Édition du 18 juin 2024

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Environnement

Le tramway de Québec après le BAPE et le Plan Vert, c’est pas fini !

À la suite de la publication du rapport du BAPE le 9 novembre dernier les débats se sont ni plus ni moins enflammés. Les adversaires y ont vu une mine d’arguments pour mettre fin au projet du tramway.

Le maire Labeaume s’est braqué puis le ministre des Transports et le premier ministre Legault ont affirmé soutenir le tramway à la condition d’améliorer le service dans les banlieues avec, en prime, la nécessité d’arrimer le projet avec le troisième lien Québec-Lévis sans dépasser le budget de 3,3 milliards de dollars. Des ingrédients utiles pour retarder la construction des infrastructures du tramway.

Les réactions de la Ville, par Régis Labeaume, ne nous font pas tellement avancer, comme d’autres interventions de sa part au fil du temps dans ce dossier pourtant très important pour la qualité de vie et pour l’amélioration de la mobilité dans notre ville.

Quant aux réactions du gouvernement de la CAQ qui exige des modifications au projet de tramway, par exemple des améliorations importantes pour les banlieues tout en respectant l’enveloppe budgétaire prévue. Voilà une perspective qui ne rassure pas. Si la porte n’est pas complètement fermée pour le tramway l’ouverture est bien mince. De plus, force est de constater que le Plan Vert dévoilé le 16 novembre accorde une bien petite place au transport collectif. Le remplacement des autos à carburant par des autos électriques ne règle qu’une partie du problème de la pollution mais aucunement celui de la congestion routière et de l’encombrement des centres-villes de Charlesbourg à Sainte-Foy, en passant par La Cité-Limoilou.

Le tramway une composante essentielle pour faciliter la mobilité

Le tramway ne règle pas tout mais … Bien que le projet du Réseau structurant de la Capitale comporte plusieurs faiblesses, surtout que la Ville a commencé à en retirer certaines composantes comme le trambus. Il n’en demeure pas moins que le tramway est essentiel pour arriver à offrir à la population du centre de la ville aussi bien qu’aux banlieues un service de transport adéquat.

Faut-il le répéter, le tramway existe dans un grand nombre de villes sur la planète et donne des résultats significatifs en termes d’amélioration des déplacements, de circulation et de réduction de la pollution produite par les véhicules automobiles.

Le tramway, ici comme ailleurs, offre une capacité et une rapidité supérieure aux autres composantes du réseau de transport collectif à l’exception du métro qui est cependant beaucoup plus cher. Ce mode de transport offre également des conditions sécuritaires de déplacements et doit être mis en place harmonieusement avec des aménagements la pratique de la marche et du vélo.

Certains prétendent que l’hiver québécois disqualifie le tramway ce qui est loin d’être fondé, car il suffit de visiter quelques villes nordiques pour s’en convaincre. Des tramways circulent entre autres à Stockholm (4 lignes), Toronto (10 lignes), Moscou (50 lignes) et Zurich (17 lignes).

Oui, il y a des choses à changer

D’abord, il importe que les responsables politiques tant à la Ville qu’aux gouvernements du Québec et du Canada fassent preuve d’une réelle volonté de passer à l’action. Il est inconcevable qu’après de nombreux débats et de nombreuses études nous ne soyons pas plus avancés dans la construction d’un réseau de transport en commun plus performant. Le contexte des changements climatiques l’exige ainsi que la multiplication d’événements de congestion de plus en plus pénible dans le centre-ville (Centres-villes de Québec et Ste-Foy par exemple, sans parler des ponts qui relient la rive nord et la rive sud).

L’enveloppe budgétaire

Le refus annoncé par le gouvernement d’augmenter le financement « force » à réduire la portée du projet de réseau structurant, particulièrement le tramway. L’argument financier serait-il une manière détournée de rendre le tramway moins intéressant et une incitation à le rejeter ou encore un stratagème partisan pour plaire à un électorat qu’il considère comme acquis ?

