14 octobre 2022 | tiré de Canadian Dimension
C’est un jeu de mots sur la MINUSTAH - Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti - une mission de maintien de la paix, imposée à la nation des Caraïbes entre 2004 et 2017. Aujourd’hui, le Premier ministre Ariel Henry, dont le gouvernement a été l’objet de protestations généralisées ces dernières semaines, a appelé à une nouvelle mission militaire de l’ONU pour protéger son régime illégitime.
Au milieu de violentes protestations contre l’inflation et contre la violence, des manifestant.e.s sont marché à deux reprises depuis septembre sur l’ambassade du Canada à Port-au-Prince. Même loin de la capitale, un militant interviewé dans la commune côtière de Petit-Goâve a déclaré à un journaliste que les Haïtien.ne.s refusent de continuer à vivre sous un « système impérialiste et colonialiste » imposé par les États-Unis, la France, le Canada, l’ONU et le « Core Group » (composé d’ambassadeurs d’Allemagne, du Brésil, du Canada, d’Espagne, des États-Unis, de France, de l’Union européenne et de représentant.e.s des Nations Unies et de l’Organisation des États américains).
À Port-au-Prince la semaine dernière, un manifestant portait une grande croix en bois portant des pancartes sur lesquelles étaient écrits le mots « États-Unis », « France » et « Canada ». Des scènes similaires ont été capturées il y a trois semaines lorsque des manifestant.e.s à Aux Cayes ont défilé portant un cercueil drapé des drapeaux de ce trois nations occidentales, accompagné d’une photo d’Henry. Un autre message circulant en ligne montre l’image de chiens sauvages - l’un étiqueté avec un drapeau canadien - dévorant un agneau identifié avec le standard bicolore d’Haïti.
Cette révolte contre le gouvernement corrompu d’Henry n’est que la dernière d’une série de mouvements qui remontent à plusieurs années. Il y a plusieurs mois, le 18 mai, des dizaines de personnes ont manifesté devant l’ambassade du Canada à Port-au-Prince. Un manifestant a frappé à plusieurs reprises un rocher sur les portes. Au début de 2021, des manifestant.e.s se sont rassemblé.e.s devant l’ambassade en scandant « Canada, rentrez chez vous ». En octobre 2019, des cocktails Molotov ont été lancés sur le représentant diplomatique du Canada dans le pays, tandis qu’un pneu a été incendié devant le bâtiment. Un rapport de Voice of America a affirmé que les manifestant.e.s « ont tenté d’incendier l’ambassade du Canada ». Quelques jours plus tôt, des pierres avaient été lancées sur cet avant-poste diplomatique du Canada.
A travers Haïti des manifestant.e.s dénoncent régulièrement l’impérialisme canadien. Le documentaire de 2019 Haiti Betrayed, qui révèle comment le Canada a conspiré avec les États-Unis et la France en 2004 pour renverser le gouvernement démocratiquement élu de Jean-Bertrand Aristide, comprend d’innombrables scènes d’Haïtien.ne.s qui expriment leur opposition indignée et émotionnelle au rôle d’Ottawa dans le pays. « Nous n’avons rien contre le Canada ! Pourquoi êtes-vous contre nous ? » crie un homme dans le film.
Après que l’Uruguay a annoncé qu’il retirait ses 950 soldats de la MINUSTAH en 2013, le sénateur haïtien Moïse Jean Charles a pris pour cible les pays qu’il considérait comme les plus responsables de l’atteinte à la souveraineté haïtienne. Jean-Charles, la figure de l’opposition la plus soutenue d’Haïti selon un sondage de 2019, a déclaré : « Le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay ne sont pas les véritables occupants d’Haïti. Les véritables forces derrière l’occupation militaire d’Haïti - les puissances qui y mettent tout le monde - sont les États-Unis, la France et le Canada. Ils se sont entendus lors du coup d’État du 29 février 2004 contre le président [Jean-Bertrand] Aristide. C’est alors qu’ils ont commencé à piétiner la souveraineté haïtienne. » Jean-Charles a ajouté : « Nous demandons aux Américain.e.s, aux Français.es et aux Canadien.ne.s de venir chercher leur coursier, car il ne peut plus diriger le pays ».
Quelques jours après que l’auteur de ses lignes, lors d’une conférence de presse sur Haïti en juin 2005, a versé du faux sang sur les mains du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Pierre Pettigrew, et que j’ai crié « Pettigrew ment, les Haïtien.ne.s meurent », Aristide a été interrogé sur l’incident. Il a dit que le gouvernement canadien avait du « sang haïtien sur les mains ». Le président déchu a ajouté que « le coup d’État, ou l’enlèvement, a été dirigé par les États-Unis, la France et le Canada. Ces trois pays étaient en première ligne en envoyant leurs soldats en Haïti avant le 29 février, en ayant leurs soldats soit à l’aéroport soit à ma résidence, soit autour du palais soit dans la capitale pour s’assurer qu’ils réussiraient à m’enlever, menant au coup d’État. »
De leur côté, les hebdomadaires de gauche Haïti Progrès et Haïti Liberté ont qualifié le Canada de « force occupante » et de « putschiste » « impérialiste ». Dans un numéro d’Haïti Liberté la première page portait une photo de l’ancien président René Préval aux côtés du premier ministre d’alors Stephen Harper et de deux soldats canadiens. Écrit sous l’image était : « Préval sous la surveillance des forces d’occupation ».
Les Haïtien.ne.s ont raison d’être en colère contre le Canada. Au cours des deux dernières décennies seulement, le Canada a aidé à déstabiliser le gouvernement élu d’Haïti, a planifié un coup d’État, et a participé à une invasion pour renverser le président élu.
Ottawa a également formé et financé une force de police hautement répressive, permettant toute une série d’arrestations et de meurtres à motivation politique.
Le Canada a également soutenu l’exclusion du parti le plus populaire d’Haïti de la participation à plusieurs élections et a aidé à truquer une élection.
À la suite d’un tremblement de terre dévastateur en 2010, le Canada a envoyé des troupes pour contrôler le pays et a ensuite soutenu un président répressif, corrompu et illégitime face à des manifestations massives.
De plus, Ottawa fait partie d’une coalition de représentant.e.s étrangers et étrangères qui dictent ouvertement aux dirigeant.e.s haïtien.ne.s. À présent le Canada est à la tête d’une poussée diplomatique pour une nouvelle intervention militaire étrangère.
Les Haïtiens et les Haïtiennes ont parfaitement raison ne pas nous aimer à cause de ce que nous avons fait contre eux et elles.
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