J’ai lu avec intérêt votre texte intitulé : « Du temps pour niaiser, le Conseil du trésor en a beaucoup, depuis le début des négociations avec les enseignants » publié le 12 février 2021 à 6h00 sur le site de La Presse.
Vous avez absolument raison de mentionner que les négociations dans les secteurs public et parapublic « traînent depuis novembre 2019. Plus d’une année à prolonger le déplaisir. »
Vous nous prévenez que vous « (hésitez) habituellement à commenter les négos » en raison du fait que vous n’êtes « pas à la table » et vous ajoutez avec une franchise qui vous honore que vous « ne (comprenez) pas le débat technique. » Mais, pour la présente ronde de négociation, vous évaluez que « c’est différent ». Il vous faut intervenir et commenter ce qui se passe à la table de négociation des enseignantEs de l’élémentaire et du secondaire affiliéEs à la CSQ. Pourquoi ? Vous y répondez comme suit :
-* « Ce qui est en cause, c’est la parole de la Coalition avenir Québec (CAQ) et la valorisation du métier d’enseignant.
- Dans l’opposition, la CAQ s’inquiétait de la pénurie de profs et de leurs conditions de travail difficiles. Elle promettait d’éliminer les six premiers échelons salariaux. Dès la première année de travail, le salaire serait passé à plus de 53 000 $.
- Or, cette promesse a été rompue. L’offre patronale est de 4000 $ de moins que prévu.
- En campagne, la CAQ s’engageait aussi à établir un ratio maximal d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. Les syndicats le réclament à leur tour. La réponse des négociateurs : niet.
- Vrai, cela exigerait plus de locaux et d’enseignants alors qu’il en manque. Mais pourquoi l’avoir promis alors ? Et si la mesure est inapplicable, pourquoi ne pas trouver une autre façon d’alléger leur tâche ? Parce qu’au-delà des tactiques de négociations, un fait est indéniable : les jeunes en difficulté deviennent plus nombreux. Cela alourdit le travail des enseignants, et des élèves en souffrent.
- L’enjeu dépasse le conflit syndical-patronal. Il porte sur la qualité de l’enseignement.
- Je ne dis pas que les syndicats ont raison sur toute la ligne. J’avance que les conditions de travail des profs doivent être vite améliorées. »
Je partage votre évaluation critique que vous constatez entre la grande différence entre les promesses de la CAQ faites aux artisanNEs de l’éducation et les offres du gouvernement Legault présentées à la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ). L’écart est en effet béant. Là où je m’interroge sur l’intérêt de votre analyse c’est quand vous écrivez : "Je ne dis pas que les syndicats ont raison sur toute la ligne." Dites-moi monsieur Journet, quelle est la pertinence de cette phrase qui, que vous le vouliez ou non, mine la position syndicale ? J’y vois pour ma part une assertion qui sert de justification à ce qui est affirmé par la suite et qui correspond à ce qu’il y a de plus éculé quand il est question des négociations dans les secteurs public et parapublic. À ce sujet vous écrivez :
« Les négociations avec le secteur public ressemblent à un mauvais western. Les vis-à-vis se défient du regard au loin. Ils savent qu’ils finiront par trouver un terrain d’entente à mi-chemin. Mais ils s’y rendent en se traînant les pieds, les mains dans les poches, en jouant les durs.
Et cette fois, c’est pire. On dirait que la machine à négociations a pris le contrôle. Elle revient avec des demandes qui, pour la plupart, avaient été présentées il y a cinq ans sous le gouvernement libéral. Elle oublie qu’elle est au service d’un gouvernement élu avec un programme différent. »
Quel mal y a-t-il à revenir à la charge avec certaines demandes ? Il me semble que tant et aussi longtemps que certains problèmes ne sont pas réglés, il y a lieu de mettre de l’avant des revendications susceptibles de résoudre ces problèmes qui ne cessent de persister dans le temps. Je pense ici plus particulièrement à certaines revendications qui reviennent infatigablement d’une négociation à l’autre sans égard pour la coloration politique des gouvernements : le nombre d’élèves par groupes, l’intégration des élèves en difficulté dans les groupes normaux et à leur encadrement, la condition et le sort qui est réservé aux enseignantEs à statut précaire (il s’agit ici d’un enjeu qui revient de manière récurrente depuis 1979), etc..
