Le débat porte autour d’une personne trans comme présidente de la Fédération des femmes du Québec. Gabrielle est-elle une femme, un homme, une transition, un sexe... etc. Gabrielle est d’abord une personne qui se définit comme femme et qui veut défendre les droits des femmes. Elle fait partie d’une minorité opprimée de la société : les personnes trans. Et c’est ce combat politique qu’elle veut mener à la Fédération : faire reconnaître les femmes minorisées.
Effectivement le féminisme que nous connaissons au Québec et malgré la diversité des points de vue exprimés soit par sensibilité syndicale, professionnelle, et même gouvernementale relève d’un féminisme blanc, de classe aisée ou moyenne, sans handicap hétérosexuel et sans questionnement de genre. Ce féminisme a permis un développement important de la lutte dans femmes ici et partout dans le monde avec la création de la Marche Mondiale des femmes. Cela a permis aux femmes de prendre leur place et de prendre la parole.
Et surtout, cela a permis aux femmes les plus opprimées de faire connaître, pour une première fois, leurs souffrances et leur aliénation. Elles ne se situaient plus en victimes subissant le poids de leur domination, mais comme personnes luttant contre leur situation. Ne pas tenir compte de leurs paroles serait divisif pour le mouvement des femmes. Car, malgré leur bonne volonté, les femmes blanches de classe aisée ou moyenne, hétérosexuelles sans handicap et sans questionnement de genre, n’ont pas le vécu pour défendre ces femmes minorisées. Leurs privilèges les en empêchent. Reconnaître ce fait c’est se mettre en alliée avec ces femmes, c’est se mettre à leur écoute, c’est être en solidarité avec toutes les femmes et pas seulement celles avec des avantages.
Pas question non plus de choisir la minorisation la plus acceptable parmi d’autres. Le questionnement de genre et la transsexualité font que ces femmes vivent des discriminations dont il faut que le mouvement des femmes prenne en compte et qu’il lutte avec elles pour les abolir et faire reconnaître leur réalité légalement, socialement, civilement et féministement.
C’est un tournant essentiel que doit prendre le mouvement des femmes : s’ouvrir à toutes les femmes. Nous pensons que madame Gabrielle Bouchard pourra certainement faire avancer les réflexions féministes comme présidente de la Fédération des Femmes du Québec.
Quant au PDF, nous les invitons à questionner leurs positions au lieu de fouiller dans l’ADN des personnes trans. Nous les invitons aussi à développer une culture d’ouverture envers toutes les femmes dans le respect de leur oppression et dans le choix de leur liberté religieuse.
Il nous faut, ici au Québec, rejeter toutes dynamiques identitaires qui nous conduiraient à privilégier certaines femmes de souche au détriment des apports des personnes immigrantes. La Charte des valeurs du PQ a mis en danger la solidarité sociale. Dans ce contexte, les femmes ne peuvent qu’être perdantes. Les femmes musulmanes en ont fait les frais.
Notre ouverture à toutes les femmes doit aussi s’alimenter du sort des femmes partout ailleurs. C’est ce que nous a appris la Marche Mondiale des femmes. La conjoncture internationale est loin de favoriser les droits des femmes y compris le droit de disposer de leur propre corps. C’est plutôt l’heure du mépris et des violences faites aux femmes avec la montée de la droite et de l’extrême droite.
À commencer par Trump qui justifie son propre harcèlement sexuel et qui soutient des candidatures de sénateur-agresseur comme Roy Moore, qui refuse les personnes trans dans l’armée et qui coupe systématiquement les fonds aux organismes de planning familial.
Ensuite, la présence d’une forte immigration en Europe soulève aussi des sentiments islamophobes et racistes. Dans cette quête de paix, d’une terre nouvelle, les femmes ont connu humiliation et viols et les enfants souffrances et faim. Le droit à l’avortement revient aussi d’actualité en Europe, les femmes en noir en Pologne ont été à l’avant de cette lutte.
C’est aussi le ras de bol des femmes latino-américaines qui refusent de voir une de plus des leurs se faire tuer parce que femmes. Elles luttent contre les féminicides institutionnalisés.
L’enquête faite sur la disparité des femmes autochtones au Canada et au Québec commence à mettre à jour les liens entre féminicide, colonialisme et racisme systémique.
Le mouvement des femmes doit tenir compte de toute cette conjoncture politique. Et contre toutes ces attitudes réactionnaires, il faut opposer une solidarité la plus large possible. C’est seulement toutes unies que nous combattrons le patriarcat, le capitalisme, le racisme, le colonialisme, le sexisme. C’est ce à quoi , nous invitons le PDF à réfléchir.
Chloé Matte Gagné
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