer, prendre parole et prendre action. Dans des moments d’effervescence organisée comme en 2012, nous voyons la véritable qualité en exercice des droits démocratiques qui confrontent les intérêts de l’establishment et la réponse non-démocratique de celui-ci. Nous pouvons entrevoir dans l’action la capacité collective de non seulement refuser et se défendre face aux coupures, mais de pouvoir créer des espaces et prendre l’initiative des propositions politiques.

Du local au global : un maîllage incontournable

On a beaucoup parlé de production et de consommation locale en valorisant les circuits courts ces dernières années et le contexte de la pandémie a mis encore plus de l’avant ces idées. Souvent porteuses d’aspirations légitimes pour construire les bases d’une autre façon de faire, de vivre, de s’alimenter, de créer des liens au sein des communautés, ces idées sont par contre assez limitées politiquement. Utilisant généralement le schéma classique de mise en marché, de produits marchands et de bons choix de consommation, les limites pour sa généralisation sont rarement posées. Car il faut le dire, si les initiatives fleurissent pour des productions locales et artisanales ces dernières années, cela se fait en parallèle à l’accélération de la concentration de la propriété agro-industrielle et de son intégration au marché mondial. La loi de la valeur mondialisée, avec ses traités de libre-échange notamment, minent gravement les possibilités de rendre massives les micros-productions et un bassin de consommation allant dans cette voie. Pour se faire, il faudrait réaliser une réforme agraire populaire jumelée à une appropriation démocratique des moyens de transformation et de distribution alimentaires. Récupérer le territoire dans cette perspective rompt avec les limites de la propriété privée et fait échos aux propositions de la Via Campesina. Propositions qui sont solidement débattues, appliquées et en évolution constante avec au cœur de celles-ci l’objectif de la souveraineté alimentaire des communautés et des peuples.

Si plusieurs se tournent avec de bonnes raisons vers un régime alimentaire végétarien ou végétalien, il faut se rendre compte rapidement du marché mondial du soya, du riz, du quinoa, des noix et de maints fruits et légumes produits par l’agro-industrie capitaliste transnationale pour ces nouveaux marchés du Nord global. La diminution drastique de la consommation de viande moyenne est un objectif général qui n’est pas sans intérêt écologique bien au contraire. Par contre, nous pouvons être également antispécistes et consommer de la viande et des produits animaliers. Dire le contraire c’est aussi le dire auprès de communautés autochtones respectant la vie et les animaux comme elles-mêmes. J’entends ces échos du Parc de la Vérendrye pour calmer la chasse à l’orignal l’automne dernier. Ces communautés anishnabe et leur riche savoir pour poursuivre la vie en objets crées à partir du corps orignal. D’où provient ton empreinte matériel camarade vegan ? Qui es-tu pour définir un antispécisme à sens unique méprisant pour les communautés vivant sur le territoire ici depuis des millénaires ?

Parlons privilèges, parlons des classes. Avant tout les privilèges sont des rapports sociaux de production, de reproduction et de consommation matériels et ce, à l’échelle mondiale. Parce que l’élite mondiale, y compris sa part ouvrière, est fortement masculine, hétérosexuelle et de la majorité ethno-culturelle dominante de chacun des pays. L’appréciation de la lutte des classes en relation avec la division internationale du travail nous amène à définir plus précisément ce qu’est le prolétariat comme unité. Selon une certaine lecture classique, le prolétariat n’aurait que ses chaînes à perdre, ne pourrait que se reproduire pour vendre sa force de travail et serait condamné à la paupérisation. Si plusieurs partagent cette situation, force est d’admettre que d’autres ont plutôt un mode de vie plus avantagé facilité par la situation de leur industrie et de leur pays à l’échelle mondiale.

