Édition du 3 septembre 2024

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Canada

Les Conservateurs de Poilevre : le sourd grondement d'un retour à l'austérité ?

Certains commentateurs (dont Josée Legault dans le Journal de Montréal) ne s’alarment pas outre mesure de la perspective d’un changement de gouvernement à Ottawa ; en effet soutiennent-ils en substance, le gouvernement libéral de Justin Trudeau serait usé et en manque de politiques de rechange. Il faut donc en déduire que pour eux, l’arrivée au pouvoir des conservateurs "poilievréens" ne constituerait pas nécessairement une catastrophe.

De sérieux bémols s’imposent ici.

Tout d’abord, le gouvernement Trudeau a renoué avec des politiques redistributives qui contrastent avec la période du conservateur Stephen Harper (2006-2015). On n’a qu’a penser à la création du SRG (Supplément de revenu garanti), lequel augmente les prestations de retraite aux prestataires à faible revenu de la sécurité de la vieillesse ; de plus, il n’est pas imposable.

On peut évoquer aussi de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) lmisre sur pied lors de la pandémie de 2020 et de l’augmentation marquée des prestations d’assurance-emploi à la même période, mesure temporaire hélas mais qui a apporté un soutien financier important aux chômeurs et chômeuses ayant perdu leur emploi en raison de la COVID-19.

Évidemment, le cabinet Trudeau étant minoritaire, il a du s’appuyer sur le Nouveau Parti démocratique (lNPD) pour se maintenir en place, ce qui l’a sans doute obligé à adopter ces mesures. Autrement, sa "générosité" aurait été plus mesurée. On a lui fait par ailleurs bien des reproches comme l’inflation galopante et l’immigration massive au Canada que je ne reprendrai pas ici, vu qu’on en a déjà beaucoup traité.

Posons-nous plutôt la question suivante : que ferait un cabinet Poilievre ? Quelles mesures adopterait-il pour régler les problèmes de la société canadienne ? Représente-t-il une solution de rechange convaincante ?

Difficile de répondre à ces interrogations légitimes.

En effet, le chef conservateur demeure vague sur des problèmes-clés.
Par exemple, il ne s’engage pas sans équivoque à maintenir le programme de soins dentaires universel mis sur pied par les libéraux (et qui, soit dit en passant, empiète sur les compétences des provinces).

Pour ce qui regarde le déficit et la dette, deux phobies rétrolibérales, Poilievre s’en tient à des généralités convenues. Il s’engage à réduire les dépenses gouvernementales et à présenter un budget équilibré.

Pour ce qui est de la place du Québec dans la fédération, Poilievre ne prévoit pas de renouvellement de, donc de pouvoirs accrus pour le Québec. Mais il prône un gouvernement fédéral de stature plus modeste, bien dans la logique rétrolibérale.
Sur la question délicate de la loi 21, il partage la conviction de Justin Trudeau hostile à cette mesure et participerait à la contestation à une contestation judiciaire de cette loi devant la Cour suprême.

Il abolirait aussi les mesures établies par Trudeau pour le contrôle des armes à feu. Même chose pour la protection de l’environnement.

Pour conclure, y gagnerait-on avec un gouvernement Poilievre à Ottawa ?

Il faut rappeler ici que cet homme a fait partie du gouvernement Harper en tant que ministre d’État des institutions démocratiques (de 2013 à 2015) et de ministre des ressources humaines et du développement social (en 2015). Il cultive le flou et la vague quand il s’agit de préciser comment il réaliserait ses projets une fois au pouvoir. Mais si cela arrivait, il faudrait s’attendre à des politiques assez drastiques visant en particulier la protection sociale et l’environnement.

Affirmer que le gouvernement Trudeau a fait son temps et qu’il doit être remplacé est une chose, mais par qui ? Après tout, la coalition libérale-néo-démocrate a donné des résultats assez convaincants sur divers problèmes, toutes choses étant très relatives par ailleurs bien entendu.

Au contraire, on peut se douter que sur certains plans, l’éventuelle conquête du pouvoir à Ottawa par les conservateurs représenterait un recul.

Le problème dépasse la personnalité des deux chefs. Comment agirait le successeur de Trudeau s’il remportait le prochain scrutin ? Persévérerait-il dans la voie tracée par son prédécesseur ou se lancerait-il dans l’austérité pour couper l’herbe sous le pied à Poilieve ?

On peut se le demander non sans perplexité et même inquiétude. Libéraux, néo-démocrates et conservateurs ne sont pas interchangeables, et ce en dépit du fait qu’aucune de ces formations ne conteste le capitalisme. Mais les deux premières au moins adhèrent (surtout les néo-démocrates) à une version moins brutale que les conservateurs du droit "sacré" au profit. Le fantôme de Keynes "l’ange gardien" de la redistribution se profile derrière elles.

Jean-François Delisle

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