Cependant, un autre fait dans le fil de l’actualité, de loin beaucoup plus important n’a pas eu pareil intérêt dans les médias et les réseaux sociaux. Pourtant, ces deux faits mis en commun suffiraient à montrer le cynisme de la Communauté Internationale envers Haïti. En effet, pendant que des agents du FBI et de la DEA s’activaient à arrêter l’associé du président, les diplomates du Core Group multipliaient les interventions à l’endroit de la population haïtienne pour montrer q’ils appuient Jovenel Moïse dans ses démarches d’instaurer une nouvelle dictature en Haïti, en dépit des soupçons criminels qui pèsent sur ce dernier.
Haïti s’achemine vers des jours de grand malheur. Les Haïtiens, pour la plupart, sont de plus en plus convaincus que les Nations Unies les considèrent comme des ennemis à abattre. Nous ne sommes plus dans les scénarios complotistes où les Haïtiens se perçevaient comme des cibles privilégiées de dirigeants Occidentaux rancuniers, assoifés de vengeance pour la défaite des généraux français en 1803 à Saint-Domingue. Pour des lecteurs qui pensent qu’il est inconcevable de prétendre que les Nations Unies chercheraient à établir un régime de terreur en Haïti, qu’ils se ravisent en s’informant de ce qui se passait ou se passe toujours dans des pays comme la République Démocratique du Congo (RDC), l’Irak, la Libye, la Syrie, et plus particulièrement en Egypte où l’arrivée des Frères Musulmans au pouvoir démocratiquement a débouché sur un coup d’État de l’armée et une repression lourdement sanglante (1).
Les Nations Unies cherchent à établir un régime de terreur en Haïti. Pour le prouver, il suffit de montrer que le Système des Nations Unies manoeuvre pour étouffer les aspirations legitimes du Peuple Haïtien à la démocratie, à la justice et au bien-être. De ce fait, la répression systématique reste la seule option des Nations Unies pour faire face à une population de plus en plus conscientisée, décidée à prendre son destin en main. Pour cela, nous allons montrer que :
1) le Système des Nations Unies en Haïti agit en tant qu’auxilliaire du régime PHTK.
Le projet de nouvelle constitution rédigé par l’Ambassade américaine, en plus de donner des pouvoirs exorbitants au président de la République, le place également à l’abri des poursuites judiciaires. Article 139 : Aucune action ne peut être engagée contre le Chef de l’État pour des actes liés à ses fonctions et accomplis en qualité de Président de la République, même après la fin de son mandat (2). Les Nations Unies sont en train de légiférer dans un pays indépendant pour garantir l’impunité à des criminels et plus spécialement aux dilapidateurs des fonds Petro Caribe. En faisant du président de la République un citoyen au-dessus des lois, la nouvelle constitution renforce des dispositifs codifiés dans le nouveau code pénal pour garantir l’impunité par le mécanisme des amnisties. Dans le nouveau code pénal, il est dit : Article 221.- Le droit d’amnistie attribué au Chef de l’Etat ... Article 222.- ... L’amnistie fait cesser toutes poursuites contre les personnes inculpées, prévenues ou accusées, et même les personnes condamnées par défaut (3). S’il est évident que ces articles ont été rédigés à l’intention des dilapidateurs des Fonds Petro Caribe et des auteurs des massacres, il ne fait aucun doute, qu’ils visent aussi à instituer un régime d’impunité au mépris du droit à la justice du peuple haïtien.
Le gouvernement de Jovenel Moïse fonctionne par décret depuis le mois de janvier 2020, mais bien avant cette date, le gouvernement, a toujours été un gouvernement qui ne se soumettait à aucune loi, Haïti devenant une république òu les citoyennes et citoyens n’ont aucun droit. En faisant fi également des lois du pays (référendum illegal, nouvelle constitution, non respect des articles 134.2 et 134.3), la Communauté Internationale participe aussi, activement, à faire des Haïtens un peuple dont les droits peuvent être bafoués, de fait sans valeur devant les injonctions “sans appel” de la Communauté Internationale. Humilier, dominer, piétiner la dignité d’êtres humains rendus sans protection de la justice et des forces publiques, tels sont les contours des blessures qui nourrissent les ressentiments de la population haïtienne à l’égard des institutions internationales présentes dans le pays ; mais ces douleurs renforcent également la volonté tenace de changement du Peuple Haïtien.
