Comme on a pu le constater récemment dans différentes situations au Québec et dans le reste de l’Amérique, les sondages sont de plus en plus utilisés par différents acteurs politiques ou économiques, pour justifier l’action ou conforter l’inaction dans différents domaines.
Prenons l’exemple des déclarations du premier ministre du Québec, il y a quelques mois, à l’effet que, selon les sondages, la majorité des québécois appuient son gouvernement et ses politiques, malgré les nombreuses critiques sur ses politiques environnementales. Celui-ci s’est même permis de citer les appuis reçus sur sa page Facebook pour justifier sa décision de baisser les seuils d’immigration, alors que tout le monde sait bien que des modérateurs filtrent en temps réel les commentaires qui seront publiés.
Un autre exemple de l’utilisation des sondages à des fins de contrôle politique est celui de la course à l’investiture démocrate aux États-Unis. Les primaires étaient alors le terrain de chaudes luttes entre le camp de Bernie Sanders et ceux des autres candidats, dont Joe Biden. Les sondages ont été utilisés sans réserve tant par le camp Sanders, qui en présentait les extraits les plus avantageux, que par ses adversaires qui ne choisissaient également que les données leur étant favorables. Au final, il est extrêmement difficile d’avoir un portrait fiable et scientifique de l’opinion des électeurs, étant donné l’utilisation de données partielles à des fins partisannes.
L’industrie du sondage s’oppose historiquement à toute forme de réglementation en soutenant qu’elle défend le droit à l’information. Mais, qu’en est-il justement de la qualité de cette information, dans le contexte de l’augmentation fulgurante de l’utilisation médias sociaux et de l’absence de norme de contrôle ? Peut-on réellement se fier à l’industrie du sondage pour offrir une garantie de la qualité scientifique de l’information qu’elle diffuse ? Nous croyons qu’il est de plus en plus difficile de répondre par l’affirmative à ces questions.
Voilà pourquoi il apparaît aujourd’hui essentiel de mettre en place des normes de contrôle de l’industrie du sondage pour assurer que les informations qui en émanent ne puissent être assimilées à des fake news. Il faut notamment rendre obligatoire la divulgation des commanditaires de chacune des enquêtes. Cette information est nécessaire dans un contexte de manipulation politique de plus en plus intense. Si on sait qu’un sondage a été commandité par le parti X, on sera en mesure de nuancer les communications politiques émanant de ce même parti à propos de ce sondage et corolairement les communications des partis adverses sur ladite enquête ! On sera du même coup en mesure d’apprécier différemment les résultats d’enquêtes commandées par une industrie particulière sur un enjeu sociétal, comme cela pourrait être le cas pour les enjeux reliés aux pipelines actuellement.
Les sondages sont-ils assimilables à des fake news ou à des informations scientifiques ? Au Collectif RISQ nous croyons être en droit de poser la question. Seules des normes et une réglementation gouvernementale stricte de l’industrie du sondage quant aux enjeux éthiques et méthodologiques pourra nous assurer de la valeur scientifique des enquêtes qu’elle produit.
Serge Leclerc
Sandra Cordero
François Brosseau
Sébastien Rivard
Pour le Collectif pour la réglementation de l’industrie du sondage au Québec
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