15 septembre 2020
Mme Posca a souligné que le chiffre de 250 000 emplois équivalait précisément à l’estimation qu’avait fait l’IRIS plus tôt cette année, pour sortir le Québec de la crise économique et sanitaire. [1] D’après elle, l’estimation de l’IRIS n’aurait pas été tirée du ciel, mais plutôt aurait été calculée sur les bases des besoins de l’économie contrainte par la pandémie Covid-19, et des services à la population grugés par les gouvernements successifs. Posca a rappelé que les partis au pouvoir n’ont cessé de marteler la population avec leur credo d’ « équilibre budgétaire » pendant les deux dernières décennies, tout en éliminant plusieurs services et emplois du secteur public. [2]
Pour Québec solidaire, la création de 250 000 emplois dans le secteur public représente la revendication adoptée par les membres du parti réunie.es en CN virtuel le 12 septembre 2020. Pendant que quelques membres de l’aile parlementaire du parti reculent face à « l’audace » du chiffre, la majorité des membres reconnaissent que la position adoptée par le CN se fonde sur des bases réalistes.
La position de l’ IRIS (reprise par la Commission politique de QS et appuyée par les délégué.es au CN), repose sur un coût de 250 000 emplois pour une moyenne de 25 heures par semaine, à un salaire de 50 000$ par personne par année. La facture s’élève à 12,5 M de dollars par année.
Les revenus annuels du budget du Québec s’élèvent autour de 122 M de dollars sur un PIB de 460 M de dollars par année. (À la veille du confinement, le gouvernement se vantait d’un surplus de 2,7 milliard de dollars, et entrevoyait des investissements pour l’année de 15.1 M dans l’infrastructure – d’un plan de 130,5 M sur 10 ans.)
Non seulement l’auteur avait fourni une liste d’activités où ces travailleuses et travailleurs pouvaient être pleinement occupé.es, la position de l’IRIS dans un Billet du 24 mars était (et reste) pleinement réaliste et défendable. De plus, la justification financière des dépenses dans le secteur public était déjà disponible, grâce aux économistes mainstream, néolibéraux.
Or, l’économiste en chef de l’Industrielle Alliance, Clément Gignac, avait démontré que si on stoppait l’ensemble de l’économie canadienne, on allait se rendre à 10 millions de chômeurs/euses et ça allait coûter de 40 à 60 milliards de dollars par mois, environ (pour le Canada), de leur verser des prestations d’assurance-emploi. On peut facilement voir que le Québec se retrouverait avec un cinquième environ de cette facture, donc facilement quelque 12 milliards de dollars, par mois. [3]
À la lumière de ce calcul, il coûterait beaucoup plus cher de payer la population à ne pas travailler, avec une facture de 100 à 130 milliards par année, que de les employer dans le secteur public, au prix de 12,5 milliards par année, et ainsi générer beaucoup plus de revenus aux particuliers, générer plus de consommation, et d’augmentation des revenus d’impôts, ce qui génère la création d’autres emplois.
Portrait des emplois du secteur public pendant la pandémie : Québec avril-aout 2020 [4]
Un instantané de l’emploi par catégories de travailleur (secteur) pour les cinq mois du confinement Covid-19 montre que l’emploi total au Québec s’est rétabli dans une certaine mesure, quoique lentement. Plus de 740 000 emplois ont été récupérés entre avril et août 2020.
Cependant, on constate aussi que, dans le secteur public, la reprise a faibli au cours des mois d’été. Le graphique G.1 et le tableau T.1 montrent que seuls 40 500 emplois ont été créés (ou retrouvés) dans le secteur public au cours de la période, tandis que pour la même période, plus de 700 000 sont venus ou sont revenus dans le secteur privé. On peut également supposer que ces emplois, qui sont comptés là où une personne « a effectué un travail quelconque » - c’est-à-dire même pendant quelques heures. Nous savons que bon nombre de ces personnes occupaient des « McJobs » - emplois précaires, peu rémunérés et mal rémunérés dans le secteur des industries de service.
Il ressort des données que le travail autonome, dans toutes les catégories y compris les entreprises collectives et sociales, ne s’est pas rétabli ; au contraire, la plupart des catégories d’emplois autonomes ont stagné et diminué, mois après mois.
En ce qui concerne la part des secteurs d’emplois (catégories de travailleurs), au cours des cinq mois d’avril à août, la part des emplois du secteur public est passée de 22 à 19%, tandis que la part du secteur privé est passée de 52 à près de 59% des emplois (en pourcentage des personnes employées, quelle que soit leur durée hebdomadaire). Il est également clair que le travail indépendant n’a pas représenté une opportunité pour la plupart des travailleurs ; les parts dans toutes les catégories de travail indépendant et des collectivités ont diminué en pourcentage de l’ensemble du secteur de l’emploi des travailleurs.
Bien qu’aucun sondage d’opinion populaire n’ait été publié au Québec à ce jour, au Canada l’Institut Broadbent a publié le 15 septembre une étude indiquant qu’une nette majorité de la population s’attend à des politiques dramatiques de la part du gouvernement. [5] Un total de 65% des personnes interrogées pensent « que la pandémie a mis en évidence des problèmes liés à la gestion de l’économie et que des politiques sociales dans le pays et des changements majeurs sont nécessaires pour garantir que ces problèmes ne se reproduisent plus en cas de nouvelle crise comme la pandémie du COVID-19. » La plupart croient que la pandémie a eu des effets négatifs sur de nombreux aspects de la vie, y compris la disponibilité d’emplois bien rémunérés, la capacité de se préparer à la retraite, l’ accessibilité au logement et l’inégalité de richesse et de revenus au Canada.
Au Québec, la Fédération des Chambres de commerce a vite déclaré que ses membres vont « continuer de compter sur l’aide des gouvernements du Québec et du Canada ». [6]
Quant à la gauche, QS se retrouve devant l’opportunité de se démarquer parmi les partis politiques, et de « faire de la politique autrement ». À l’instar de ses membres, qui ont manifesté leur souhait d’une relance solidaire, juste et inclusive, QS doit se montrer résolu. Il doit exiger sans relâche du gouvernement de la CAQ qu’il crée des emplois dans le secteur public, retourne aux Québécois.es les 250 000 emplois, dès maintenant et rebâtisse les services à la population. QS doit préciser son engagement inébranlable envers les travailleuses et travailleurs qu’un gouvernement solidaire mettra en œuvre, un programme de création d’emplois et de services publics, dès son arrivée au pouvoir.
Patricia Alexander est économiste, et membre de Québec solidaire Mont-Royal—Outremont
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