Édition du 17 décembre 2024

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Politique canadienne

Les prétentions du Canada par rapport à Kyoto ne tiennent pas la route

Hier après-midi, mes collègues et moi étions en train d’essayer de comprendre les résultats de la conférence de Durban, en Afrique du Sud, sur le changement climatique. Était-ce un exercice de duperie ou alors y avait-il une lueur d’espoir ?

13 décembre 2011

Tiré de : http://www.pembina.org/blog/599

traduction : Shelly D’Cruz

Mais avant de répondre complètement à ces questions, une brève nous a appris que le Canada se retirait officiellement du Protocole de Kyoto. Juste quelques heures avant de prendre l’avion de Durban, le ministre de l’Environnement a fait une déclaration annonçant que le Canada ne serait plus un État qui serait partie prenante de l’unique traité sur le changement climatique.

Ce n’était pas particulièrement surprenant d’entendre que le Canada se retirait. Les douloureux efforts du Ministre Kent de ne pas confirmer ou infirmer les rumeurs sur les intentions du Canada ont parfaitement démontré quelles étaient ses intentions. Ce n’était pas non plus quelque chose de nouveau d’apprendre que le Canada allait manquer à son engagement au protocole de Kyoto de réduire ses émissions de gaz de manière drastique : le manque absolu d’efforts de la part des gouvernements libéral et conservateur n’a laissé aucune chance au pays de respecter ses obligations.

Ce qui était surprenant, c’était la tentative du ministre de faire passer ce retrait comme une chose positive pour l’économie canadienne. Bien que les mesures de lutte contre le changement climatique viennent avec des coûts, ils sont tout à fait gérables. Le coût de l’inaction - au Canada- et à l’échelle de la planète - ne l’est pas.

La déclaration d’hier correspond à une longue tradition d’inaction du gouvernement fédéral au sujet du changement climatique qui ne peut se justifier que par l’ignorance des conséquences de l’inaction. Voici un bref aperçu de ces conséquences que le gouvernement ignore actuellement dans ses calculs.

Les conséquences du retard

Depuis plusieurs années, la sérieuse Agence Internationale de l’Énergie nous avertit des hauts risques causés le report dans l’adoption de mesures contre le réchauffement climatique. En 2010, ils ont trouvé que le manque d’ambition des pays ayant ratifié les Accords de Copenhague et de Cancún allait augmenter le coût global de l’objectif de rester en dessous les limites de 2°C de 1 milliard pour la période s’étendant de 2010 à 2030. Et ce, en comparaison à un scénario où de fortes mesures auraient été prises plus tôt. Cette année, ils ont calculé le coût du maintien d’infrastructures inefficaces dans le secteur énergétique et ils ont trouvé que : « Retarder la mise en oeuvre de mesures est une fausse économie : pour chaque dollar non investi avant 2020, 4,3 dollars seront nécessaires après 2020 pour compenser l’augmentation des émissions de CO2."

Au Canada, la table ronde sur l’Environnement et l’Économie a démontré qu’il était nettement avantageux pour le Canada de prendre des mesures avant que le rapport d’études américain de A.C.D. Howe en tire ces mêmes conclusions.

Nous savons bien que plusieurs juridictions ne seront pas satisfaites avec les manquements du Canada à contribuer de façon équitable. Cette frustration est mise en évidence par les efforts de l’Union européenne qui resserre la vis contre les émissions de gaz des voitures ou de l’aviation internationale. Une récente manifestation aux États-Unis a réussi à retarder le projet de construction d’un pipeline proposé par Keystone XL. Ce succès s’explique par les inquiétudes suscitées par les émissions à effet de serre des sables bitumineux au Canada. Bien que ces efforts et ces frustrations ne soient pas dirigés exclusivement contre le Canada, nous y serons de plus en plus exposés si nous ne faisons pas notre part.

Si nous échouons à agir et que nous ne laissons pas d’autres choix aux autres pays que d’implanter des règlements sur mesure pour le Canada, nous ne pouvons exiger de ces pays de comprendre nos besoins et défis propres. Il est probable que cela coûtera plus aux entreprises canadiennes. Il signifiera un accès au marché réduit et projettera de l’incertitude. Rien de cela n’est bon pour le commerce. Et, il est choquant que nous soyons prêts à accepter ces types de risques quand la solution du « fabriqué au Canada » pourrait nous procurer les mêmes bénéfices environnementaux sans mettre en péril notre économie. Par exemple, nous pourrions instaurer un prix national sur les émissions de CO2, perspective que le secteur manufacturier appelle de ses vœux.

Les conséquences des changements climatiques

Le monde demeure sur le chemin d’un réchauffement climatique de plus de 3°C. Si ce scénario se concrétise, les sécheresses et la désertification, les inondations côtières, les tempêtes et les incendies de forêt ne seront que des exemples des impacts possibles. Ceux-ci s’intensifieront au cours des prochaines décennies. Toutes ces répercussions auront un coût pour l’économie et l’environnement de la planète. Pour le Canada, la Table ronde nationale pour l’Environnement et l’Économie a estimé, récemment, que ces impacts pourraient engloutir 25 % de la richesse du pays.

Les coûts peuvent demeurer gérables, mais seulement si nous prenons le chemin d’éviter le réchauffement de la planète de 2°C. Et nous ne pouvons suivre ce chemin et éviter ce réchauffement de 2ºC uniquement si nous prenons des mesures collectives et globales pour réduire nos émissions. L’accord fragile de Durban offre une des rares solutions pour atteindre un tel effort collectif, vu l’importance du renouvellement du Protocole de Kyoto dans les négociations de Durban ( particulièrement pour les pays les plus vulnérables du monde). Les actions prises pour le compromettre ne seront pas reçues favorablement.

Comme l’a dit l’un des négociateurs en chef de Tuvalu à Reuters : « pour un pays vulnérable comme Tuvaly, c’est un acte de sabotage pour notre futur. Le retrait du Protocole de Kyoto est imprudent et un acte totalement irresponsable. » Même l’une des responsables climatiques des Nations-Unis, Christiana Figueres condamne la position du Canada en disant dans le Guardian : « Je suis désolée du retrait canadien et je suis surprise par le moment choisi...Le Canada a une obligation morale envers lui-même et les futures générations de prendre part à cet effort mondial. »

Bien que le Canada ne va pas mettre en péril un accord international, rejeter aussi platement Kyoto affectera les perspectives générales pour un accord et la chance d’éviter les pires répercussions dues au changement climatique.

Quand vous enlevez les oeillères et que vous considérez les conséquences du retard, les coûts des règlements climatiques imposés au Canada et les coûts des conséquences du changement climatique augmenteront tous tant que se poursuivra l’inaction par rapport au réchauffement climatique. La position du gouvernement est encore plus incompréhensible en termes économiques. Pour un gouvernement qui a fait sa réputation sur la gestion de l’économie, cet aveuglement est particulièrement troublant.

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