La réussite : beaucoup plus qu’un chiffre
Partant du juste constat d’une stagnation du taux de réussite au collégial à environ 65 %, le ministère de l’Enseignement supérieur a mis sur pied un chantier qui devrait aboutir sur un plan d’action d’ici le printemps prochain afin d’augmenter ce taux à 68 % d’ici 2023. « L’objectif poursuivi par le ministère est noble, mais face à cette stagnation, il apparaît essentiel de ne pas répéter les erreurs du passé », d’ajouter la présidente de la FEC-CSQ.
Rappelons que depuis 2002, sous l’impulsion de François Legault alors ministre de l’Éducation, les cégeps sont tenus de mettre en œuvre des plans de réussite pour atteindre une cible moyenne. Or, entre 2005 et 2020, ce taux est passé de 65,8 % à 65 % malgré tous les efforts investis dans le réseau. Cette approche gestionnaire, basée sur l’atteinte de résultats moyens chiffrés et une importante reddition de compte, ne semble pas porter fruit. « Seulement depuis 2010, on a pu constater une augmentation de 17 % du personnel cadre dans nos établissements contre une baisse de 0,64 % chez les profs. Si on souhaite que les élèves réussissent mieux, il faudrait peut-être mieux soutenir les profs et pas seulement faire augmenter la pression sur leurs épaules. Au-delà du taux moyen, il y a tellement de visages de la réussite que les données globales cachent les réalités locales », de constater la présidente de la FEC-CSQ.
À titre d’exemples, mentionnons que les programmes de Sciences de la nature ont des taux de réussite autour de 90 % un peu partout dans le réseau, qu’un grand écart existe entre la réussite des filles au préuniversitaire (74 %) par rapport à la réussite des garçons au technique (54 %) ou que la présence des étudiantes et étudiants en situation de handicap (EESH) peut varier de 5 % à 20 % selon les cégeps et les programmes.
Des propositions pour favoriser l’égalité des chances
« Avec la diversification de la population étudiante et l’évolution de nos conditions de travail, la stagnation du taux de réussite pourrait presque être vue comme un succès puisqu’il n’a pas régressé. Toutefois, nous pouvons faire mieux, notamment en ce qui a trait à l’accès à l’enseignement supérieur », affirme Lucie Piché. Le réseau collégial est reconnu pour accueillir des jeunes de tous les horizons, notamment en raison de sa présence sur l’ensemble du territoire. Pourtant, une récente étude démontre que l’accès à l’enseignement collégial dépend fortement du parcours scolaire au secondaire. Alors que l’accès est de 94 % pour les programmes internationaux au privé et de 89 % pour ces mêmes programmes au public, il n’est que de 37 % pour les jeunes du secteur régulier ! Ces inégalités de parcours se retrouvent également à l’université puisque, parmi les familles ayant un revenu supérieur à 100 000 dollars et dont un des parents est diplômé universitaire, 71 % des jeunes sont diplômés. Cette proportion n’est que de 25 % pour les jeunes dont les parents gagnent moins de 100 000 dollars ou n’ont pas de diplôme universitaire.
« Si, comme enseignantes et enseignants, nous sommes au cœur de la relation pédagogique et mettons tout en œuvre pour la réussite éducative et scolaire, notre influence a ses limites. Parmi ces limites, on retrouve notamment l’obstacle de l’école secondaire à trois vitesses en plus de la vision trop souvent administrative de la réussite, qui n’offre pas suffisamment de ressources enseignantes. À ce titre, le classement proposé par le Journal de Québec et le Journal de Montréal apparaît comme un palmarès des inégalités scolaires. En pleine crise sanitaire et alors que la priorité serait de parler du soutien à apporter aux cohortes de la COVID-19, cette publication a de quoi rendre cynique », de conclure Lucie Piché.
Résumé de nos propositions
La Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ) invite donc le ministère de l’Enseignement supérieur, la Fédération des cégeps et tous les acteurs impliqués à : considérer la segmentation scolaire au secondaire comme un frein à l’accès au cégep ; remettre en question le mode de gestion administratif de la réussite ; ajouter des ressources enseignantes pour faire face aux nouveaux défis de la profession ; favoriser l’accès aux informations qui permettent de dépasser la vision impressionniste des données globales ; mieux coordonner les connaissances et les pratiques sur les mesures d’aide à la réussite ; et favoriser la tenue, après la crise sanitaire, d’une réflexion d’ensemble visant à ce que le système d’éducation du Québec reprenne le chemin de l’égalité des chances.
Lien vers le document Reprendre le chemin de l’égalité des chances.
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