7 décembre 2020
C’est la sonnette d’alarme qu’a sonnée Lyne Latulippe, chercheure principale à la Chaire et co-autrice de l’étude avec Michaël Robert-Angers, dans une entrevue le 28 octobre dernier. Cette alerte vient assombrir les gains signalés à la mi-octobre, lors des travaux de la conférence TaxCOOP2020. On y faisait état des avancées réalisées par l’OCDE pour à la fois contraindre les multinationales à déclarer leurs activités non seulement celles de leur siège social mais aussi pays par pays et ainsi dévoiler l’activité économique réelle produite : production matérielle, nombre d’employés, vente et profit. À cela s’ajoute un impôt minimal auquel seraient contraintes toutes les multinationales sans exception. Ces ententes techniques de haut niveau à l’OCDE entre experts indiquent que « … Reste maintenant aux gouvernements à faire de même. » [1]
Covid-19 : Érosion de la base d’imposition et transfert de pertes des multinationales vers le Canada [2]indique que les multinationales sans se soucier des nouvelles contraintes convenues au sein de l’OCDE, cherchent à profiter des effets de la pandémie pour accroître leurs profits en réduisant leurs charges fiscales. Ainsi plutôt que de transférer les profits réalisés au Canada vers des paradis fiscaux, elles tendent à inverser le processus et à comptabiliser au Canada les pertes réalisées dans d’autres filiales de la maison mère par le biais du prix de transfert.
Nous ne pouvons que constater l’arrogance de ces détenteurs de capitaux qui travaillent à inverser les effets des contraintes qui leurs seront imposées par l’OCDE. Le Canada en la matière est dans le groupe des « suiveux ». Alors qu’il a réussi quelques avancées en élargissant l’équipe affectée à la récupération des sommes colossales détournées du fisc canadien par les multinationales et les riches détenteurs de capitaux, il est loin d’être en mesure d’encadrer les dernières stratégies comptables des multinationales. Les lois canadiennes n’ont pas le mordant nécessaire pour que les décisions de l’OCDE contribuent à bonifier les revenus de l’Agence du Revenu du Canada.
Les récentes données colligées par le Tax Justice Network [3]i concernant le Canada, indiquent que le Canada perd annuellement 7,9 milliards $ qui sont acheminés vers les paradis fiscaux soit le salaire annuel de plus de 100 000 infirmières. « Justice fiscale : état des lieux 2020 » indique que « les abus fiscaux internationaux coûtent chaque année aux États plus de 427 milliards de dollars américains en recettes fiscales. Sur ces 427 milliards perdus, quelque 245 milliards correspondent à des bénéfices transférés dans des paradis fiscaux par des sociétés multinationales. » [4]
Il y a lieu d’être inquiets. Nous savons que ce sont les citoyens, les salariés qui épongent les dettes des États, que les mesures d’austérité sont à l’agenda des gouvernements. Nous avons déjà goûté à cette médecine et les gouvernements Legault et Trudeau n’ont pas dans leurs cartons des mesures concrètes pour faire payer dès maintenant ces corporations qui veulent nous transférer leurs manques à gagner. Les Amazon, WallMart ou Dollorama n’en sont que quelques exemples.
La vigilance s’impose. Brigitte Alepin l’indique dans Rapide et dangereuse : une course fiscale vers l’abîme, [5] « L’optimisation fiscale des entreprises multimillionnaires va tuer le service public au sein de toutes les démocraties occidentales. » Tel que la Coalition Main rouge le réclame, exigeons du gouvernement un engagement ferme en faveur de la justice fiscale et sociale ! [6]
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