Édition du 25 février 2025

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« La Constitution brésilienne est en train d'être réécrite », déclare Maurício Terena à propos de la conciliation du “cadre temporel” du STF (Tribunal fédéral suprême)

Pour le coordinateur juridique de l’Articulation des peuples autochtones du Brésil (Apib), « il n’y a pas eu de conciliation du tout ».

Le juge de la Cour suprême Gilmar Mendes a présenté, lundi 17, une proposition de conciliation sur le “cadre temporel”, qui fait l’objet de cinq actions en justice devant la Cour. Sept propositions de modification de la “loi du cadre temporel” (loi 14.701/2023), approuvée par le Congrès en décembre 2023, ont été incorporées.

https://www.brasildefato.com.br/2025/02/17/esta-sendo-reescrita-a-constituica-diz-mauricio-terena-sobre-conciliacao-do-marco-temporal-no-stf/

Le 17 février 2025

Selon le projet, la thèse du cadre temporel, selon laquelle seules les terres indigènes occupées par leurs peuples d’origine en octobre 1988, date de la promulgation de la Constitution, peuvent être délimitées, a été surmontée. Le STF lui-même avait déjà déclaré le paramètre inconstitutionnel en septembre 2023, quelques mois avant l’adoption de la nouvelle loi. Cependant, le magistrat a décidé d’innover et a rédigé une sorte de substitut à la loi 14.701, dans lequel il inclut la possibilité d’exploration minière sur les terres indigènes, modifie les processus de démarcation et affaiblit le processus de consultation préalable avec les populations d’origine.

Dans une entrevue exclusive accordée à Brasil de Fato, Maurício Terena, coordinateur juridique de l’Articulation des peuples indigènes du Brésil (Apib), évoque le processus de mise en place de la table de conciliation et commente les propositions contenues dans le projet de Mendes. « Le chapitre indigène de la Constitution fédérale est en cours de réécriture », explique l’avocat. « Cette initiative du ministre Gilmar pourrait entrer dans l’histoire comme l’une des plus violentes dans la lutte pour les droits des indigènes au Brésil », ajoute-t-il. En août 2024, l’Apib s’est retirée de la commission, estimant qu’il s’agissait d’une tentative de « conciliation forcée et obligatoire ».

Lire l’entrevue :

Brasil de Fato :

 Dr Maurício, dans cette proposition présentée par le ministre Gilmar Mendes, la thèse du cadre temporel a-t-elle été surmontée ?

Maurício Terena :

 Oui, en fait, le cadre temporel est un problème qui a été surmonté dans cette proposition. Mais nous avions déjà compris que le délai serait un problème mineur, étant donné que la Cour suprême l’a déjà déclaré inconstitutionnel. Le juge Gilmar Mendes n’aurait aucun moyen de rendre constitutionnel ce qui est inconstitutionnel par le biais de cette chambre de conciliation.

 Néanmoins, l’Apib a exprimé des inquiétudes sur d’autres points de cette proposition. Quels sont ceux sur lesquels vous insisteriez ?

 Cette proposition a un fort contenu économique et ce qui nous préoccupe le plus, c’est la possibilité d’activités économiques sur les terres indigènes. Je voudrais souligner l’exploitation minière sur les terres indigènes, une proposition qui a été insérée dans le texte et qui ne faisait pas partie du projet initial de la loi historique. Elle ne figurait nulle part. Le ministre a donc élargi son champ d’application avec cette proposition. Il y a également une modification radicale du rite de démarcation des terres indigènes, qui ouvre la voie à davantage de questions et permet à de nouvelles organisations de prendre part au processus de démarcation.