Vous savez la question de l’équité salariale ne s’est pas réglée lors d’une seule ronde de négociation et j’ajoute que cette demande syndicale ne figurait pas nécessairement dans le programme de certains partis politiques qui ont par la suite exercé le pouvoir. Alors, depuis quand les demandes syndicales doivent-elles s’ajuster aux priorités d’un parti politique ou d’un gouvernement qui a en tête son programme électoral (qu’il veut ou non appliquer) et la prochaine campagne électorale ?
Vous affirmez, sans preuve à l’appui, ceci :
« Les vis-à-vis se défient du regard au loin. Ils savent qu’ils finiront par trouver un terrain d’entente à mi-chemin. Mais ils s’y rendent en se traînant les pieds, les mains dans les poches, en jouant les durs. Et cette fois, c’est pire. On dirait que la machine à négociations a pris le contrôle. »
Vraiment ? Pour ma part je trouve que c’est plutôt la partie gouvernementale qui se « traîne les pieds » dans la présente ronde de négociation. Au sujet de la présente ronde de négociation, vous observez ceci :
« En mars, au début de la pandémie, François Legault réclamait un blitz de négociation. Il voulait que le conflit se règle avant le difficile retour en classe en pleine crise sanitaire.
On croyait que le message avait été entendu. Après tout, il est premier ministre… Mais le dossier a avancé à son habituelle vitesse géologique. »
Qui fait avancer la négociation à sa « vitesse géologique » ? Et sur quels faits historiques vous appuyez-vous pour affirmer sans ambages « le dossier a avancé à son habituelle vitesse géologique. » « Habituelle vitesse géologique » ? Saviez-vous qu’il est déjà arrivé qu’une ronde de négociation se soit déroulée en trois mois (ici je pense à la ronde de négociation de 1995) ?
En terminant, j’aimerais apporter la précision suivante, nous sommes en présence d’une négociation qui se déroule entre deux parties de force inégale. Il y en a une qui contrôle les règles du jeu ainsi que le calendrier. Une partie qui a plus de pouvoir que l’autre. Deviner laquelle ?
Ceci étant dit, il est réellement temps que la négociation débloque. Cela fera bientôt un an que les « anges gardiennes » et les « anges gardiens » qui dispensent des services essentiels en tout temps, pandémie ou non, n’ont pas vu leur condition de travail améliorer et leur salaire augmenter. Le gouvernement Legault prépare-t-il un mauvais coup à ses salariéEs syndiquéEs comme cela s’est déjà produit dans le passé avec le gouvernement Lévesque en 1982, le gouvernement Charest en 2003 à 2005 et le gouvernement Couillard en 2015 ?
Yvan Perrier
13 février 2021
11h
yvan_perrier@hotmail.com
Ajout…
"Je ne dis pas que les syndicats ont raison sur toute la ligne." Paul Journet. Quelle est la pertinence de cette phrase sans intérêt dans le texte de Paul Journet ? Incroyable, le quotidien La Presse ne couvre même pas ce sujet d’actualité. Il y a en effet belle lurette que le journal de la rue Saint-Jacques ne nous a pas livré un texte sur la négociation des enseignantEs avec le gouvernement. Enfin, un début de réflexion sur le sujet. Mieux, Journet a raison d’identifier les promesses mensongères de Legault comme étant en cause dans le présent imbroglio qui traîne en longueur inutilement. Mais, selon moi, là où l’analyse de Journet est en porte-à-faux, c’est quand il nous expose son point de vue subjectif sur les négociations ("un mauvais western" etc.)... il y a là-dedans des préjugés éculés. Dommage. Attristant même.
13 février 2021
12h30
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