Édition du 17 décembre 2024

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COP 26

COP26 : les blablablatiens contre les terriens

En ouvrant la 26e Conférence des parties à la Convention des Nations unies sur le climat (COP) à Glasgow en Écosse, le 1er novembre, le premier ministre britannique Boris Johnson affirmait qu’un échec déclencherait une colère « incontrôlable » et que toutes les promesses ne seraient alors vues que comme du blablabla. Il faisait référence aux propos que Greta Thunberg avait prononcés lors d’un sommet des jeunes pour le climat en fin septembre : «  Il n’y a pas de planète B. Il n’y a pas de planète Blablabla. »

C’est pourtant une joute entre les blablablatiens et les terriens qu’il y a eu du 31 octobre au 13 novembre. Sans surprise pour les spécialistes climatiques, les blablablatiens ont encore gagné. En fermeture de la conférence, Alok Sharma, le président de la COP a d’ailleurs affirmé qu’il était désolé de ne pas avoir réussi à présenter une entente plus ambitieuse. Teresa Anderson, de l’ONG ActionAid International considère que le résultat de cette COP est une insulte aux millions de personnes dont les vies sont ravagées par la crise climatique. Le député écologiste de Maine-et-Loire et membre du collectif écologie démocratie solidarité, Matthieu Orphelin, affirme qu’il ne s’agissait pas d’une COP très positive parce qu’il n’y avait pas eu d’avancées sur l’action sur les dix prochaines années et sur les financements. «  C’est mou, c’est faible, et l’objectif de 1,5°C est à peine en vie », a commenté Jennifer Morgan, patronne de Greenpeace International qui s’est cependant réjouie qu’il y eût un signal sur la fin de l’ère du charbon.

La totalité des ententes prises devrait mener à une augmentation supérieure à 2,4°C par rapport à l’ère préindustrielle. Les grands émetteurs ont imposé leurs politiques des petits pas alors que les pays les plus pauvres et les moins responsables du réchauffement sont les plus touchés par ses impacts. Ils ont aussi réussi à s’esquiver de la demande de compenser les pertes et préjudices qu’ils ont causés. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui avait dit que « nous creusons nos propres tombes », en début de sommet concluait que la catastrophe climatique frappait toujours à la porte.

Les blablablatiens font des gains

L’on a vu à cette COP le nouveau ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, Steven Guilbeault, un environnementaliste reconnu mondialement avant de devenir ministre, jouer dans l’équipe des blablablatiens. Il y a dévié plusieurs tirs sur le Canada, qui est pourtant le quatrième plus gros producteur de pétrole au monde et qui n’a jamais atteint ses cibles de réduction des GES. Ce pays est aussi le seul du G7 à avoir haussé ses émissions de 2015 à 2019. Le ministre avait amené avec lui des coéquipiers blablablatiens. La délégation canadienne, comme celles de 27 autres pays présents à cette rencontre, incluait des représentants des industriels du pétrole.

L’industrie pétrolière est d’ailleurs en expansion en l’Alberta et y connaît une véritable renaissance en raison de l’augmentation des prix du pétrole. Les investissements sont en hausse dans les sables bitumineux et la plus grande entreprise pétrolière au pays a foré 586 puits cette année, une hausse de 18 % par rapport à 2020. Le Canada prévoit aussi augmenter sa production de gaz naturel.
Il faut dire que les Canadiens n’étaient pas seuls à jouer dans l’équipe des blablablatiens. Le négociateur en chef de l’Afrique du Sud, Maesela Kekana, pays fortement dépendant du charbon, s’est félicité que les 196 pays de la COP26 aient nuancé leurs positions sur les énergies fossiles au fil des discussions, pour arriver à un compromis dans l’accord adopté.

Les quatre cents jets privés qui ont atterri à Glasgow pour la COP26, les délégations de l’Inde, de la Chine et de nombreux autres pays pollueurs montrent en fait qu’il ne manquait pas de joueurs dans l’équipe des blablablatiens.

Les terriens souffrent

Cette rencontre était pourtant considérée comme importante pour le futur de la planète. Les dirigeants du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avaient en août, lors de la publication du premier rapport du sixième cycle d’évaluation du climat, déclenché l’alerte « Code rouge pour l’humanité ». Sans une réduction immédiate et substantielle des émissions de gaz à effet de serre, les conséquences irréversibles du réchauffement climatique devraient mener à une catastrophe pour l’humanité, affirmaient les 235 experts et auteurs du document s’appuyant sur 14 000 études. Un réchauffement de plus de 2e C y est considéré comme une condamnation à mort pour les habitants des îles Fidji, dominicaines, d’Antigua-et-Barbuda, des Maldives et plusieurs autres pays.

La première ministre de l’île de la Barbade, dans les Caraïbes orientales, Mia Mottley, affirmait à ce sujet « Quels témoignages avez-vous encore besoin d’entendre ? Quelles images avez-vous encore besoin de voir ? Sommes-nous devenus si sourds que nous n’entendons plus les cris de l’humanité ?  »

La Kenyane fondatrice de Green Generation, Elizabeth Wathuti, commente au sujet des sécheresses, inondations et catastrophe entrainées en Afrique par les changements climatiques que les pays africains sont responsable que de 0,5 % des émissions de CO2 historiques, « les enfants ne sont responsables de rien. »
Selon le spécialiste de la géopolitique du climat et auteur principal pour le Giec, François Gemenne, les enfants qui naissant aujourd’hui verront des augmentations des canicules, des incendies et des précipitations intenses. Quand ils atteindront l’âge de 15 ans, la température globale devrait avoir augmenté de 1,5 °C par rapport à l’époque préindustrielle. Ils subiront 2,5 fois plus de canicules qu’aujourd’hui.

Pour l’écologiste malienne Mariam Diallo Drame, il serait important d’instaurer une justice climatique qui prenne en compte les femmes et les enfants qui sont particulièrement touchés. Ils auraient 14 fois plus de risques de mourir lors d’une catastrophe naturelle que les hommes selon des données des Nations unies.
Colère incontrôlable à la COP27 ?

Il faut donc maintenant se demander si l’affirmation de Boris Johnson, qu’un échec de la COP26 déclencherait une colère incontrôlable, se réalisera. Nous le saurons dans douze mois en Égypte, où devrait se tenir la prochaine ronde de ce match qui oppose les habitants de la Terre à ceux de la planète Blablabla. Si les blablablatiens ont remporté la COP26, comme toutes celles précédentes, l’urgence a suffisamment augmenté pour espérer une issue différente.

Michel Gourd

Michel Gourd

Résident de L’Ascension de Matapédia.

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