De son côté, la Ville de Québec n’a eu de cesse de diminuer certains éléments du projet de réseau. Par exemple, l’abandon du trambus et du développement du secteur du boulevard Charest entre le quartier Saint-Sauveur et l’autoroute Robert-Bourassa ; cet endroit est pourtant un excellent lieu pour une transformation vers l’habitation et une densification intelligente. Pour se justifier le maire a répété à qui mieux mieux qu’il est exclu de dépasser les coûts. Cela revient à dire que le projet ne pourra pas être financé adéquatement surtout si le gouvernement Legault exige des modifications qui pourraient sortir de la logique du projet.

Il faut changer cette attitude de blocage « partisane » en invoquant les limites du financement et en exiger un qui soit adéquat dans le contexte de la lutte aux changements climatiques. Malheureusement, le Plan Vert du gouvernement Legault n’est guère encourageant à cet égard.

La valeur du transport collectif pour assurer une meilleure équité sociale et économique

Si le rapport du BAPE questionne le contenu du projet de Réseau structurant de Québec il souligne toutefois l’importance du transport collectif dans une ville comme Québec : « La commission d’enquête est d’avis qu’une amélioration importante du transport collectif au regard de son efficacité, de son attractivité et de sa desserte est nécessaire dans l’agglomération de Québec pour augmenter son utilisation. Cette amélioration apporterait des bénéfices en matière d’équité sociale en atténuant les inégalités attribuables à la mobilité. Par ailleurs, elle pourrait réduire la congestion ainsi que les coûts associés au transport automobile et à l’étalement urbain. » (rapport du BAPE, page149)

Pour l’efficacité du réseau

Il faut ramener le trambus là où il était prévu pour assurer l’efficacité et la cohérence du réseau afin d’améliorer les services pour les quartiers périphériques et les secteurs démunis en matière de mobilité, comme le quartier Saint-Sauveur.

Il y a lieu de réévaluer l’absolue nécessité d’un tunnel sous le quartier St-Jean-Baptiste. Les arguments utilisés pour justifier ce tunnel ne sont peut-être pas aussi solides qu’il y paraît. L’importance de la pente, rappelons-le, n’empêchait pas l’ancien tramway de monter la côte d’Abraham

Par contre, un tunnel pour relier Québec et Lévis peut avoir du sens s’il est réservé pour le transport collectif, une seconde ligne de tramway rejoignant celle déjà prévue. Autrement, l’idée de faire aboutir un tunnel autoroutier dans Saint-Roch est d’une absurdité repoussante.

Pour la protection de l’environnement

Les enjeux environnementaux sont nombreux dans le dossier du tramway. Ils concernent le trop grand nombre de véhicules automobiles à Québec et dans la région. En effet, l’utilisation d’automobiles personnelles pour se rendre au travail, à l’école, au Cégep ou à l’université est considérable. Il en va de même du transport de marchandises par camions lequel sera grandement aggravé si le projet Laurentia d’agrandissement du port de Québec va de l’avant. Tout ce trafic peut et doit être fortement diminué pour que nous vivions dans une ville apaisée, verte et conviviale.

Moins d’autos s’il vous plaît

Plusieurs critiquent le fait que le tramway nuirait à l’automobile. Désolé, mais le problème qu’il faut solutionner c’est justement le trop grand nombre d’automobiles sur les routes et dans les rues de Québec et de sa région. Alors, la réduction de la présence des automobiles est certainement un des grands objectifs à atteindre le plus rapidement possible.

Cette réduction de l’utilisation de l’automobile pour nous déplacer, elle est d’abord motivée par la grande quantité des émissions de GES de ces véhicules. Si le Plan Vert du gouvernement québécois mise sur l’interdiction de la vente de véhicules à essence à partir de 2035, l’atteinte de cet objectif demeure incertaine au moment où on se parle et de toute manière il faudrait bien analyser les véritables effets sur l’environnement de l’automobile électrique dans sa phase de construction notamment. De toute façon, pour résoudre le problème que nous vivons en termes de mobilité, savoir que la congestion des routes et des rues est causée par des véhicules électriques plutôt que par des véhicules à essence ne nous avance pas tellement.

