Édition du 25 février 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique centrale et du sud et Caraïbes

La réaction du président colombien Gustavo Petro à Trump : gaffe monumentale ou exemple à suivre ?

Nous assistons, de jour en jour, à une déclaration fracassante après l’autre de Trump. Faire du Canada le 51ième état de son pays, prendre de force le Canal de Panama et le Groenland, imposer des droits de douane chocs à ses principaux partenaires commerciaux, expulser les immigrants, perçus comme violeurs et criminels, et les renvoyer, souvent mains menottés et pieds attachés, à leur pays d’origine, etc.

Le rythme de ses sorties et gestes est étourdissant !

Le 18 février, Trump organise une rencontre en Arabie Saoudite de hauts placés de son administration et de celle de la Russie pour discuter d’un plan de paix possible en Ukraine.

Ni l’Ukraine ni l’Union européenne ne sont invités, ce qui, peu étonnamment, les indisposent carrément. Lorsqu’ils dénoncent cela, Trump réagit selon son style habituel – au diable les faits, j’invente un récit pour me justifier !

Aujourd’hui, je les ai entendu se plaindre... Nous n’avons pas été invités. Eh bien, cela fait trois ans que vous êtes là, vous auriez dû y mettre fin... Vous n’auriez jamais dû commencer la guerre. Vous auriez pu conclure un accord.

Zelenski réagit en affirmant que le président américain, qu’il respecte, adhère à la bulle de désinformation que lui transmet la Russie.

Zelenski, dont la cote de popularité ne dépasse pas 4 %, est un dictateur qui refuse d’organiser des élections, riposte l’empereur froissé qu’est Trump. La seule chose que Zelenski sait faire, c’est manipuler habilement Biden pour que l’argent américain coule à flot vers l’Ukraine !

Face à ce comportement d’intimidation constante de Trump, qui provoque des bouleversements internationaux géopolitiques tectoniques, de nombreux dirigeants en Europe en ce moment, voire dans de nombreuses parties du monde, se demandent comment réagir. Doivent-ils se contenter de constamment faire une génuflexion devant l’empire, ou doivent-ils, comme le faisait le président colombien Gustavo Petro le 26 janvier dernier, réagir rapidement et de manière percutante ?

Lettre à Donald Trump posté sur X, anciennement Twitter, par le président colombien Gustavo Petro

En pleine campagne d’expulsion, Trump envoie à Colombie, le 26 janvier dernier, deux avions militaires américains remplis d’immigrants colombiens.

Ces derniers sont qualifiés de violeurs, criminels, etc., et sont traités comme du bétail, plusieurs ayant pieds et mains menottés.

Carrément indigné devant autant de racisme flagrant, le président colombien Gustavo Petro pose un geste inédit : il refuse de permettre aux deux avions militaires d’atterrir dans son pays.

Froissé par ce manque de respect envers l’empereur, Trump réagit en menaçant d’imposer des droits de douane de 25% à tout produit provenant de la Colombie, et d’augmenter ces droits à 50% une semaine plus tard si nécessaire.

Le président colombien Gustavo Petro, ancien guérillero et ex-maire de Bogota, prend sa plume et écrit une lettre percutante à Trump dans laquelle il dénonce le racisme et l’impérialisme du président américain, et annonce qu’il va riposter du tic au tac en imposant aux produits provenant des Etats-Unis des droits de douane similaires.

On sait que Petro, dans les heures qui suivirent, a vite fait volte-face et est arrivé à un accord avec Trump. Et on sait aussi que de nombreux observateurs estiment que sa lettre, rédigée de façon spontanée et avec colère, fut une gaffe diplomatique monumentale qui ne pouvait que nuire aux intérêts de la Colombie.

Cependant, cette lettre a néanmoins eu un énorme succès en Colombie et dans toute l’Amérique Latine.

Lectrices et lecteurs pourront juger si, à leur avis, cette lettre de Petro, que je reproduis ci-dessous, représente une gaffe diplomatique monumentale ou ne représente pas plutôt un exemple que pourraient et devraient suivre d’autres leaders lorsqu’ils se voient grossièrement intimidés par Trump.

Trump, je n’aime pas trop voyager aux États-Unis, c’est un peu ennuyeux. Mais j’avoue qu’il y a des choses louables. J’aime aller dans les quartiers noirs de Washington, où j’ai vu une bagarre entre noirs et latinos avec des barricades. Ce qui me semblait absurde, parce qu’ils devraient s’unir ensemble.

J’avoue que j’aime bien Walt Whitman, Paul Simon, Noam Chomsky et Henry Miller.

J’avoue que Sacco et Vanzetti, qui ont mon sang, sont mémorables dans l’histoire des USA et je les suis. Ils ont été condamnés à la chaise électrique, assassinés par les dirigeants fascistes qu’il y a aux USA, comme d’ailleurs dans mon pays.

