Édition du 17 décembre 2024

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Quels avenirs pour la CAQ ?

Dans le contexte de la fracassante victoire du PLQ, Legault et « sa » CAQ s’en sont bien tirés. Avec moins de votes qu’en 2012, ils ont à peu près délogé le PQ de la rive-nord et l’ont mis à mal sur la rive-sud de Montréal. Ils ont maintenu leurs bastions dans plusieurs régions. Avec presque 25 % des votes, ils sont arrivés deuxième dans plusieurs comtés. Malgré ce qu’en disent certains péquistes, il me semble que Legault a réussi son parti.

Deux partis en un

Depuis le début, on sait que la CAQ est une alliance inconfortable. Le vieux noyau réactionnaire qui s’est maintenu à travers les années en est une composante, dans le centre-sud du Québec notamment. Ces régions ont longtemps abrité des phénomènes politiques étranges, comme les « créditistes », qui étaient une étrange bibitte de droite. Mario Dumont les a « modernisés » dans les années de l’après-référendum en gardant le fonds populiste, démagogique et raciste, et en le recentrant sur des thèmes « modernes » comme la phobie du secteur public et des syndicats, ce qui faisait de son ADQ une version québécoise (plus soft) du Tea Party. Entre-temps, après ses déboires au PQ, Legault s’est cherché une autre maison d’où son « take-over » de l’ADQ sous l’égide de « sa » CAQ qu’il régit comme une propriété personnelle. À son crédit, il a eu l’habileté de cibler une deuxième clientèle chez les classes moyennes « descendantes » qui peuplent les banlieues, qui travaillent dans les PME et qui sont nourries par les médias-poubelles dont le réseau Quebecor pour détester les syndicalistes, les féministes, les écologistes, les étudiant-es et à peu près tout le monde. En réalité, cette coexistence fait de la CAQ deux partis en un, ce qui ne peut qu’être temporaire et fragile. Pour le moment, avec quelques ridicules promesses de baisser (très) marginalement les impôts et de liquider une partie de l’appareil de la fonction publique, Legault a réussi à s’imposer en parlant fort et en ayant l’air d’un gars qui se tient debout, ce qui était facile à côté de la lamentable performance de Pauline Marois. Il a réussi à drainer des votes, moins que le PLQ cependant, et à faire en sorte que plusieurs de ses candidats se faufilent entre les deux partis traditionnels.

Les options

Legault aux lendemains de l’élection a fait monter la rhétorique nationaliste. L’objectif simple et clair est d’aller pêcher du côté des péquistes déçus, voire désespérés, et de les embarquer dans un parti qui serait en quelque sorte la version moderne de l’ancienne Union nationale. Le nationalisme « soft » mettrait à mal, espère-t-il, la capitulation pas-si-tranquille du PLQ. Il pourrait résonner au sein des couches moyennes déclassées et même dans certaines composantes des classes populaires, du moins pour un temps. Tout en ravivant son nationalisme, Legault va continuer de cibler les syndicats qui dans son langage de droite grossier servent d’exutoires pour occulter les ravages des politiques néolibérales dominantes. Pour que cela fonctionne, il faudrait idéalement faire un « deal » avec certains éléments du PQ. Mais là, le bât blesse. Sous PKP, le PQ va certainement évoluer vers la droite, donc sur le même terrain que celui de Legault. Pire encore, PKP a l’air déterminé à rester accroché au drapeau de l’indépendance. Cela serait différent, mais surprenant, que cela change, à moins que PKP, par « réalisme », décide de reporter l’indépendance à la semaine des 4 jeudis. L’autre option de Legault est tout simplement d’attendre pour voir quand et comment le PQ va glisser encore plus de crise en crise. Ce n’est pas impensable. De toutes les manières, on voit bien que le terrain sur lequel il évolue est glissant.

En attendant

Legault va continuer de surfer sur le populisme de droite. Il y a derrière lui l’« industrie » des médias, pas seulement les pourris (les radios X), mais de plus en plus, les médias tout court qui, à part quelques exceptions, reprennent le discours du grand mensonge néolibéral. Il sera probablement aidé, consciemment ou non, par des nationalistes de droite qui s’enfoncent dans le marais du racisme, de la haine et de la xénophobie et qui pourraient se replier, eux-aussi, vers une CAQ « union-nationalisée ».

Par ailleurs, plusieurs des propositions de Legault seront matérialisées par Couillard qui va massacrer le secteur public, quitte à le faire avec un certain tact. Le PLQ va y aller à fond de caisse sur le « développement » des ressources et du pétrole. Il va maintenir les mêmes barèmes de la fiscalité inéquitable et s’aligner sur les demandes des Chambres de commerce et autres porte-paroles du 1 %.

Legault pourra traiter Couillard de menteur et de tricheur, mais cela ne le rapprochera pas beaucoup du pouvoir. La CAQ se retrouvera plus souvent qu’autrement obligée d’appuyer le gouvernement qui s’en servira par ailleurs comme écran au cas où certaines personnes seraient assez naïves pour penser que le PLQ est autre chose qu’un projet de droite.

Ce jeu entre la droite et l’extrême-droite est présentement très populaire parmi les élites « globalisées » du monde. Le 1 % sait bien que les grandes gueules populistes sont utiles pour miner les alternatives de gauche et consolider les idées réactionnaires. Pour les élites, c’est cependant préférable d’avoir au pouvoir des partis de droite plus « respectables », d’autant plus qu’ils viennent souvent de la même souche en tant que capitalistes ou larbins des capitalistes. Mais si la soupe est trop chaude, on peut utiliser les Berlusconi et le Pen de ce monde et pourquoi pas, les roquets de droite canadiens et québécois, quitte à les « dé-radicaliser » un peu (comme on l’a fait en France).

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