Une composante essentielle pour saisir la paralysie politique de la direction du mouvement ouvrier international est que la direction de celui-ci est dominée encore aujourd’hui par une mince couche plus privilégiée par rapport à l’ensemble du prolétariat international. En particulier avec les syndicats dont le poids dans les pays centraux impérialistes, mais aussi au sein de l’élite ouvrière en croissance dans certains pays dits émergents, ne reflète pas les intérêts de classe dans son ensemble comme organisation démocratique en particulier de ses secteurs les plus exploités et appauvris. Est-ce que nous pouvons promettre de changer de système et de conserver certains privilèges pour une mince couche ouvrière tout en bénéficiant à la large majorité et aux écosystèmes ? La réponse est non afin d’éviter les illusions et de crever certains abcès. On ne peut jumeler un mode de vie avec des salaires aussi différenciés dans des branches productives stratégiques et survalorisées et la capacité de se procurer autant de marchandises à bas prix, incluant plusieurs véhicules et des maisons démesurées, avec un chalet, le bateau et les voyages à rabais dans le Sud presque à chaque année. En même temps, nous pouvons entrevoir des horaires de vie plus sains avec des temps libres, des soins de santé nettement améliorés, une éducation et une culture fortement rehaussées et du temps pour se gouverner nous-mêmes. D’ailleurs, il ne faut pas prendre la partie avantagée de la classe ouvrière comme étant aliénée, elle défend aussi ses conditions matérielles et elle est très consciente que « partager » avec le Sud global, c’est renoncer à des privilèges d’où la volonté nationaliste de préserver son mode de vie face aux autres et ainsi assurer une base sociale à l’extrême-droite. L’idéologie xénophobe, sexiste et raciste contient une base matérielle issu du colonialisme patriarcal séculaire et pour détruire les privilèges et être solidaires, il faut savoir évaluer son rapport au monde et se voir en face. Pas seulement de promettre qu’un autre mode de vie sera seulement des +, il y aura pour une certaine couche ouvrière et encore plus pour la petite-bourgeoisie, des – de qualités différentes.

Dans le même sens et il s’agit d’une question politique d’importance dans notre réalité, le Québec n’est pas dominé par des forces étrangères. Il est plutôt, comme formation sociale, une part importante de la domination impérialiste nord-américaine. Si on regarde les investissements québécois directs à l’étranger, ils dépassent ceux étrangers au Québec. Couche-Tard c’est le Walmart mondial des dépanneurs. Mais cela se vérifie aussi plus subtilement avec notre rente financière dans laquelle le mouvement syndical est partie prenante, mais surtout la Caisse de dépôt et de placements. Il nous faut aussi regarder en face certains secteurs industriels développés par l’industrie militaire et son marché nord-américain. Aéronautique, alumineries (la bauxite est-elle un produit local ?), mines, informatique, ce sont des secteurs intégrés où les salarié.es sont bien sûr des marchandises exploitables et jetables, mais en même temps ce sont des secteurs stratégiques survalorisés par le système actuel.

Le discours confus pour défendre « nos » sièges sociaux et l’affirmation maintes fois répétée comme quoi le fédéralisme désavantage le Québec au profit du ROC, cela alimente la confusion et c’est un refus de voir toute problématique avec un capitalisme québécois d’ici. L’indépendance serait même vraiment de compléter la Révolution tranquille pour être maîtres chez nous. L’indépendance d’un État québécois comme projet politique c’est inadéquat en soi pour régler les problèmes de la classe ouvrière en cette ère de Capitalocène et en plus ça remet de l’avant ce territoire comme étant le nôtre.