L’élimination de nombreux arbres est inacceptable

Il est essentiel de protéger plus d’arbres et de milieux humides à Québec dans tous les quartiers et arrondissements. L’abattage d’arbres matures pose problème d’autant plus que même si, à certains endroits, de nouveaux arbres seront plantés, il faut prendre en compte le temps qu’ils mettront à jouer un rôle équivalent à celui des arbres abattus dans la ville.

Curieusement, en même temps qu’elle projette l’abattage de nombreux arbres, la Ville de Québec propose un LAB des rues conviviales qu’elle justifie comme suit : « Les villes à travers le monde se mobilisent pour déminéraliser et verdir leurs rues au profit de la santé publique, de la qualité de vie des citoyens et de la biodiversité. Cette réappropriation de l’espace urbain minéralisé rend les villes plus durables et résilientes face aux changements climatiques. » Cherchez l’erreur.

Améliorer le service en banlieue oui, mais surtout bloquer l’étalement urbain

Le gouvernement Legault a exprimé une exigence pour soutenir le projet de réseau de transport collectif dans le but de mieux desservir les banlieues. Pourtant, le réseau actuel de métrobus offre un service dans les arrondissements périphériques, évidemment insuffisant pour convaincre les citoyen.ne.s d’utiliser le transport en commun, mais qui constitue certainement une réalité concrète qui nous permet d’éviter de partir à zéro.

Pour doter Québec d’un réseau de transport collectif efficace et convainquant pour l’ensemble de la ville mais aussi pour la communauté métropolitaine qui inclut Lévis, nos chers décideurs politiques devront prendre une bonne dose de cohérence et prévoir les budgets nécessaires. Nous n’avançons guère en exigeant plus de services pour les banlieues si les gouvernements ne sont pas prêts à prévoir un financement apte à fournir un service de transport collectif répondant aux besoins de la périphérie.

S’il est normal d’inclure les quartiers périphériques ainsi que les banlieues dans le réseau de transport collectif il est tout aussi important de nous préoccuper des risques d’étalement urbain si les choix aboutissent à encourager une partie de la population à s’éloigner davantage de la ville.

D’ailleurs, on peut se poser la question dans le cas du secteur Chaudière où la Ville tient à construire le terminus ouest du Tramway dans un secteur où il importe de préserver des boisés essentiels dans notre lutte aux changements climatiques. Le Parc-O-Bus du terminus Legendre est appelé à recevoir davantage d’automobilistes venant des MRC Portneuf et Jacques-Cartier ce qui pourrait être un incitatif à aller s’installer de ce côté. Il serait beaucoup plus utile de desservir l’édifice du ministère du Revenu de la rue Marly à Ste-Foy et les nombreux édifices à logement qui ont été construits juste à côté. (3 600 personnes travaillent à l’édifice Marly)

Tout compte fait, le débat sur le tramway pourrait bien ne pas être à la veille de se terminer. Pourtant, d’un point de vue social et écologique le temps presse. La pandémie ne nous aide pas mais il faut tout de même trouver les moyens appropriés pour sensibiliser les citoyennes et citoyens de tous les quartiers. C’est par une mobilisation large qu’il sera possible de créer les conditions de construire une ville tournée vers le futur.

Par Serge Roy et Michel Richard,
membres du Collectif La ville que nous voulons

https://www.facebook.com/collectif-La-ville-que-nous-voulons-Qu%C3%A9bec-345243127924

Serge Roy

Militant de Québec solidaire Capitale-Nationale et de divers groupes sociaux. Il a été président national du Syndicat de la fonction publique du Québec de 1996 à 2001.

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