Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Histoire

Réflexion libre sur le cours de l’histoire et l’importance de l’action politique

Dans la foulée du jour de la naissance de Karl Marx le 5 mai 1818

Karl Marx a vu le jour le 5 mai 1818 à Trèves en Rhénanie. Marx occupe une position dominante dans le paysage des grands penseurs du monde occidental. Il a élaboré, avec son comparse Friedrich Engels, un système d’analyse de la dynamique historique des modes de production en ayant l’audace de projeter celui qui devait supposément correspondre au modèle d’avenir de l’humanité : le communisme. L’histoire hélas, n’a pas emprunté le chemin radieux de celui annoncé par Marx et Engels. Le prolétariat n’a pas libéré l’humanité de ses chaînes. Là où les idées de ces deux auteurs ont été implantées, cela l’a été au détriment des personnes exploitées, dominées et opprimées. Faut-il renoncer à l’action politique pour autant ? Selon nous non et voici pourquoi.

1.0 Il n’y a pas de mouvement irréversible de l’histoire

Le socialisme et le communisme sont aujourd’hui des régimes politiques qui ont été complètement discrédités. Qui peut donc prétendre que Marx et Engels ont réellement fait la lumière sur le cheminement historique ? Au fait, l’histoire chemine-t-elle dans un cadre rationnel et progressiste ou n’assistons-nous pas parfois à des retournements historiques que nous pouvons qualifier « d’hystérique » ? Cette dernière question s’impose quand on regarde comment l’histoire se met parfois à déraper. Voir à ce sujet la décision que les juges de la Cour suprême américaine s’apprêtent à rendre en matière d’avortement.

L’histoire n’a pas suivi le cours annoncé par Marx et Engels. Il n’y a donc pas, en tant que tel, de grande leçon à retenir à ce sujet. Il n’y a aucun mouvement historique irréversible. Ce sont les femmes et les hommes qui la font et ce n’est surtout pas en restant confiné dans leur salon ou en s’excluant de la scène publique ou politique que les masses ou les groupes de la société civile se donnent les moyens d’influencer le cours des choses. Les problèmes et les enjeux auxquels nous sommes confrontés en 2022 exigent que la vaste majorité et leurs organisations ne désertent pas la sphère du politique.

2.0 De l’importance de l’action politique dans un régime dit démocratique

Les organisations progressistes doivent intervenir auprès de leurs membres. Elles doivent sensibiliser et informer leurs membres de leurs revendications. Comment s’imaginer qu’il saurait en être autrement ? Il appartient aux organisations de la société civile d’exercer des pressions constantes et permanentes sur le pouvoir étatique (c’est-à-dire le politique exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire). Autrement, c’est la domination du pouvoir étatique qui s’exerce et s’abat aveuglément sur la population et sur les organisations de la société civile.

Nous vivons une époque étrange. Depuis quelques années, la désillusion semble régner dans les démocraties occidentales. Le champ politique se présente comme un lieu tantôt bruyant, tantôt vacant. Un lieu que certains s’empressent de vouloir abandonner en permanence et que d’autres cherchent à fuir pour longtemps après avoir participé à une manifestation. Et pourtant, s’il y a un lieu qui mérite d’être investi de manière constante par les citoyennes et les citoyens, c’est bien le champ politique. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il s’agit du seul lieu où on peut régler les grands enjeux qui traversent notre société en fonction des intérêts de la majorité.

Il est donc important pour le mouvement syndical, les syndiqué.e.s et l’ensemble des autres organisations populaires de la société civile d’investir le champ politique. Il en est ainsi si nous voulons que la lutte pour l’élargissement des droits démocratiques s’accompagne de nouvelles victoires pour le plus grand nombre.

3.0 Petit rappel au sujet des acquis des interventions des organisations syndicales dans le champ politique

L’apport le plus net du mouvement syndical à la vie politique correspond à une démocratisation accrue de la société libérale et capitaliste. De fait, le développement de la démocratisation de notre société doit être relié au combat séculaire des organisations syndicales qui ont eu pour effet d’élargir la participation au politique et à la citoyenneté. Ce combat s’est livré à travers la lutte pour le développement des droits sociaux et le suffrage universel. Incontestablement, ces luttes ont permis de contrer les effets pervers et délétères de l’économie de marché et d’un système électoral censitaire.

Historiquement, le combat politique syndical s’est mené contre le primat de l’autorégulation du marché. Il a permis la conquête du droit à l’organisation syndicale, à la négociation collective et à l’exercice du droit de grève. Puis, en luttant pour l’obtention de droits sociaux liés au travail, les syndiqués ont gagné la limitation du temps de travail, la réglementation du travail des femmes et des enfants, des droits dans les domaines des accidents de travail et de l’assurance-retraite.

L’action politique syndicale a été déterminante dans l’adoption de législations portant sur certains droits sociaux (accès à des services éducatifs, accès à des services de santé, accès à des prestations d’assurance-chômage, accès à des allocations de bien-être social, etc.) et élargissant au plus grand nombre le droit de vote. C’est uniquement en investissant la scène politique que le mouvement syndical a été en mesure de construire le rapport de force nécessaire en vue d’obtenir l’élargissement des droits de citoyenneté (politique, économique, sociale et culturelle). Rappelons que la société capitaliste, laissée à elle-même, se caractérise par des rapports politiques non démocratiques chapeautés par le droit de propriété. On peut se demander à quoi ressemblerait notre société, si les organisations syndicales s’étaient abstenues de toute action politique militante et combative.

Le problème en matière d’action politique vient du fait que l’évolution sociale ne se caractérise pas par une ligne continue. Doit-on rappeler que le progrès social résulte d’une démarche en dents de scie ? Tantôt nous observons des victoires, tantôt nous constatons des défaites.

4.0 Du côté des États-Unis d’Amérique

Et pendant ce temps, du côté des États-Unis d’Amérique, les reculs qui se tissent et s’annoncent sont plutôt décevants pour les organisations progressistes. Ce sont plutôt les riches et les puissants (GAFA), la droite religieuse, la Bible Belt et les États gouvernés par des républicains qui triomphent d’une manière arrogante. Ces regroupements réactionnaires agissent en vue de restreindre et de limiter l’exercice de droits fondamentaux, le tout avec l’aval des tribunaux…

Conclusion : Quelle leçon retenir de Marx et d’Engels

Il y a plusieurs leçons à tirer des œuvres de Marx et d’Engels dont, au premier chef, celle-ci : c’est en adoptant et en développant une attitude menaçante que les forces politiques progressistes sont parvenues à obtenir des gains et des concessions face aux dirigeants et aux dominants. Il est donc important pour les organisations regroupant le plus grand nombre de la population de s’impliquer politiquement dans le but de conquérir de nouveaux droits et d’éviter les reculs historiques ou hystériques, c’est selon…

Yvan Perrier

5 mai 2022

11h45

yvan_perrier@hotmail.com

Zone contenant les pièces jointes

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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