Depuis le printemps dernier, plus de 40 000 communications sur le PTP ont été envoyées au Comité permanent sur le commerce international (CIIT), témoignant de réelles préoccupations citoyennes et collectives face aux accords commerciaux, dits de nouvelle génération, et leurs répercussions. En plus d’avoir rencontré la ministre Chrystia Freeland à ce sujet, nous avons participé sérieusement aux activités publiques organisées par son ministère et avons applaudi cet esprit d’ouverture.
Or, c’est tout le contraire qui a cours en ce moment avec la mise en œuvre de l’AÉCG. Le traité touche pourtant des pans entiers de notre vie en société, que ce soit les services et les marchés publics, la santé et le coût des médicaments, notre modèle agricole, la culture, l’environnement, étant soumis à la stricte logique du marché et du profit à tout prix. Pour la première fois, l’accord engage tous les paliers de gouvernement.
Alors que l’AÉCG risque d’avoir des impacts profonds au Québec, le CIIT mène un semblant de consultation avec des invités triés sur le volet, majoritairement issus du monde des affaires, tout en refusant une audience au RQIC, à Attac-Québec et à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), entre autres. En guise de « consolation », le CIIT nous accorde une semaine pour soumettre un mémoire, mais sans possibilité d’être entendus ! Non seulement nous ne pourrons débattre avec les parlementaires, mais il s’agit d’un délai tout à fait inacceptable pour proposer une contribution de qualité sur un sujet aussi important que complexe. De plus, les individus ou autres organisations qui auraient été pris de court par les délais ne peuvent même plus envoyer de commentaires.
Il est pour le moins étrange qu’on limite autant la consultation sur l’AÉCG, alors que l’on ne cesse d’allonger la période pour présenter un mémoire sur le Partenariat transpacifique (PTP) ! Entamée au printemps, cette consultation permet l’envoi de mémoires jusqu’au 27 janvier 2017, alors que, répétons-le, plus de 40 000 avis auraient déjà été reçus !
L’introduction du projet de loi C-30, qui mettrait l’AÉCG en vigueur, n’a pas respecté le délai prévu de 21 jours entre le dépôt du texte de l’accord et le dépôt du projet de loi, les deux ayant été déposés simultanément à la Chambre des Communes. De plus, le gouvernement n’a pas présenté les habituelles notes de lecture permettant à nos élus de se saisir des éléments majeurs de l’entente. Que penser de cette précipitation à ratifier l’AÉCG, négocié en secret pendant huit ans, sans respecter les procédures parlementaires minimales ?
Que faut-il en comprendre, sinon une nouvelle entorse à la démocratie ? Pourquoi le gouvernement tient-il mordicus à ce que l’adoption en 3e lecture ne souffre point de retard et débute le 6 décembre de façon à ce que C-30 soit adopté juste avant les fêtes, profitant de l’éclipse médiatique de cette période ?
En outre, le même empressement semble présider à la conclusion de l’Accord sur le commerce des services (ACS) qui, à l’évidence, considère les services publics comme une marchandise et dont les négociations se déroulent aussi dans le plus grand secret, en marge des règles habituelles de l’Organisation mondiale du commerce.
Malgré ce que veulent laisser croire, de façon pernicieuse, les promoteurs de l’AÉCG et de l’ACS, nous ne sommes pas contre le commerce et la réduction des droits de douane, sous réserve de mécanismes compensatoires équitables. Nous contestons plutôt la déréglementation qu’imposent ces accords et les limites implicites faites aux États de légiférer pour protéger les droits sociaux, les droits du travail, l’environnement et la santé publique.
En effet, l’ampleur des droits donnés aux investisseurs de poursuivre les gouvernements n’a d’égal que les restrictions imposées aux autorités publiques d’assurer leurs engagements vis-à-vis de la diversité culturelle, des services publics et du soutien au développement local. Autant d’enjeux qui sont pour l’instant relégués à la marge d’un traité au sein d’une déclaration interprétative sans valeur juridique avérée !
Pour nous, une autre approche commerciale coopérative est possible et nécessaire afin de concilier les échanges commerciaux avec la protection des droits des peuples et de la planète. Toutes les critiques au libre-échange ne se réduisent pas à une posture protectionniste. Malheureusement, nous n’aurons pas l’occasion de faire valoir ce point de vue équitable dans le cadre de cette consultation à la sauvette autour de ces accords. C’est pourquoi nous dénonçons ces incohérences qui ne font qu’encourager le cynisme politique.
Ce billet de blogue est cosigné par Louise Chabot, présidente, CSQ ; Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain-CSN ; Carolle Dubé, présidente, APTS ; Gabriel Dumas, coordonnateur, MÉPACQ ; Jacques Létourneau, président, CSN ; Richard Perron, président, SPGQ ; Simon-Pierre Savard-Tremblay, président, Génération nationale ; Krystyna Slawecki, Alternatives ; Claude Vaillancourt, président, Attac-Québec ; François Vaudreuil, président, CSD.