Je n’aime pas votre pétrole, Trump. Vous allez anéantir l’espèce humaine à cause de votre avidité. Peut-être qu’un jour, autour d’un verre de whisky, que j’accepterais malgré ma gastrite, on pourra en parler franchement. Mais c’est difficile car vous me considérez comme étant d’une race inférieure. Ce que je ne suis pas, ni aucun colombien.

Si vous voulez faire affaire avec quelqu’un qui est têtu, c’est bel et bien moi. Point final. Vous pouvez essayer de réaliser un coup d’État contre moi, avec votre force économique et votre arrogance. Comme vous l’avez fait avec Salvador Allende au Chili. Mais je mourrai sans peur. J’ai déjà résisté à la torture et je vous résisterai.

Je ne veux pas d’esclavagistes comme voisins de la Colombie. On en a eu beaucoup et on s’en est libérés. Ce que je veux, comme voisins de la Colombie, ce sont des amoureux de la liberté. Si vous ne pouvez pas m’accompagner dans cette voie, nous vous laisserons tomber.

La Colombie est le cœur du monde et vous n’avez pas compris que, c’est la terre des papillons jaunes, de la beauté des Remedios, mais aussi des Aureliano Buendía (résistant du roman de "Cent ans de solitude" de Federico Garcia Marquez, figurant un personnage qui se lève contre l’oppression), dont je suis l’un des représentants, comme tous les colombiens.

Vous allez peut-être me tuer, mais je survivrai dans mon peuple, qui existait avant le vôtre, en Amérique. Nous sommes des peuples des vents, des montagnes, de la mer des Caraïbes et de la liberté.

Vous n’aimez pas notre liberté ?! OK, je ne vous serre pas la main car je ne serre pas la main des esclavagistes blancs. Je serre la main des héritiers libertaires blancs d’Abraham Lincoln et des fermiers noirs et blancs des États-Unis. Sur les tombes desquels j’ai pleuré et prié, sur un champ de bataille que j’ai atteint après avoir parcouru les montagnes de la Toscane italienne et après avoir été sauvé du Covid.

Ce sont eux, les vrais représentants des États-Unis et devant eux je m’agenouille, mais devant personne d’autre.

Renversez-moi, Président Trump. Les Amériques, toutes entières, et l’humanité vous répondront.

La Colombie arrête maintenant de regarder vers le nord (ndr/ Les États-Unis), et regardera vers le monde.

Notre sang vient de loin avec une longue histoire, du sang du califat de Cordoue, des latins romains, de la méditerranée, de la civilisation de cette époque, qui a fondé la République, la Démocratie à Athènes. Notre sang vient de la Résistance des noirs. Ces combattants sont devenus esclaves de votre fait. Mais la Colombie a été le premier territoire libre de l’Amérique, bien avant George Washington, de toute l’Amérique. Je me réfugie dans ses chants africains.

Ma terre est composée d’orfèvres qui travaillaient au temps des pharaons égyptiens et des premiers artistes au monde à Chiribiquete.

Vous ne nous gouvernerez jamais.

Le guerrier qui a chevauché nos terres en clamant la Liberté s’appelle Bolivar et s’oppose à vous.

Notre peuple est un peu craintif, un peu timide. Il est naïf et gentil, aimant, mais il saura comment gagner le Canal de Panama, que vous nous avez pris avec violence. Deux cents héros de toute l’Amérique latine se trouvent à Bocas del Toro, le Panama d’aujourd’hui, anciennement Colombie, que vous avez assassiné.

Je lève un drapeau. Et, comme l’a dit Jorge Eliécer Gaitán, même s’il reste seul, il continuera d’être hissé avec la dignité latino-américaine qui est la dignité de l’Amérique. Ce que votre arrière-grand-père ne connaissait pas, le mien le connaissait, monsieur le président.

Votre blocus ne me fait pas peur, car la Colombie, en plus d’être le pays de la beauté, est le cœur du monde. Je sais que vous aimez la beauté comme moi. Ne lui manquez pas de respect et donnez-lui votre douceur.

A partir d’aujourd’hui, la Colombie est ouverte au monde entier, avec les bras ouverts. Nous sommes des bâtisseurs de liberté, de vie et d’humain.

On m’informe que vous imposez un tarif de 50% sur les fruits de notre travail humain pour entrer aux États-Unis. Je fais de même : 50% sur tous vos produits.

Notre peuple plantera du maïs en Colombie et nous nourrirons le monde.

Gustavo Petro, président de la République de Colombie


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Gustavo Petro

Président de la Colombie, ancien guérillero et ex-maire de Bogota

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