Édition du 17 décembre 2024

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COP 26

Pour la première fois, des pays s’engagent à arrêter la production de pétrole et de gaz

Huit pays dont la France se sont engagés à éliminer l’exploitation des énergies fossiles de leur territoire. Mais cette nouvelle alliance ne comprend pas les principaux États producteurs d’hydrocarbures dans le monde, comme les États-Unis, l’Arabie Saoudite et la Norvège.

Tiré de Reporterre.

À la COP26, les énergies fossiles, moteur du changement climatique [1], sont au cœur des débats comme jamais auparavant. Après la naissance de coalitions pour une sortie du charbon et la fin du financement de projets fossiles à l’international, le brouillon d’accord du sommet international évoquait explicitement, mercredi, l’élimination progressive du charbon et des combustibles fossiles.

Jeudi 11 novembre, la dynamique s’est poursuivie avec une annonce inédite : pour la première fois, huit pays se sont engagés à ne plus délivrer de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz, et ce avec effet immédiat. Cette coalition, intitulée « Beyond Oil and Gas Alliance » (Boga), a été initiée par le premier producteur européen de pétrole, le Danemark, et le Costa Rica. Ils ont été rejoints par la France, le Groenland, l’Irlande, le Pays de Galles, le Québec (une province du Canada) et la Suède. L’objectif : éviter d’atteindre des niveaux « dangereux » de perturbation climatique. « Sortir d’un approvisionnement non durable en pétrole et en gaz est un élément essentiel de ce défi », précisent ces pays dans leur déclaration.

« Nous espérons inspirer d’autres pays. »

Ces États ont aussi promis d’« éliminer la production existante » d’hydrocarbures sur leur territoire. Mais ils n’ont pas précisé quand ils arrêteront les licences d’exploitation et d’exploration déjà existantes, s’engageant vaguement à « fixer une date compatible avec l’Accord de Paris », qui vise à contenir le réchauffement climatique « nettement en dessous des 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels ».

La Nouvelle-Zélande, la Californie et le Portugal ont par ailleurs rallié l’alliance en tant que membres associés, ces pays ayant, selon le communiqué de presse, adopté « des mesures concrètes importantes qui contribuent à la réduction de la production de pétrole et de gaz ». L’Italie l’a intégrée en tant que « membre ami ». Les pays membres de Boga ont néanmoins échoué à convaincre les principaux États producteurs d’hydrocarbures dans le monde, comme les États-Unis, l’Arabie Saoudite, la Chine, le Canada, ou les Européens comme la Norvège et le Royaume-Uni, qui produit du pétrole en mer du Nord. « Nous espérons inspirer d’autres pays », ne désespérait pas, en conférence de presse, le ministre danois du climat Dan Jorgensen, qui a confié être « en pourparlers » avec l’Écosse.

« Cette nouvelle alliance devrait dans l’idéal permettre de faire entrer par la fenêtre un sujet, la sortie des énergies fossiles, qui, en presque 30 ans de négociations, n’a jamais pu être mis à l’ordre du jour », analysent dans une note Amélie Canonne, chercheuse en politiques commerciales et climatiques, et Maxime Combes, économiste et auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (ed. Seuil, 2015). L’initiative, poursuivent-ils, « est clairement une évolution positive qui vient légitimer toutes les luttes menées pour s’opposer à l’exploitation de nouveaux gisements ».

La France pas claire sur le gaz de couche en Lorraine

En parallèle de ces annonces, la ministre française Barbara Pompili a été saisie d’une demande de permis pour que la Française de l’Énergie exploite du gaz de couche en Lorraine. Pour l’heure, le ministère de la Transition écologique ne s’est toujours pas engagé à refuser cette demande. « C’est un véritable crash test : nous allons vite savoir si le gouvernement veut sincèrement sortir de l’extractivisme », dit à Reporterre Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre. En cas d’accord, la PME pourrait installer jusqu’à 400 puits de forage en Moselle pour exploiter ce gaz non conventionnel, piégé dans des couches de charbon, et ce d’ici à 2040, voire au-delà.

Interpellé par des journalistes sur une conversation WhatsApp dédiée à la COP26, le ministère indiquait jeudi 11 novembre que l’instruction était « toujours en cours concernant ce projet ». Il assurait qu’il n’autoriserait pas « de techniques non conventionnelles comme la fracturation hydraulique ou la stimulation », mais « pour le reste nous sommes dans un État de droit : l’exploitant de cette concession est titulaire d’un permis de recherche attribué avant la loi de 2017 [2], qui interdit de rechercher et d’exploiter de nouveaux gisements, mais qui n’interdit pas de poursuivre l’exploitation d’un gisement existant ».

