Le BAPE conclut que le projet « n’est pas acceptable dans sa forme actuelle », que « l’ensemble du dossier est incomplet » et « ne répond pas adéquatement » aux différents risques liés à l’environnement et à la sécurité publique. Le BAPE constate également « l’absence d’un consensus social », « la polarisation de la population » et « la tension palpable entre différents groupes sociaux ». Le BAPE remet même en question la viabilité économique du projet dans un contexte baissier du prix du phosphate et d’un « engorgement » de l’offre mondiale.
Dans le secteur minier, c’est seulement la deuxième fois qu’un projet essuie un avis défavorable du BAPE. Dans le cas du projet minier de Niocan près d’Oka, en 2005, le BAPE avait conclu que « les études réalisées par le promoteur n’ont pas permis de statuer avec assurance sur certains aspects de son mandat en raison de plusieurs lacunes » . Près de 10 ans plus tard, le projet n’a toujours pas été autorisé par le gouvernement...
Si le BAPE avait voulu donner un « feu vert », ou même un « feu jaune » au projet de Mine Arnaud, il aurait conclu que le projet « est acceptable, avec certaines conditions ». C’est d’ailleurs ce qu’avait conclu le BAPE sur le projet de mine à ciel ouvert d’Osisko à Malartic, en 2009 : « le projet pourrait être autorisé à certaines conditions... ». La comparaison est encore plus frappante avec le projet de mine à ciel ouvert Lac Bloom, près de Fermont. En 2007, le BAPE « conclut au potentiel structurant du projet [Lac Bloom]... et note les efforts du promoteur afin de réduire l’impact sur le milieu ».
Le projet Mine Arnaud apparaît à sa face même comme étant inacceptable. Le BAPE conclut ainsi que le projet « n’est pas à l’abri » d’une chute du prix du phosphate ; que la pureté du gisement n’est pas garante de sa rentabilité ; qu’au moins « 2000 à 4000 tonnes de contaminants » seraient déversées dans la baie de Sept-Îles (eaux du fleuve) ; que les eaux souterraines sont menacées ; qu’un déversement minier ou un glissement de terrain entraînerait des conséquences « très graves » pour la population et l’environnement ; que les critères de pollution en manganèse dans l’air ne sont pas respectés ; et que les lois actuelles n’empêcheraient pas le promoteur d’agrandir le projet une fois les autorisations émises, ce qui aurait pour effet d’augmenter de façon importante les impacts du projet, sans que de nouvelles évaluations publiques ne soient menées.
De toute évidence, le rapport du BAPE pour le projet Mine Arnaud est un véritable feu rouge. Le projet ne pourrait être accepté que sur la base de la présentation d’un nouveau projet modifié de façon majeure, et non sur la base de quelques « études complémentaires », comme le sous-entend actuellement le promoteur. Les enjeux et les lacunes du projet Mine Arnaud sont tels qu’il serait également inacceptable de l’autoriser sur la base d’une évaluation interne conclue de façon non transparente, sans examen public, entre le promoteur et le ministère de l’Environnement.
À notre avis, la conclusion implicite du BAPE est claire : le projet Mine Arnaud ne peut faire l’objet d’un décret d’autorisation de la part du gouvernement sans que les impacts n’en soient d’abord complètement réévalués et sans retourner en examen devant le BAPE et devant la population.
Les enjeux sont d’autant plus grands que le projet Mine Arnaud appartient à Investissement Québec (62%) et serait largement financé par des fonds publics. Le gouvernement, qui se retrouve ici à la fois investisseur et régulateur, est en conflit d’intérêts. Il se doit donc de maintenir les plus hautes exigences en matière de transparence, du respect des normes et du respect des institutions publiques comme le BAPE.
Il a participé à une vingtaine d’audiences publiques du BAPE depuis 30 ans