Faire taire les contestataires
Depuis son apparition au feuilleton parlementaire, les organismes communautaires, les organismes à but non lucratif (OBNL) et les regroupements citoyens dénoncent l’impact néfaste de ce projet de loi sur la prise de parole citoyenne. En imposant les mêmes règles aux OBNL qu’aux entreprises privées, toute personne militante ou bénévole d’un organisme devrait s’inscrire au Registre des lobbyistes avant de rencontrer une personne élue pour la sensibiliser à une problématique. Une lourdeur administrative qui risque de tuer dans l’œuf les démarches entreprises par ces groupes qui, contrairement aux entreprises privées, ne cachent pas leur agenda et n’ont pas de visées commerciales ou financières.
Au final, dans sa forme actuelle, le projet de loi aurait pour effet de réduire la capacité d’agir des OBNL. Même si tel n’est pas le but recherché, c’est ce qui risque d’arriver s’il était adopté tel quel.
Un mauvais projet de loi selon le Commissaire au lobbyisme
Dans un rapport qui vient d’être déposé à l’Assemblée nationale, le Commissaire au lobbyisme du Québec reconnaît que l’approche « mur à mur » du projet de loi risque de constituer un frein à la participation citoyenne. Pire, il y voit un obstacle à la liberté d’expression et à l’exercice du droit d’association.
Ces constats sont loin d’être anodins. En fait, dans sa facture actuelle, le projet de loi n’atteindrait pas du tout son objectif qui est une plus grande transparence en matière de lobbyisme. Il risque plus de mettre en péril la survie des OBNL.
Ne pas se tromper de cible
Le Commissaire fait également remarquer, dans ses recommandations, que si l’objectif du projet de loi est d’assurer une plus grande transparence et d’assainir les pratiques en matière de lobbyisme, dans l’intérêt des citoyennes et citoyens, il devrait s’appliquer aux réseaux de l’éducation et de la santé et des services sociaux.
Avec la réforme du ministre Barrette qui est venue créer les méga entités administratives que sont les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et les centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS), la question est d’autant plus pertinente.
Ces titanesques centres brasseront d’énormes sommes et attribueront des contrats très alléchants pour les entreprises privées qui se bousculent déjà au portillon pour rencontrer les présidents-directeurs généraux des CISSS et des CIUSSS. Pour l’intérêt du public, ne vaudrait-il pas mieux surveiller ce qui s’y trame plutôt que de s’acharner sur les organismes communautaires ? Poser la question, c’est y répondre.