Évidemment, il faudra bien détruire l’ordre politique canadien de 1867, mais seules les Premières Nations au Canada peuvent affirmer au 21e siècle qu’elles subissent une oppression nationale économique, politique et culturelle. La nation québécoise est une nation dominante et non colonisée. Nous sommes un peuple nord-américain avec son mode de vie, bien sûr fortement inégal. Les facteurs du développement inégal sur le territoire canadien ont contribué à marginaliser certaines régions québécoises et en ce sens elles sont très comparables à d’autres régions périphériques voisines comme le nord ontarien ou les provinces maritimes. Même chose pour la ségrégation dans les grandes villes. L’oppression nationale est identifiée encore aujourd’hui comme étant la source de bien des problèmes quand en fait il s’agit de l’exploitation et de la domination du capital sur le prolétariat québécois. Il serait sage de souligner qu’une telle confusion mène même au 21e siècle à ce que Pierre-Karl Péladeau soit nommé comme chef du futur pays libéré. Il s’agit de l’aboutissement et de l’impasse du discours de libération nationale telle que conçu depuis la Révolution tranquille. Derrière le lyrisme et les actions engagées des années 1960 s’inspirant maladroitement des processus de libération des Noir.es plus au sud, voire de l’Algérie, de Cuba ou du Vietnam, il faut bien admettre que le mouvement nationaliste dominant aujourd’hui reprend matériellement ses alliances avec la France, l’Europe et les États-Unis impérialistes. Il reprend la place du nationalisme ethnique canadien-français des années 1930, xénophobe et suffisant à lui-même dans le succès du Québec inc., d’une culture marchandisée et d’un mode de vie menant au Capitalocène. Un pays sur un territoire intègre, mais mourant, le colon est toujours parmi nous, bien davantage que le colonisé souvent présent dans notre psyché collective, mais absent dans sa matérialité terrain continental et internationale.

Il y a eu et il y a encore des discriminations linguistiques envers les francophones au Canada, mais voulons-nous entretenir un parallèle avec l’esclavage et la ségrégation présente et au cœur de l’histoire même menant au pays nommé Canada ? Ou du génocide toujours en cours envers les communautés autochtones ? La Sûreté du Québec à Val d’Or est-elle différente dans le rapport de l’État québécois que la GRC ou l’OPP le sont ailleurs ? Le SPVM est-il concerné par le racisme systémique ? La suprématie blanche est-elle compatible avec la québécitude ?

Décolonisons le Kkkanada

Les positions pour la justice migrante, contre le racisme systémique et pour la décolonisation du territoire auraient intérêt à être plus développées. Tout comme le fait d’une économie, d’une société, d’une culture féministe du prendre soin et du Bien Vivre. Si nous pensons au prendre soin, il s’agit d’un ensemble de rapports pour prendre soin de la vie dans son ensemble. D’une culture entendue comme débordant largement les affaires du ministère. Il ne peut y avoir de culture sans territoire et leur santé sont des vases communicants. En ce sens, j’entends les échos des Premières Nations voulant s’affirmer culturellement, guérir du génocide colonial toujours en cours en protégeant les territoires, la vie, leurs êtres dans un tout inséparable. La crise sanitaire soulève une grave crise de la reproduction sociale, du travail invisible, et gratuit ou sous-valorisé, mais combien utile et stratégique, sans quoi c’est l’effondrement social. Les garderies, les écoles, les soins aux personnes âgées, le travail domestique, les soins et la place des personnes avec des handicaps, ce sont des secteurs de croissance et de développement pour une valorisation sociale, mais incompatibles avec la nécessité d’accumulation du capital. Le travail du soin est affectif et combien d’entre nous veulent guérir de blessures physiques, de traumas ou bien qui sont brûlées par le travail toujours plus séparé de nos vies ? Cette guérison de la population est intimement liée à la guérison des territoires, de la Terre. Rien n’est instantané et c’est le fruit d’un processus urgent et conscient. Le capitalisme, le patriarcat, le colonialisme, le racisme ne sont pas des choses, mais des rapports sociaux interreliés qui s’influencent mutuellement, alimentant également nos manières de résister, de s’organiser, de créer en luttant pour un nouveau mode de vie.