2) le Système des Nations Unies en Haïti participe activement à la mise en place de l’appareil répressif dirigé contre les citoyennes et citoyens qui osent s’opposer aux dérives du régime PHTK.
Pour montrer comment le Système des Nations Unies participe à la mise en place d’un appareil répressif en Haïti, nous allons nous référer à deux (2) points du mandat du BINUH (Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti) : Professionnalisation de la police et Réduction de la violence communautaire et de la violence des gangs (4) : ... Concernant la police, il est fait mention du “... plein respect des obligations envers les droits humains et l’égalité entre les sexes.” Contrairement, à ce qui est dit dans le mandat, on assiste à une transformation de la police en une force de répression brutale, les nouvelles unités de police, comme le BOID (Brigade d’Opération et d’Intervention Départementale) sont de plus en plus violentes, sans respect pour les droits humains, soutenues dans leurs exactions par la direction de la police. Qu’on se rappelle les propos élogieux du Directeur a.i. de la Police après qu’un véhicule-bélier du BOID eut blessé mortellement des motocyclistes qui participaient à une manifestation pacifique le 20 novembre 2021 (5). À cela, il faudrait ajouter les snipers étrangers qui exécutent des citoyens qui manifestent dans les rues avec une balle à la tête.
Concernant la réduction de la violence des gangs, c’est le Secrétaire général des Nations Unies, lui même, qui a salué la création de la fédération des gangs criminels (G9) comme une réussite du BINUH. « Le renforcement du contrôle du G9 dans certaines parties de l’agglomération semble avoir eu une incidence sur les grandes tendances de la criminalité au cours de la période à l’examen. Les homicides volontaires signalés à la police ont diminué de 12 % entre le 1er juin et le 31 août...” (6). Avec cette surprenante prise de position en faveur des gangs criminels, le Secrétaire général dévoile les intentions réelles de la Communauté Internationale pour Haïti.
3) le BINUH tout comme le gouvernement ignorent systèmatiquement les violations des droits de l’homme et les demandes de justice de la population haïtienne.
Avant la vague des enlèvements contre rançon enregistrée dans la région métropolitaine de Port-au-Prince depuis 2017, la terreur des gangs criminels s’était déjà installée dans les quartiers populaires de Port-au-Prince et dans certaines localités du pays. Mais, le BINUH qui travaille au renforcement des gangs criminels a une lecture, pernicieuse à dessin, de la situation. En effet, le BINUH présente les barricades dressées par la population pour empêcher les infiltrations meutrières du gang G9 dans le quartier du Bel-Air (Port-au-Prince) comme un affrontement entre gangs criminels rivaux. Les propos tenus à la radio le 3 septembre 2020 par Jean Rebel Dorcénat, responsable du CNDDR (Commission Nationale de Désarmement, Démantèlement et Réinsertion), illustrent le déni de justice qui prévaut dans les cercles du pouvoir et dans le Système des Nations Unies en Haïti, et cela depuis le massacre de La Saline le 13-14 novembre 2018 (7). Pour justifier une attaque du G9 dans le quartier du Bel-Air, le responsable du CNDDR a précisé que l’attaque du G9 serait une risposte contre une attaque de bandits qui a fait des victimes dans les rangs du G9 (8). C’est aussi banalement que des citoyennes et citoyens se font tuer régulièrement, des maisons sont incendiées de temps à autre, à moins de 500 mêtres du Palais National dans l’indifférence totale de la Police Nationale et sans que les victimes puissent faire valoir leur droit à la justice.
4) le Système des Nations Unies en Haïti prend le contre-pied de toutes les initiatives démocratiques en cours d’élaboration dans l’opposition plurielle.
