Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Au nom des générations futures

Lorsque les « lupides »* parlent au nom des générations futures, ce qu’ils évoquent c’est l’urgence de la lutte au déficit et de la réduction de la dette. [1] Les avez-vous déjà entendu parler de l’importance vitale pour les générations futures de maintenir notre système de santé publique universel ? Au contraire, lorsqu’ils abordent ce sujet, c’est plutôt pour dire que l’État n’a plus les moyens d’offrir un système universel pour tous.

Quand ont-ils réclamé un plus grand contrôle des profits faramineux des industries pharmaceutiques ? C’est pourtant ces profits scandaleux qui grèvent de façon importante notre système de santé !

Quand ont-ils prôné un système universel d’assurance-médicaments ? Actuellement, le système d’assurance-médicaments fonctionne ainsi : ce qui est plus rentable, c’est-à-dire les assurances des personnes de moins de 60 ans c’est réservé au privé. Ce qui est plus coûteux, les assurances des personnes 60 ans et plus, c’est assumé par nous tous grâce à nos impôts.

Concernant notre système d’éducation, ces lupides sont les premiers à réclamer une hausse des frais de scolarité. Évidemment ils vont toujours souligner que les frais de scolarité sont plus élevés ailleurs au Canada, aux États-Unis... Curieusement ils ne mentionnent jamais des pays où les frais de scolarité sont soit plus bas qu’ici, soit gratuits. Tout à coup, c’est comme si ces pays étaient disparus de la carte. Ils vont même jusqu’à utiliser l’argument fallacieux que des frais de scolarité gratuits pour tous, ce n’est pas juste pour les pauvres car les riches pourraient payer davantage. Tiens tout à coup, ils se préoccupent des pauvres...! Ils oublient alors de mentionner qu’un système fiscal progressif pourrait équilibrer tout ça.

En ce qui a trait à notre principale source d’énergie : Hydro-Québec qui rapporte des milliards de profits à notre gouvernement, ils ne se gênent même plus pour parler de sa privatisation Oh ! Seulement 10% ! Ils ne faut surtout pas faire peur au monde. Une fois le pied mis dans la porte, il sera facile d’augmenter le % de privatisation sans que ça paraisse trop... D’ici là, bien sûr, ils réclament des hausses de tarifs qui évidemment frappent de plein fouet les gens à faibles et moyens revenus. Plus les tarifs seront élevés quand ils prendront possession de cette ressource vitale des Québécois, plus leurs profits seront juteux. Ainsi ils pourront attendre un petit laps de temps avant de proposer d’autres augmentations.

Ont-ils proclamé l’urgence de développer les énergies renouvelables comme l’éolienne, la géothermie ? réclamé des mesures pour contrer le réchauffement climatique ? S’il y a une urgence c’est bien celle-là !

Dans les derniers mois ont-ils joint leurs voix au peuple du Québec sur la nécessité d’une hausse des redevances de nos ressources minières ? Ont-ils invité les gens au nom des générations futures à restreindre leur consommation afin de protéger les ressources non-renouvelables (minières, gazières, forestières, halieutiques, etc) ?

Quand dénoncent-ils les inégalités [2] dans notre société, et insistent-ils sur un système d’impôt progressif pour les réduire ? Au contraire, ce qu’ils exigent sur toutes les tribunes, ce sont des baisses d’impôt en laissant croire que tous vont en profiter. Évidemment ils sont très silencieux sur les riches bénéficiaires qui empochent les gains... Selon leur logique, il faut croire que c’est bon pour les générations futures un monde où règne une minorité de super-riches et des millions de gens qui en arrachent. Curieusement ce sont ces mêmes personnes qui disent que l’État n’a plus les moyens d’offrir des services publics universels.

Et sur l’abolition des paradis fiscaux ? Quelles sont leurs exigences ? S’il y a une injustice criante sur cette terre c’est bien celle-là. La lutte à la pauvreté ne pourra jamais être efficace sans l’anéantissement de ces trous noirs ou disparaît l’argent dont nos gouvernements ont besoin pour gouverner en fonction du bien commun. Tant que ces trous noirs existeront l’avenir des générations futures sera bien gris.

