Il y a encore des Québécoises et Québécois qui se privent de médicaments faute de moyens. Les personnes rémunérées au salaire minimum ou qui travaillent à temps partiel paient des primes démesurément élevées par rapport à leurs revenus. Les travailleurs et travailleuses peinent à obtenir des améliorations à leurs conditions de travail en raison des coûts de plus en plus importants de l’assurance médicaments.
Il est temps d’assurer l’accessibilité au médicament pour tous et pour toutes. Un régime public et universel permettrait d’améliorer l’accès, l’équité, l’efficacité, l’efficience, la sécurité et la qualité, au bénéfice de toutes et tous. L’instauration d’un tel régime va permettre, entre autres, de contrôler le coût des médicaments. Les obstacles à l’adoption d’un tel régime ne sont pas économiques, mais politiques. Il faut y remédier.
Source : Mathieu CHARBONNEAU, Marc-André GAGNON, et al., « Le régime public-privé d’assurance médicaments du Québec, un modèle obsolète ? », Note socioéconomique, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), 2017, p. 4.
Malgré son régime public, le Québec ne fait pas meilleure figure. En fait, selon une étude du Commissaire à la santé et au bien-être, « le pourcentage d’adultes qui ont omis de prendre un médicament en raison du coût est deux fois plus élevé chez les personnes ne disposant pas d’une assurance privée, soit 12,1% contre seulement 6,1% chez les personnes ayant une assurance privée ».
Ce n’est pas acceptable, l’accès aux médicaments n’est pas un luxe. Personne ne devrait avoir à choisir entre renouveler une ordonnance ou payer l’épicerie !
Un manque flagrant d’équité
Le régime public est financé par l’État ainsi que par les primes, les franchises et coassurances des personnes assurées. Ces dernières peuvent avoir à débourser jusqu’à 1066$, ce qui représente une charge énorme pour les personnes les moins nanties.
Les régimes privés sont quant à eux financés par les employeurs et les personnes salariées, sans égard pour leur capacité de payer et sans qu’il soit possible par ces dernières de faire le choix d’être couvert par le régime public. Ce faisant, et en raison de l’obligation d’adhérer au régime privé disponible, certaines personnes, notamment les travailleuses et travailleurs à temps partiel et les personnes retraitées, se retrouvent à payer des sommes disproportionnées par rapport à leur revenu pour leur assurance. On parle parfois d’un montant qui représente plus de 10% du revenu annuel.
De plus, la diversité des régimes en place signifie que certaines personnes bénéficient d’une bien meilleure couverture que d’autres.
Offrir une couverture en fonction du milieu de travail et non des besoins médicaux est forcément inéquitable et ça se traduit notamment par une difficulté réelle d’accès aux médicaments.
Un prix trop élevé et des dépenses qui explosent
Le système mixte d’assurance médicaments a un impact réel sur le prix des médicaments et limite notre capacité collective à contrôler la croissance des dépenses totales (publiques et privées) en médicaments.
Dans le régime mixte, il y a plusieurs payeurs : le public, les régimes privés d’assurance médicaments et les particuliers. Ce système multipayeur augmente les coûts d’administration et réduit le pouvoir d’achat et de négociation sur le marché pharmaceutique. Ce faisant, le prix des médicaments est parmi les plus élevés de l’OCDE.
De plus, la croissance annuelle du prix des médicaments est plus importante et plus rapide au Québec qu’ailleurs au Canada ou dans les autres pays de l’OCDE.
En 2014, les dépenses totales pour les produits pharmaceutiques (médicaments d’ordonnance et en vente libre) étaient de 1087$ par personne au Québec. Dans le reste du Canada, la dépense s’élevait à 912$ alors que la médiane pour l’ensemble des pays de l’OCDE était de 603$, soit 45% de moins qu’au Québec. C’est une situation très préoccupante.
Dépenses totales en médicaments par habitant, tous les pays déclarants de l’OCDE, 2014 ($ canadiens, PPA)
Source : Mathieu CHARBONNEAU, Marc-André GAGNON, et al., « Le régime public-privé d’assurance médicaments du Québec, un modèle obsolète ? », Note socioéconomique, Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), 2017, p. 5.
Dans les milieux de travail où un régime d’assurances collectives existe, la couverture est de plus en plus dispendieuse. Depuis 2016, les primes ont augmenté en moyenne de 8,7% par an, soit bien au-delà de l’inflation ou de la hausse des salaires. D’ici 2025, certaines analyses vont jusqu’à dire que la croissance totale atteindra 130%. Aussi bien dire que plus personne ne pourra se payer un régime d’assurance équivalent à ce qui existe aujourd’hui.
Cette situation pose aussi un problème important pour le système de santé. En effet, les médicaments représentent une proportion grandissante des dépenses du système de santé et de service sociaux. Pourtant, cette dépense croissante ne se traduit pas par une meilleure performance du réseau de la santé et des services sociaux.
Pourquoi faut-il agir maintenant ?
Parce que tout le monde en sortirait gagnant. Avec un régime entièrement public, les dépenses totales en médicaments seraient réduites d’au moins 18%, et dans les meilleurs scénarios elles seraient réduites jusqu’à 40%. Cette stratégie représente des économies importantes pour le gouvernement. Elle permettrait de plus d’augmenter le revenu disponible des travailleuses et des travailleurs tout en diminuant la contribution des employeurs.
Un régime entièrement public permettrait d’améliorer l’efficacité du système de santé, d’offrir une couverture universelle accordant le même niveau de protection à toutes et tous ainsi qu’un accès équitable aux médicaments d’ordonnance.
Un sondage national mené par Angus Reid en 2015 révélait que 91% des Québécoises et Québécois sont en faveur de l’établissement d’un régime entièrement public d’assurance médicaments. Les obstacles à l’adoption d’un tel régime ne sont pas économiques, mais politiques. Il est possible de faire autrement.
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