Malgré les fraudes, Jovenel Moïse a été élu avec moins de cinq cent mille (500000) voix en 2016, en dépit de ce manque de légitimité, les responsables des Nations Unies font corps avec le pouvoir PHTK. Ils se comportent comme des acteurs de premier plan dans la crise Haïtienne. Ils utilisent leurs positions privilégiées pour orienter les décisions d’État dans l’intérêt des groupes d’intérêts nationaux et internationaux auxquels ils se subordonnent.
La nouvelle constitution rédigée selon les directives de l’Ambassade américaine est une aberration historique et politique. Comment des étrangers peuvent-ils se permettre, en plein 21e siècle, d’inventer une loi mère pour un peuple en état d’insoumission permanente et de résistance contre l’oppression ? Sommes-nous revenus en 1685, quand Colbert pouvait définir ce qui serait bon pour les esclaves ? Sommes-nous en 1918, quand Delano Roosevelt (Président des États-Unis) se vantait d’avoir écrit une constitution pour un pays étranger ? Non, nous sommes en 2021, les fonctionnaires de l’ONU peuvent se permettre d’ignorer avec morgue et dédain les revendications d’un peuple en lutte qui réclame des changements en profondeur dans son système politique, dans l’organisation de l’économie nationale et dans les rapports sociaux. Malgré l’opposition de la majorité de la population, les anges de l’Apocalypse haïtien se proposent de valider leur constitution dans un référendum où l’on fera fi du nombre de votants (9).
Devant ce déni de justice, face à l’impuissance d’exiger le respect des lois du pays par le Système des Nations Unies, face à l’amertume de la dépendance et du dénuement, aussi faibles que soient ses organisations, le Peuple Haïtien lutte pour prendre son destin en main en se préfigurant déjà des formes d’institutions qui pourraient répondre à ses besoins de démocratie, de justice et de bien-être. Au lieu d’accompagner le Peuple Haïtien dans sa quête, le Système des Nations Unies fait tout pour court-cicuiter la volonté du Peuple à avoir un lendemain meilleur. Pire, pour faire avancer ses projets anti-nationaux, le gouvernement est conseillé d’opposer des segments de la population : la diaspora face aux Haïtiens et Haïtiennes de l’intérieur, les femmes face aux hommes.
le Système des Nations Unies a prévu des décrets pour criminaliser les actions de résistance de la population, les gangs criminels collaborent déjà avec les forces de police afin de tenir les habitants des quartiers populaires en respect. Quand on connait la tradition de lutte et de résistance du Peuple Haïtien, on doit voir dans ces mises en place une détermination de la Communauté Internationale à en finir avec toute volonté de résistance de la part des Haïtiens et Haïtiennes, et à écraser tout soulèvement qui risquerait de compromettre les desseins macabres qui planent sur l’avenir de cette génération et des générations futures. Aisni, une lutte interminable face à Goliath reste le seul choix laissé au Peuple Haïtien.
Pierre Michel Chéry
9 MARS 2021-
Notes
1.Perspective Monde (2019) Égypte : le régime de la terreur d’al-Sissi
https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=2640
2.Comité Consultatif Indépendant (2021) Avant-Projet Constitution
3. PROJET DE LOI PORTANT NOUVEAU CODE PÉNAL
4.https://binuh.unmissions.org/fr/mandat, date de consultation 7-mars-2021
5.https://rezonodwes.com/2020/11/20/pnh-dg-leon-charles-felicite-les-policiers-qui-ont-assassine-mackenson-et-perpetre-une-attaque-au-vehicule-belier-sur-2-motocyclistes/
6.https://lenouvelliste.com/article/221743/selon-lonu-grace-au-g9-moins-de-morts-violentes-mais-plus-denlevements, date de consultation 7-mars-2021
7.Le BINUH n’a fait état du massacre de La Saline que le 21 juin 2019, plus de 6 mois après les faitshttps://www.rfi.fr/fr/ameriques/20190622-haiti-massacre-saline-rapport-onu
8. https://www.gazettehaiti.com/node/1949
9. Rapport BINUH 11 février 2021, page 3
https://binuh.unmissions.org/sites/default/files/s-2021-133_-_sg_report_on_haiti.pdf
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