Il faut vraiment être d’un cynisme éhonté pour tenir un discours qui cherche à convaincre les jeunes que leur avenir sera mieux assuré avec plus de soins privés en santé, des hausses de tarifs de tout genre dont les frais de scolarité, et bien sûr tout ça couronné de baisses d’impôts pour les oligarques et leurs entreprises....

Ce que les solidaires réclament au nom des générations futures, c’est clair :

  • système de santé public universel
  • une assurance-maladie universelle pour tous
  • système d’éducation gratuit pour tous incluant l’université
  • le développement du plein potentiel des énergies renouvelables et
    que les Québécois soient les propriétaires de ces ressources
  • que les Québécois bénéficient au moins de 51% des ressources minières et pétrolières qui nous appartiennent.
  • que les produits soient faits de manière à durer longtemps afin de protéger les ressources
  • que tous les emballages de produits soient recyclables et recyclés
  • un système fiscal progressif équivalent au moins à ce qu’il y avait dans les années 70.
  • l’urgence de faire pression sur les gouvernements du G20 pour la criminalisation de tous les paradis fiscaux avec blocus économique des pays qui refusent de se conformer. Le G20 a ce pouvoir, mais ne l’exerce pas. Seule une forte pression publique des peuples les fera bouger.

Quand les lupides réclameront toutes ces mesures au nom des générations futures, là je les prendrai au sérieux sur l’urgence d’une réduction rapide de la dette. Pas avant. La vérité : l’intérêt des banksters** leur importe bien plus que celui des générations futures.

Quand des jeunes plein de bonne foi, répètent le discours des lupides sur la dette, sur les frais de scolarité en croyant défendre le bien-être futur, le cœur me fait mal. Évidemment ils répètent les arguments des médias de Desmarais, de Péladeau, et de l’Institut économique de Montréal. Ces haut-parleurs de droite, à force de marteler toujours les mêmes faux arguments réussissent à emberlificoter bien des gens honnêtes.

De grâce si vous êtes en contact avec un de ces jeunes qui croit au discours des lupides, invitez-le à lire ce petit texte. C’est à eux que je pense en l’écrivant. Il leur donnera peut-être le goût de s’informer davantage à d’autres sources moins toxiques. Avec plus d’information, ils seront plus à même de choisir un gouvernement qui prendra de réelles mesures en vue d’assurer leur futur et celui de leurs enfants.

* lupides = soi-disant lucides + cupides

** banksters = banquiers + gansters.


[1Bien sûr un budget équilibré est sain autant pour une nation que pour une famille. Toutefois, leur cri d’alarme pour la dette publique est carrément exagéré comme le démontre éloquemment Louis Gill. http://classiques.uqac.ca/contemporains/gill_louis/rembourser_dette_publique/rembourser_dette_pub.html

[2Ces inégalités sont devenues tellement criantes partout dans le monde, que même l’OCDE, (organisation de coopération et de développement économique) qui n’est pourtant pas réputée comme un organisme de gauche, vient de produire, début décembre, un rapport sur le sujet et préconise un système fiscal plus juste. http://www.oecd.org/document/35/0,3746,fr_21571361_44315115_49175587_1_1_1_1,00.html
http://www.oecd.org/document/10/0,3746,fr_2649_33933_49147850_1_1_1_1,00.html

Mots-clés : Québec
Françoise Breault

Après une carrière en enseignement, dont un an avec les Échanges France-Québec, j’ai poursuivi en travail social auprès des familles. Vers l’âge de cinq ans, je me demandais pourquoi il y avait des pauvres et ce que je pouvais faire. Sans en prendre pleinement conscience, cette interrogation m’a habité toute ma vie. Une année en Amérique du Sud ne m’avait toujours pas apporté de réponse. Cela m’a pris du temps à voir clair... Maintenant que la lumière est allumée, je ne peux et ne veux la refermer... Tous les faits, toutes mes lectures me confirment comment le système économique actuel contribue à ce fossé grandissant entre riches et pauvres. Me voici maintenant à ma 3e carrière, celle où je peux mettre tout mon temps et énergie à sensibiliser les gens aux graves enjeux d’aujourd’hui, afin de vivre dans un monde plus juste... « mais nous, nous serons morts mon frère... ».

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