Menacée de disparaître et luttant âprement pour sa survie, la petite coop de santé Sabsa, (Service à bas seuil d’accessibilité) de la Basse-ville de Québec, avec ses deux infirmières praticiennes Isabelle Têtu et Emmanuelle Lapointe, est tout ce que la « grosse » structure de la santé publique n’est pas. Simple, efficace, efficiente, économique, démocratique, chaleureuse et fondamentalement accessible et humaine.
De ce fait, la petite entreprise sociale s’avère une embellie notoire, une éclaircie providentielle, et pourrait tout aussi bien servir de bouée de sauvetage que de balise de détresse dans l’actuelle tourmente d’un système de santé québécois chaotique, hospitalocentriste, médiocre et médicalocratique à souhait. Un système, aussi, qui doit accuser les coûts et les contrecoups dus à l’entêtement et à l’aventurisme éhonté d’un ministre à l’égo hypertrophié qui n’écoute que lui-même.
Ainsi, outre donner un sentiment d’appartenance aux gens des quartiers centraux qui gravitent autour d’elle, la coopérative assure à ses membres (pour 10$) une prise sur le réel et une mainmise certaine sur leur quotidien et leur avenir, en leur proposant d’abord une vision globale de leur santé. En faisant ainsi appel à l’intelligence des gens (plutôt qu’à leurs goussets), Sabsa leur redonne le goût de vivre et de se prendre en mains, réussissant ainsi ce que l’actuel système de santé s’avère trop souvent incapable d’accomplir.
Résultat, la coop Sabsa est en train de s’imposer comme un modèle du genre en matière d’auto prise en charge et comme un symbole de résistance populaire dans un système, faut le rappeler, où voir un spécialiste dans des délais normaux tient du record Guinness et où le duo Barrette-Couillard a muselé tout ce qui aurait pu servir de « chien de garde » en matière de fonctionnement, le Commissaire Robert Salois ayant été le dernier en liste.
Un modèle inspirant et performant qui doit demeurer
Pour un, le fait d’avoir travaillé en face de Sabsa à titre de pair aidant en santé mentale, (Pech/Sherpa) et d’y avoir référé nombre de personnes marginalisées ou désaffiliées, m’aura permis d’en apprécier tous les avantages. Ainsi, pas de tataouinage faute de paperasse, ou de délais indus avant d’être vu, des retours d’appel dans la journée même, des suivis toujours complets, des gens soulagés et rassurés, voilà ce que j’appelle de la classe dans le rendement du service…
Non mais, sans exagérer, la dernière performance annuelle de la petite équipe de Sabsa a de quoi étonner. Imaginez : autour 3,000 personnes ont été rencontrées, quelque 1,500 patient-es sont sur la liste de desserte, des centaines, voire des milliers de tests, d’examens et de vaccins ont été effectués, neuf cas sur dix ont été réglés sans déranger un médecin et on a économisé des dizaines de milliers de dollars à l’état. Qui dit mieux ?
Et voilà maintenant que le bon docteur Barrette voudrait ne pas répéter l’expérience sous prétexte de ne pas créer de réseau parallèle ? Lui qui n’a de cesse de démanteler, déboulonner et dessouder les piliers mêmes du système public pour favoriser les réseaux du privé ? Lui qui n’a cure de se vautrer dans le « plat à bonbons » pour continuer d’enrichir les médecins ? Lui qui bulldoze le réseau des CLSC au détriment de la prévention, des soins à domicile, des CHSLD et de la santé publique ?
Non mais, dites-moi que je rêve ?
Fort heureusement, ici, des groupes d’intérêt de toutes sortes se sont mobilisé (contribuables, sociétaires, élu-es, syndicats) et une collecte de fonds privée (réseau Cossette et La Ruche) a été mise en branle pour amasser les 250, 000 $ nécessaires à la survie de la coop Sabsa.
Qu’on se le dise une fois pour toutes, maintenant que Sabsa fait partie de l’ADN des Québécois-ses, Sabsa doit rester !
N’en déplaise à Barrette et aux libéraux.
Gilles Simard,
Journaliste, auteur (Le cœur enveloppé) et pair aidant en santé mentale.