Le ministre de l’environnement David Heurtel affirme qu’il possède tous les avis scientifiques nécessaires pour accorder un permis à TransCanada mais refuse de les dévoiler. Le représentant de TransCanada au Québec... oups pardon : le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand se pavane lors d’événements organisés par l’industrie des énergies fossiles tout en niant s’y être présenté (il a même offert un discours lors d’un souper organisé par TransCanada le 10 septembre dernier, événement auquel assistait le président de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, la présidente du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, le président d’Hydro-Québec, Thierry Vandal, de même que le maire de Montréal, Denis Coderre, et l’ex-premier ministre Jean Charest. Le porte-parole péquiste en matière d’énergie, Bernard Drainville, a lui aussi assisté à la présentation de la pétrolière albertaine. Lire "Plaidoyer pour un pipeline" http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/418172/plaidoyer-en-faveur-d-un-oleoduc).
Le PLQ met tous les œufs dans le panier de la vente sous pression du pétrole sale de l’Alberta. Il va même jusqu’à créer une « Unité de vigilance sur les hydrocarbures » afin dit-il d’encadrer les relations avec les communautés (http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/419036/quebec-cree-une-unite-de-vigilance-sur-les-hydrocarbures) et dont le mandat ressemble étrangement à une agence de promotion de l’industrie pour vendre leurs salades aux villes et villages. Il refuse d’intervenir à propos du transport de pétrole sur le fleuve par des super-pétroliers à partir de Sorel-Tracy au profit de Suncor, traffic qui prendra une expansion considérable au cours des prochains mois et des prochaines années (Un reportage de Radio-Canada affirme que la pétrolière Suncor compte charger entre 20 et 30 navires par années à partir de Sorel-Tracy pour exporter son pétrole brut, principalement vers les États-Unis et que de 110 pétroliers, le nombre de navires-citernes chargés de pétrole brut pourrait passer à 280 dans quatre ans (http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/national/2014/09/22/001-croissance-transport-petrole-fleuve-saint-laurent-navires-quebec.shtml). Nous n’entendons plus parler des risques associés au transport par train qui pourtant se poursuit de plus belle. Tout est beau madame la marquise...
Des avis scientifiques "introuvables"
Le NPD a réclamé que Pêche et Océans Canada rende public les avis scientifiques relatifs aux impacts des travaux prévus par TransCanada sur les milieux fréquentés par les bélugas près de Cacouna. Rien à faire. Ces avis demeurent étrangement impossibles à consulter. Pourtant, de nombreuses études ont été effectuées durant les dernières décennies et elles montraient toutes que le bélugas est une espèce en danger et que le St-Laurent est son milieu de vie et de reproduction, un milieu fragile. Et une rapide recherche permet de constater qu’un avis a été émis en mai dernier par une équipe de scientifiques de Pêche et Océans Canada (http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/environnement/201409/03/01-4796965-terminal-petrolier-et-belugas-voix-discordante-a-peches-et-oceans.php) et que cet avis indique clairement que « c’est tout le projet de terminal pétrolier et le trafic maritime accru qu’il générera qui risquent d’avoir des effets négatifs sur les bélugas. » On peut pas être plus clair.
Par ailleurs, une rapide recherche sur Internet permet de constater que ce ne sont pas les études sur les bélugas qui manquent : plus de 1 millions d’entrées avec les simples mots clés « études » et « bélugas ». Celles du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins, basé à Tadoussac sont particulièrement éclairantes. Les travaux du programme de rétablissement des baleines du St-Laurent (http://baleinesendirect.org) sont aussi d’excellents endroits pour obtenir des informations (voir http://baleinesendirect.org/exploration-scientifique/projets-de-recherche/beluga-du-saint-laurent/). Bref, il y a un aveuglement volontaire afin d’éliminer tout obstacle au projet de TransCanada. Les enjeux $$$ sont tellement importants pour l’industrie qu’on ne regarde pas aux détails...
Le PQ vire à 180 degrés
Opportuniste comme à l’habitude lorsqu’il se trouve dans l’opposition, le PQ monte sur ses grands chevaux et déplore les risques disproportionnés par rapport aux faibles retombées du projet (http://www.newswire.ca/fr/story/1405432/forages-geotechniques-dans-le-saint-laurent-il-est-temps-que-le-ministre-heurtel-arrete-de-proteger-l-agenda-de-transcanada-et-applique-convenablement). Pourtant il n’y a pas si, longtemps, le PQ alors au pouvoir a accepté et défendu les projets de TransCanada (http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/371677/le-pq-et-le-grand-projet-canadien-le-petrole). Pauline Marois avait alors rencontré son homologie du Nouveau-Brunswick pour concerter les efforts des deux provinces pour concrétiser le projet d’oléoduc. Québec et l’Alberta avaient formé un comité conjoint 3 mois auparavant dans le même but. Elle vantait le potentiel d’Anticosti et de la Gaspésie. Le Québec allait devenir un pays pétrolier ! Et à titre de parti prétendument souverainiste, elle a rendu les armes devant l’offensive d’Ottawa pour cour-circuiter le BAPE et reconnaitre l’autorité de l’Office national de l’énergie, seule apte à approuver ce type de projets.
Conscients de leurs intérêts
L’industrie des énergies fossiles n’est pas une entité abstraite. Il s’agit d’hommes et (quelques fois) de femmes qui sont animéEs par l’appétit du profit. Il s’agit là de leur seul objectif : satisfaire leurs actionnaires et obtenir le rendement escompté le plus rapidement possible. Comme il s’agit d’une industrie qui possède un long vécu historique, ses dirigeantes ont hérité de nombreuses expériences tirées d’événements passés, de réseaux de contacts (banquiers, lobbyistes, politicienNEs, journalistes, universitaires, etc.) qui leur permettent de mener campagne lorsqu’il s’agit de faire passer un message conformément à leurs intérêts. Et comme l’industrie du tabac par le passé, elle sait jeter le doute, acheter du temps, séduire pour s’assurer de la complicité des élites, émettre des messages pour justifier leurs activités, quitte à « organiser » la vérité. À ce titre, la lecture du livre de Timothy Mitchell « Carbon democracy » (La Découverte, 2013, 332 p.) est particulièrement éclairante. C’est pourquoi penser convaincre ces gens de la justesse des revendications du mouvement écologiste et de la lutte contre les changements climatiques équivaut à convaincre le carnivore des bienfaits de la salade.
Mise à jour de fin de journée du 23 septembre : Un camouflet pour le gouvernement Couillard
La juge Claudine Roy s’est rendu aux arguments des groupes écologistes cet après-midi aprs avoir constaté le laxisme du ministre de l’environnement David Heurtel et l’absence d’expertise des ministères québécois sur la question. C’est une victoire importante bien que fragile pour la lutte aux pipelines. L’injonction interlocutoire est valide jusqu’au 15 octobre, soit la haute période d’occupation du territoire par les bélugas. Un débat sur une injonction permanente devra avoir lieu dans les prochaines semaines (mois ?). D’ici là, les audiences de l’Office nationale de l’énergie et du BAPE auront lieu, ce qui repousse la menace pour les bélugas à l’année prochaine. Pour ce qui est du mouvement opposé aux énergies fossiles, les échéances seront beaucoup plus serrées. L’industrie aura l’occasion de rebâtir son argumentaire avec l’aide de ses complices siégeant dans les parlements de ce pays. Les mobilisations n’en seront que plus importantes.