Allons plus loin que de souhaiter de la sympathie aux opprimé.es, mais changeons-nous mêmes notre rapport aux privilèges en forgeant des alliances et un renouveau des luttes. Pour une émancipation humaine et vivante complète, tissée serrée, ici comme ailleurs. Dé-marchandisons la vie, décolonisons le territoire. Par la gauche oui, mais par le bas. La politique n’appartient surtout pas aux politicien.nes., malgré leur efficacité et leur professionnalisme. Ce sont souvent des produits marchands plutôt que vivants. Ami.es dans l’opposition avant la transaction électorale puis patron.nes au pouvoir.

En complément : Guillaume Manningham, Retour à la normale ou retour sur Terre ?, http://www.entreelibre.info/2020/06/09/retour-a-la-normale-ou-retour-sur-terre/

Via Campesina, Les luttes de la Via Campesina, pour la réforme agraire, la défense de la vie, de la Terre et des territoires, https://viacampesina.org/fr/wp-content/uploads/sites/4/2017/10/Publication-of-Agrarian-Reform-FR.compressed.pdf

Europa Zapatista, http://www.europazapatista.org/archives.php

ANF News, https://anfenglishmobile.com/

Kurdistan au féminin, https://kurdistan-au-feminin.fr/

Cooperation Jackson, https://cooperationjackson.org/

Unist’ot’en, Heal the people, heal the land, https://unistoten.camp/

Land Back, Yellowhead Institute Red Paper, https://redpaper.yellowheadinstitute.org/

Glen Sean Coulthard, Peau rouge masques blancs, contre la politique coloniale de la reconnaissance, https://www.luxediteur.com/catalogue/peau-rouge-masques-blancs/

Pamela Palmater, https://pampalmater.com/

Jérôme Baschet, Une juste colère, interrompre la destruction du monde, https://floraisons.blog/une-juste-colere/

Jennie-Laure Sully, Critique de la politique étrangère canadienne et efficacité de nos luttes : https://www.pressegauche.org/Critique-de-la-politique-etrangere-canadienne-et-efficacite-de-nos-luttes

Émilie Nicolas, Au delà de la bauxite, il y aussi les gens, https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/572322/au-dela-de-la-bauxite-il-y-a-aussi-les-gens?fbclid=IwAR3UnbwQKMfTTxRju-Hurdss-GHHo5hjCW6BuTKOe-gCgD8g7cmKO7uB0D0

Nafeez Ahmed, traduit par Sandra Proutry-Skrzypek, La « croissance verte est un mythe », https://www.vice.com/fr/article/qj4z9p/la-croissance-verte-est-un-mythe?fbclid=IwAR2CK2AY5Wc1GvpXgX21XIF1N1w1UB2tCGmDmVbJpH6v_duEG4pc-0R5V80

Désobéissance écolo Paris, Ne nous parlez plus de transition écologique, https://reporterre.net/Ne-nous-parlez-plus-de-transition-ecologique?fbclid=IwAR2EhXjcPkW8V34iVaZ51EER44t3J-4S-NLRBwlOnxZdgq1YS_4uSHxB-7U

Silvia Federici, Esta crisis nos demuestra cuánta miseria lleva en sí el capitalismo, https://www.colombiainforma.info/silvia-federici-esta-crisis-nos-demuestra-cuanta-miseria-lleva-en-si-el-capitalismo/?fbclid=IwAR3lcOTJ4koi07RUXVRdu4G84AZ_il0kAK7GvDjB6hM1nY3Fadb_hHzcUbY

Valérie Simard, La reproduction ne sera pas télédiffusée, http://www.revue-ouvrage.org/la-reproduction-ne-sera-pas-telediffusee/
En entrevue radio : https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/region-zero-8/episodes/477021/rattrapage-du-jeudi-27-aout-2020/2?fbclid=IwAR0xhb82gm7X55AEeLIWvWKAmDO4uHWE8qn_hVKgbCtqnVNu6gn37wxkakw

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