Édition du 12 novembre 2024

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Environnement

Les Canadiens de toutes les circonscriptions veulent qu'on agisse pour le climat, selon une nouvelle étude

Le Canada se prépare à des élections importantes cet automne et la politique climatique sera probablement au centre des débats. Les libéraux du premier ministre Justin Trudeau ont dévoilé leur politique de tarification du carbone, tandis que les conservateurs d’Andrew Scheer veulent s’en débarrasser. Entre-temps, Elizabeth May et son parti, les Verts, pensent que le Canada doit faire plus pour gérer la crise climatique.

Tiré de The conversation.

Mais quelle est la position des électeurs canadiens sur cette question ?

Notre équipe de recherche, basée à l’Université de Montréal et à l’Université de Californie à Santa Barbara, dispose de nouvelles données sur l’opinion publique. À l’aide d’innovations statistiques, nous pouvons faire une estimation de l’opinion des Canadiens dans toutes les circonscriptions du pays (sauf dans les territoires moins densément peuplés, où la collecte de données est rare). Et nous avons publié les résultats sur cet outil en ligne afin que tout le monde puisse voir comment leur circonscription se compare à d’autres à travers le pays.

Les Canadiens sont préoccupés par les changements climatiques

Nos résultats renforcent ce qui est de plus en plus clair : les changements climatiques sont à l’ordre du jour dans l’esprit des Canadiens, et pas seulement dans les collectivités urbaines ou côtières. La majorité des Canadiens de toutes les circonscriptions croient que le climat est en train de changer. C’est à Halifax où l’on retrouve le plus de citoyens (93 pour cent) qui estiment que des changements climatiques sont en train de se produire.

Et une majorité de Canadiens dans toutes les circonscriptions, sauf trois, pensent que leur province a déjà subi les effets des changements climatiques. Ces croyances sont particulièrement élevées au Québec (79 pour cent de la population).

Les Canadiens veulent aussi que leur gouvernement prenne la menace climatique au sérieux.

Une majorité d’électeurs est favorable à l’échange de droits d’émission. La taxation du carbone divise davantage, mais dans 88 pour cent des circonscriptions canadiennes, plus de gens sont en sa faveur qu’en sa défaveur.

Et les quelques circonscriptions qui n’appuient pas la politique de tarification du carbone du gouvernement Trudeau - Fort McMurray-Cold Lake, par exemple - sont déjà aux mains des conservateurs.

En d’autres termes, le chemin vers un gouvernement majoritaire - ou même minoritaire - passe par de nombreuses circonscriptions où les Canadiens s’inquiètent des changements climatiques et veulent que le gouvernement prenne des mesures énergiques.

Comparativement aux États-Unis, le public canadien croit dans des proportions beaucoup plus élevées que des changements climatiques sont en train de se produire. Même les circonscriptions canadiennes où l’on y croit le moins présentent des pourcentages comparables à ceux d’États libéraux comme le Vermont et Washington. Dans l’ensemble, l’appui du Canada à une taxe sur le carbone est plus élevé que celui de la Californie, souvent considérée comme l’État américain le plus progressiste sur le plan environnemental.

Pourcentage de Canadiens, par circonscription, qui croient que leur province a déjà été touchée par les changements climatiques.

Il est important de noter que l’appui à des politiques climatiques spécifiques demeure élevé dans les provinces qui ont déjà mis en œuvre des lois sur le climat. Par exemple, l’appui à une taxe sur le carbone en Colombie-Britannique, où cette politique a été adoptée en 2008, est le deuxième plus élevé au pays avec 61 pour cent (l’Île-du-Prince-Édouard a le plus fort appui).

De même, l’appui à l’échange de droits d’émission est le deuxième plus élevé au Québec, encore une fois juste derrière l’Île-du-Prince-Édouard, où un marché du carbone a été mis en place en 2013.

Même les circonscriptions conservatrices veulent de l’action

Nous ne trouvons aucune preuve d’une réaction défavorable aux taxes sur le carbone ou à l’échange de droits d’émission - les Canadiens qui vivent dans des provinces ayant de fortes politiques climatiques continuent de les appuyer. Au lieu de cela, nous trouvons un appui substantiel à agir dans les circonscriptions où les députés élus ont le plus contribué à miner la politique climatique du Canada.

La circonscription provinciale du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, correspond à la circonscription fédérale d’Etobicoke-Nord, où 62 pour cent de la population appuie l’échange de droits d’émission. Autrement dit, Ford n’a pas tenu compte de la volonté de la majorité de ses propres électeurs lorsqu’il a pris des mesures pour abroger la politique de l’Ontario l’an dernier.
Estimations de l’opinion publique dans la circonscription de Regina-Qu’Apelle en Saskatchewan, actuellement représentée par le chef conservateur Andrew Scheer.

La même chose peut être constaté au palier fédéral. Dans la circonscription de Scheer, Regina-Qu’Appelle, l’appui à la taxation du carbone est de 52 pour cent. Seuls 41 pour cent des électeurs de Scheer s’opposent à une telle taxe. Lui aussi est hors-jeu avec les gens qu’il représente.

Les risques politiques d’une opposition aux réformes climatiques

Nos résultats soulignent à quel point les médias peuvent parfois mal interpréter les mandats électoraux. En Ontario, Doug Ford a promis d’abroger le système d’échange de droits d’émission de la province et il a remporté l’élection. Mais l’ancien chef conservateur, Patrick Brown, a appuyé une taxe sur le carbone pendant qu’il était confortablement en tête des sondages.

Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles les Canadiens choisissent de changer de gouvernement, mais l’opposition à la tarification du carbone n’est pas un facteur important.

La science du climat est claire : il faut réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter les conséquences les plus désastreuses du changement climatique. En tant que pays nordique, les impacts climatiques au Canada sont déjà plus importants que dans d’autres pays.

Nos recherches, que le public peut consulter, montrent que les Canadiens de partout - des circonscriptions les plus conservatrices aux plus libérales - s’entendent pour dire que les changements climatiques constituent une menace majeure pour les gens et les endroits qui leur sont chers. La prochaine élection sera l’occasion pour les Canadiens d’avoir leur mot à dire sur l’avenir de la politique climatique dans leur pays - et tous les politiciens canadiens devraient en prendre note.

Matto Mildenberger

Professeur de science politique à l’Université de Californie à Santa Barbara.

Erick Lachapelle

Professeur au Département de science politique, Université de Montréal.

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