« Sur ce dossier, la France ne peut pas se permettre de tergiverser de la sorte !, s’indigne Lorette Philippot. Emmanuel Macron ne peut pas en même temps rejoindre une alliance internationale de pays qui s’engagent à progressivement ne plus délivrer de permis d’exploration et de production d’hydrocarbures, et autoriser l’extraction de gaz de couche. On attend un refus clair et net. »

États-Unis et Chine coopèrent, fausses annonces sur les avions, coalition contre le nucléaire… les autres actualités de la COP

- Les États-Unis et la Chine annoncent vouloir coopérer sur le climat

Dans la soirée du mercredi 10 novembre, la Chine et les États-Unis ont publié une déclaration commune dans laquelle ils affirment leur volonté de « travailler ensemble à renforcer l’Accord de Paris ».

Sur le plan des annonces, rien de très concret ne ressort du texte. Seul élément vraiment nouveau : le méthane. En plus de son plan climatique (contribution nationale déterminée, dans le jargon onusien) soumis juste avant le début de la COP, la Chine a ajouté que le pays « avait l’intention de développer un plan national ambitieux et global sur le méthane » au cours de la prochaine décennie. La semaine dernière, la Chine était la grande absente de la coalition de pays s’étant engagés à réduire de 30 % d’ici 2030 leurs émissions de ce gaz à effet de serre extrêmement puissant.

Pour Lola Vallejo, de l’Iddri, cette déclaration est « très importante, puisqu’elle signifie que, par-delà un contexte tendu, les deux pays ont choisi de faire du climat un espace privilégié de coopération ». Bernice Lee, directeur de recherche à l’institut de réflexion Chatham House, a déclaré que « cette déclaration devrait dissiper toute crainte que les tensions américano-chinoises n’entravent le succès de la COP26 ».

- Des fausses annonces sur l’aviation

Mercredi, à l’occasion de la journée consacrée au transport, 23 pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Espagne et la France, ont reconnu l’importance de réduire les émissions du secteur de l’aviation pour limiter le réchauffement de la planète. Problème, ces mêmes pays prévoient aussi qu’en dépit « de l’impact du Covid-19 », l’industrie de l’aviation internationale allait « croître dans les trente prochaines années ». Afin de se conformer à l’Accord de Paris, les signataires proposent de « promouvoir des carburants durables » et des « nouvelles technologies aéronautiques innovantes à faible et zéro carbone ». Greenpeace n’a pas tardé à réagir, arguant que « cette déclaration s’appuyait sur des technologies n’existant pas encore et n’étant pas près de l’être ». L’ONG a appelé les pays à « plutôt réduire le nombre de vols et investir massivement dans le rail et autres moyens de déplacement verts ».

- Laurence Tubiana appelle l’UE à « intensifier ses efforts »

Laurence Tubiana, l’une des architectes de l’Accord de Paris de 2015, s’est dit préoccupée, jeudi 11 novembre, par le « manque de leadership climatique de l’UE » lors du sommet mondial pour le climat. « Tout le monde sait et dit que l’UE n’a pas été visible dans cette COP, ce qui représente vraiment une occasion manquée au regard de la base très solide de son Green deal », a déclaré la directrice exécutive de la Fondation européenne pour le climat, lors d’une conférence de presse. Cette dernière a également regretté que les Vingt-sept aient été en retrait lors des négociations sur les financements climatiques, notamment « sur l’adaptation et même sur les pertes et préjudices ». Pour finir, Laurence Tubiana a appelé l’UE à « intensifier ses efforts dans les prochaines vingt-quatre heures » afin d’obtenir un accord « crédible et ambitieux ».

- Taxonomie européenne : 5 pays appellent à se passer du nucléaire

Une coalition de cinq pays — l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, le Luxembourg et le Portugal — a publié une déclaration commune le 11 novembre pour une taxonomie européenne sans nucléaire. « L’énergie nucléaire est incompatible avec le principe "d’absence de dommages significatifs" inclus dans le règlement de la taxonomie européenne », justifient-ils. Les signataires font par ailleurs valoir que « beaucoup d’épargnants et d’investisseurs perdraient confiance dans des produits financiers labellisés "durables" s’ils suspectaient qu’en achetant ces produits, ils financeraient des activités du secteur nucléaire ».

La France, au contraire, manœuvre avec la Pologne et la Hongrie pour faire reconnaître le nucléaire comme une énergie verte. Mardi 9 novembre, Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France.

Notes

[1] Elles représentent près de 90 % des émissions mondiales de CO₂ et 70 % des émissions totales de gaz à effet de serre.

[2] La loi Hulot sur les hydrocarbures.

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