Édition du 10 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

On a grandi dans un monde où on nous disait que le féminisme est dépassé

Voici le discours que Mélanie Pelletier, responsable du comité des femmes du Conseil central dee Québec Chaudière-Appalaches (CSN) a prononcé à la manifetation du 6 décembre contre les violences faites aux femmes dans la Capitale nationale.

Bonjour tout le monde,

On a grandi dans un monde où on nous disait que le féminisme est dépassé, où les filles peuvent faire ce qu’elles veulent, devenir ce qu’elles veulent, un monde où l’égalité est atteinte.

Et puis, il y a 35 ans, bang !, la haine, le backlash, le retour de la violence en pleine face. Polytechnique. Quatorze femmes tuées parce que femmes. Quatorze femmes assassinées parce qu’un homme avait décidé qu’elles ne deviendraient pas ce qu’elles voulaient.
Périodiquement la réalité nous rattrape. Les nouvelles nous rattrapent. Que ce soit l’augmentation de la violence « conjugale » chez les jeunes, la montée du masculinisme et maintenant des « mâles alpha », l’exploitation sexuelle des adolescentes et des jeunes adultes. Et, depuis quelques années, l’explosion des féminicides.

Des femmes tuées parce que femmes. Dans l’intimité la plupart du temps. Par leur partenaire ou leur ex. Rien d’extraordinaire. Pas de monstre. Pas de fou. Pas d’attentat. La banalité du mal. « Je vous jure, j’ai rien vu aller, c’était des voisins tranquilles, un petit couple sans histoire avec des beaux enfants ». La prise de pouvoir et de contrôle qui se rend jusqu’à sa conclusion logique et extrême : le meurtre.

Face à l’horreur, face à la récurrence de l’horreur, c’est facile de geler. De se sentir impuissantes. La prochaine victime est encore en vie. Mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour la garder en vie ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour que ça arrête ?

Déjà, s’autoriser à en faire une analyse politique et en tirer des conclusions. Toutes les histoires sont particulières, tous les féminicides sont singuliers. Certes. Mais ce sont tous des cas de violence conjugale. Il y a toujours des signes avant-coureurs, après coup on se rend toujours compte qu’on aurait pu voir venir. Qu’on aurait dû voir venir.

La base ce serait de s’assurer qu’il y ait un filet de sécurité en place et que le filet soit assez solide pour que toutes les femmes qui veulent quitter une situation de violence conjugale aient les moyens de le faire.

Historiquement, tous les progrès des femmes sont directement liés à l’éducation et à l’autonomie financière. C’est pas une garantie mais c’est clair que réduire les inégalités, accroitre l’autonomie financière des femmes, ça augmente les options disponibles, ça élargi le champ des possibles et ça mine les dynamiques d’isolement et de prise de contrôle et de pouvoir. Alors, oui, il faut continuer le combat pour l’égalité.

Confrontés aux dénonciations et aux revendications féministes face aux agressions sexuelles, face à la violence conjugale, face aux féminicides certains disent : «  Pas tous les hommes  ». Ok, d’accord, je veux bien, mais on va se le dire, peut être pas tous les hommes mais tous des hommes quand même.

Qu’est-ce que nos alliés masculins peuvent faire ? Le but ce n’est pas de culpabiliser tous les gars mais que peuvent-ils faire face au sexisme et à la misogynie systémique ? Déjà dénoncer, casser la maison des hommes, casser la solidarité masculine. Refuser de rester silencieux, refuser de regarder ailleurs quand il y a des jokes de vieux mononcles. Éduquer et s’éduquer sur le sexisme, le patriarcat, la masculinité toxique. Briser le cercle de reproduction sociale. Intervenir au quotidien face aux situations qui n’ont pas d’allure. Se positionner en allier. Soutenir les luttes féministes aussi, participer aux luttes pour l’égalité et la justice sociale.

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