Du côté de Québec, si le gouvernement caquiste de François Legault n’a apporté aucune amélioration au régime de retraite provincial, il vient quand même d’envoyer des chèques dont le montant s’échelonne de $400 à $600 pour compenser la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs et consommatrices dus à une inflation galopante, sans toutefois tenir compte des différences considérables de revenus liés à la classe sociale. Tout le monde y a droit, même ceux et celles qui n’en n’ont pas besoin. Cette mesure n’est pas récurrente.
Il faut dire que l’inflation a beaucoup contribué à gonfler les revenus gouvernementaux, ce qui explique en partie l’apparente "générosité" libérale et (un peu) caquiste. Cette orientation ne durera sans doute plus très longtemps, vu que le gouverneur de la Banque du Canada hausse son taux directeur pour diminuer la vague inflationniste, ce qui entraînera une modeste (paraît-il) récession en 2023.
Cette réorientation budgétaire des gouvernements en place contraste avec l’austérité conservatrice de Stephen Harper à Ottawa (2008-2015) et libérale à Québec (Charest 2003-2012 et Couillard 2014-2018). Ces dépenses accrues ont entraîné un certain déficit des finances fédérales mais par contre a sûrement évité une débâcle sociale, en particulier lors du confinement.
Depuis, l’économie a repris au point que le taux de chômage a baissé et que les entrepreneurs se lamentent sur le manque de main d’oeuvre, une situation qui contraste ironiquement avec celle prévalant dans les années 1980 et 1990 au cours desquelles le taux de chômage (formel et réel) était élevé et où les capitalistes trônaient au sommet de leur pouvoir et de leur influence.
Peut-on affirmer pour autant que le rétrolibéralisme est chose du passé et que sur le plan de l’emploi par exemple, on renoue avec la période des "trente glorieuses" (1945-1975) ?
Certainement pas.
Tout d’abord, l’organisation du marché de l’emploi n’a pas fondamentalement changé depuis la décennie 1980. Le travail à statut précaire (boulots temporaires, à temps partiel, temporaires, le travail dit autonome) y occupe toujours une place importante. Il conserve sa fragilité. Il suffirait d’une récession un tant soit peu prolongée et intense pour remettre les yeux en face des trous de bien du monde. Dans cette hypothèse, on peut douter que cette fois le gouvernement fédéral (peu importe sa couleur politique) redevienne "dépensier" comme en 2020-2021, puisque la politique antiinflationniste vise précisément à freiner la demande et donc la hausse des prix à la consommation. Le but de la Banque du Canada consiste à diminuer celle-ci pour "casser" l’inflation.
Sur le long terme, les programmes sociaux (sauf pour la Sécurité de la vieillesse jusqu’à un certain point) n’ont pas été améliorés, le niveau des prestations d’assurance-emploi a été ramené à ce qu’il était avant la pandémie.
Pareil pour la Sécurité du revenu (l’aide sociale) de compétence provinciale dont les prestations sont maintenues à un niveau scandaleusement bas.
Nos gouvernements misent toujours sur l’entreprise privée (souvent subventionnée de manière larvée ou ouverte) pour assurer la "bonne marche" de l’économie. L’affairisme se porte bien merci. Pas question de revenir aux nationalisations des années 1960 et encore moins de socialiser une partie des moyens de production.
Bref, en dépit des apparences, peu de choses ont changé depuis la période 1980-1990.
Les rétrolibéraux de tout poil se sont adaptés à la nouvelle conjoncture : le gouvernement fédéral a injecté des fonds dans le secteur de la main d’oeuvre au cours du confinement pandémique pour soutenir son pouvoir d’achat, mais cette dernière demeure soumise au capital et toujours aussi vulnérable aux soubresauts de l’économie.
Au mieux, dans notre société vieillissante où le poids électoral des personnes à la retraite pèse plus lourd qu’autrefois, la classe politique (du moins son segment libéral) a adouci les angles des inégalités avec le SRG.
Le rétrolibéralisme a encore de beaux jours en perspective.
Le Père Noël distribue en ce moment des "cadeaux" mais le temps des Fêtes ne dure pas toute l’année.
Jean-François Delisle
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