Un autre point qui nous préoccupe est l’affaiblissement de la consultation libre, préalable et informée. La proposition du ministre permet aux tiers intéressés par les terres indigènes de mener un processus de consultation simplifié. La consultation est nécessaire car elle concerne la convention 169 [de l’Organisation internationale du travail]. Et dans la même loi qui ouvre les terres indigènes à l’exploitation économique, on veut aussi réglementer cette consultation libre, préalable et informée. Nous sommes donc très préoccupés par cette simplification de la consultation libre, préalable et informée.

Enfin, une autre préoccupation concerne l’autorisation donnée à la police militaire d’agir dans les conflits fonciers impliquant des territoires indigènes. La Constitution fédérale est très claire sur le fait que la compétence d’agir sur les terres indigènes revient aux entités fédérales, en l’occurrence la police fédérale, pour traiter les questions liées aux droits des indigènes. Or, la proposition présentée prévoit que la police militaire agisse dans les conflits autochtones, ce qui pourrait accroître la violence policière dans les territoires.

 Selon votre analyse, outre la fin de la thèse du cadre temporel, la proposition issue de la prétendue conciliation, en plus de ne pas concilier, exacerbe encore les conflits liés aux terres indigènes ?

 Il n’y a certainement pas eu de conciliation. J’ai dit que le chapitre autochtone de la Constitution fédérale, l’article 231, est en train d’être réécrit. Nous sommes très préoccupés par ce mouvement. Parce que les questions proposées dans cette loi reviennent sur une période très nébuleuse de notre histoire récente, lorsque les droits des peuples autochtones étaient soumis au pouvoir économique.

Cette tentative de modifier ces droits par le biais de la proposition présentée par le ministre Gilmar Mendes revient en fait à réécrire ce chapitre constitutionnel qui a été le fruit d’une lutte acharnée et qui est en train de disparaître à la suite d’une décision de la Cour suprême.

 Comment les organisations autochtones doivent-elles réagir à cette proposition, étant donné qu’elles ne participent pas à la table de conciliation de la Cour suprême ?

 Nous nous mobilisons déjà, cherchons à faire une mobilisation interne, dans le mouvement, pour qu’il y ait une mobilisation à Brasília pendant ce procès. Cette initiative du ministre Gilmar est peut-être passée à l’histoire comme l’une des plus violentes en ce qui concerne la lutte pour les droits des autochtones au Brésil. Il y aura donc beaucoup de lutte, il y aura de la résistance, on va probablement aggraver la décision, mais c’est le moment d’appeler les peuples autochtones de tout le pays et les organisations partenaires à se mobiliser rapidement contre cette proposition.

 En août, l’Apib s’est retirée de cette table de conciliation parce qu’elle n’était pas d’accord avec ce qui lui était négocié. Comment évaluez-vous ce processus jusqu’à ce que vous arriviez à cette ébauche, présentée par le ministre Gilmar Mendes ?

 Il s’agissait d’un processus marqué par la violence symbolique en matière d’accès à la justice. Apib a trois appels en attente d’examen et, jusqu’à présent, il n’y a eu aucun signe d’appréciation de ces appels. Tout ce qui a été décidé au sein de cette chambre de conciliation est une procédure obscure, avec un manque de méthodologie, avec un manque de transparence. En ce qui concerne ce qui est négocié, c’est une tentative de forcer la conciliation, c’est une conciliation forcée.

Lorsque l’Apib se retire de l’acte de conciliation, le ministre Gilmar demande la nomination d’autres autochtones pour composer la tentative de conciliation, ce qui est absurde. Nous sommes le demandeur dans la poursuite, et le ministre a remplacé le demandeur. C’est comme si un parti, comme le PT [Parti des travailleurs], avait intenté une action en justice, et face à l’impossibilité de la conciliation, le rapporteur a déterminé que le PL [Parti Lieral] a remplacé le PT dans le procès. Cela n’a pas de sens.

Donc, si la Cour suprême veut investir davantage dans des procédures de conciliation comme celle-ci, elle doit avant tout investir dans la formation de professionnels pour qu’ils prennent soin adéquatement de ces procédures.

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