Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Plan B, épisode 1

Le 23 janvier dernier se tenait le Sommet internationaliste pour un plan B en Europe. Dénonçant l’"euro est devenu l’instrument de la domination économique et politique de l’oligarchie européenne", les organisateurs-trices et participantEs ont pu entendre des présentations de militantEs comme Frederic Lordon, Oskar Lafontaine, Zoe Konstantopoulou, Susan Georges, Yanis Varoufakis ou Jean-Luc Melenchon appeler à la rupture d’Avec cette Europe là et pour élaborer "notre propre plan B pour dissuader le plan B des forces les plus réactionnaires et anti-démocratiques de l’Europe". Nous vous présentons ici le résumé de Laura Raim.

Alexis Tsipras n’avait pas de plan B. C’est cette faille, exploitée par ses "partenaires" européens, que Jean-Luc Mélenchon et ses invités veulent combler ce week-end en organisant à Paris le premier "sommet internationaliste pour un plan B en Europe".

Tiré du site de la revue Regards. Le Sommet internationaliste pour un plan B pour l’Europe.

Cosigné par l’ancien ministre des Finances grec Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des Finances allemand Oskar Lafontaine, ainsi que Stefano Fassina, ancien vice-ministre des Finances italien, et Zoé Konstantopoulou, ancienne présidente du parlement grec, l’appel avait été lancé en septembre dernier après l’écrasement du "printemps athénien" et l’imposition d’un troisième mémorandum pire que celui que les Grecs avaient massivement rejeté par référendum le 5 juillet. Les cinq signataires affirmaient que, face au chantage au "grexit" de la Troïka, les forces anti-austérité devaient elles aussi se doter d’un plan B pour «  renforcer (leur) position  » et appuyer leur plan A – «  une renégociation complète des traités européens  ».

« Une démonstration d’internationalisme concret »

Outre ses initiateurs, la conférence réunira une quarantaine de parlementaires, ex-ministres, économistes, sociologues, représentants d’ONG et journalistes venus de Grèce, d’Allemagne, d’Espagne, d’Italie, de Belgique, des Pays-Bas mais aussi des pays extérieurs à la zone euro comme le Royaume-Uni et le Danemark ainsi que deux pays africains – le Sénégal et le Mali.

Soit « une belle démonstration d’internationalisme concret », écrit sur son blog Jean-Luc Mélenchon, qui avait précisé à la fête de l’Huma : « nous ne présentons pas un plan pour notre pays, pour la gauche, nous présentons un plan conforme à l’intérêt général de 450 millions de personnes qui habitent à l’intérieur de l’Europe ».

L’un des enjeux du sommet est en effet de démontrer qu’il est possible pour un parti, décidé à s’affranchir du cadre néolibéral européen, de mobiliser à l’échelle nationale, sans pour autant sombrer dans le "repli sur soi" nationaliste. Comme l’expliquait Éric Coquerel lors de l’université d’été du Front de gauche, « le Plan B et son sommet recoupent deux choses : la revendication de l’indépendance – oui le peuple a le droit de prendre des mesures unilatérales – et la dimension internationaliste. Il y a la question de la construction d’une alternative géopolitique internationale qui se pose »

L’euro : en sortir ou pas ?

Trois sujets seront abordés au cours de neuf tables rondes : "maîtriser la monnaie", "maîtriser les dettes publiques" et "maîtriser le commerce international". Si les deux derniers thèmes sont relativement consensuels, la gauche européenne s’accordant sur la nécessité de plus ou moins restructurer, voire d’effacer, la partie "illégitime" de la dette et de lutter contre les traités de libre échange comme le TAFTA, voire pour certains de rétablir des mesures protectionnistes, le premier thème est celui qui polarise le plus au sein de la gauche. Car si tout le monde admet qu’il est impératif de "rompre" avec les traités d’une monnaie devenue « l’instrument de la domination économique et politique de l’oligarchie européenne », le débat est loin d’être tranché quant à la possibilité de le faire tout en restant dans l’euro.

De fait, le terme de "Plan B" renvoie à des pistes bien différentes. Tel que le concevait Yanis Varoufakis lorsqu’il était ministre des Finances, celui-ci, que Tsipras avait rejeté juste après le référendum, « n’était pas de revenir à la drachme, mais d’instaurer une monnaie parallèle (virtuelle) libellée en euros, même avec les banques fermées, jusqu’à ce que la pression soit suffisamment forte sur Merkel » pour obtenir un bon accord, a-t-il répété lors de la Fête de l’Huma. Varoufakis l’a redit dans un entretien accordé à Ballast :

« Une fois que vous avez créé une union monétaire, vous ne pouvez plus revenir en arrière en empruntant le même chemin à l’envers, car ce chemin n’existe plus, le chemin qui nous a menés là a disparu. Retourner en arrière, c’est aller vers la dévaluation compétitive, risquer l’augmentation des tensions nationalistes, une fragmentation encore plus poussée de l’Europe ».

Bien que candidate en septembre sur les listes d’Unité populaire, le nouveau parti favorable à une sortie de l’euro (lire l’interview de Panayotis Lafazanis), Zoé Konstantopoulou est également très réservée sur cette question.

Au-delà des divergences, faire rupture

D’autres intervenants (dont l’auteure de cet article), convaincus de la vanité de toute tentative de réformer l’UE de l’intérieur, militent au contraire pour une sortie de l’euro. Pour eux, la préparation à cette sortie n’est ni une fin en soi, ni seulement une carte à jouer, une arme de dissuasion massive, dans le rapport de force face à la Troïka : il s’agit du préalable nécessaire pour restaurer à court terme la souveraineté populaire et mener des politiques progressistes et sociales.

C’est la position du fondateur de Die Linke Oskar Lafontaine, des économistes Frédéric Lordon et Cédric Durand (membre d’Ensemble !), mais aussi de l’eurodéputé grec Nikolaos Chountis, qui a rejoint Unité populaire, et de l’économiste et ex-député Syriza Costas Lapavitsas – également membre du parti des dissidents de Syriza. Et ces derniers n’ont pas attendu le jeu de massacre à Bruxelles, cet été, pour affirmer l’impossibilité à court terme de transformer par la négociation et l’argumentation rationnelle l’euro austéritaire en euro progressiste.

Si chacun est conscient de ces divergences, tout l’intérêt du sommet est précisément de ne pas s’y arrêter. En faisant plancher une table ronde sur les conditions de possibilité d’un plan A et l’autre table ronde sur l’élaboration d’un plan B au cas où ces conditions ne sont pas réunies, le sommet dépasse la binarité entre rester et sortir, et fait avancer la réflexion sur la mise en œuvre d’une véritable rupture. En diplomatie, cela s’appelle l’ambiguïté constructive.

Laura Raim

Journaliste au quotidien Le Figaro

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