Édition du 15 octobre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Canada

Le nécessaire désarmement

Nous devons mettre un terme à la guerre, à toutes les guerres ! Si nous en avions l’obligation jusqu’aux récents siècles pour des raisons morales, nous en avons aussi d’autant l’obligation de nos jours pour des raisons environnementales.

(Ce texte a d’abord été publié dans l’édition d’octobre du journal Ski-se-Dit.)

La militarisation croissante de presque tous les pays dans le monde, propulsée par les États-Unis et la production d’armes de plus en plus sophistiquées, et les guerres qu’elles entraînent et perpétuent, détournent notre intérêt, les sommes qui y sont investies et nos précieuses énergies de la lutte aux changements climatiques et aux nombreuses formes de pollution auxquelles nous sommes de plus en plus confrontés. La production et l’utilisation de ces armes ont aussi un forte incidence sur l’environnement, sans compter bien sûr l’impact des guerres elles-mêmes ; en plus d’endommager les écosystèmes, les attaques faites sur des installations énergétiques et industrielles en période de guerre polluent l’air, le sol et l’eau.

Dépenses militaires

Aucune région du globe n’échappe à la hausse des dépenses militaires. Comme le rapportait l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm en avril dernier, elles ont atteint 2 443 milliards de dollars américains en 2023 (3 351 milliards de dollars canadiens), soit 6,8 % de plus en termes réels qu’en 2022. Les trente et un pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) cumulent 55 % de ces dépenses ; les États-Unis à eux seuls ont dépensés 916 milliards de dollars, la Chine 296 milliards, la Russie 109 milliards, l’Inde 83,6 milliards et l’Arabie saoudite 75,8 milliards. À l’échelle de la planète, cette somme faramineuse représente en moyenne une dépense de 306 dollars par année par personne.

Le Canada, comme on le sait, fait l’objet comme plusieurs de constantes pressions de la part des États-Unis pour qu’il accorde au moins 2 % de son produit intérieur brut (PIB) à ses dépenses militaires en tant que membre de l’OTAN. L’atteinte d’un tel pourcentage, qu’il s’est pourtant engagé à atteindre, représenterait 8,1 milliards de dollars canadiens supplémentaires par année au cours des cinq prochaines années. (Le budget militaire canadien se situe pour l’instant à 26,5 milliards de dollars canadiens.) Ce sont d’importantes sommes et des énergies que l’on pourrait certainement mieux employer en les orientant vers la santé, l’éducation, le logement, le mieux-être de l’ensemble de la population… et l’environnement.

Dans l’édition du 8 mai de la Gazette de la Mauricie, Charles Fontaine faisait d’ailleurs une intéressante remarque à ce sujet après avoir comparé le budget militaire canadien à l’aide publique au développement - qui ne se situe toujours qu’à 0,38 % du PIB, malgré l’objectif jamais atteint de 0,7 % formulé dans les années 1970 : «  Investir dans la paix et le développement durable, écrit-il entre autres, devrait être notre priorité absolue. Saurons-nous, en tant que société civile, empêcher le gaspillage de sommes astronomiques dans des armes et des conflits qui ne font que perpétuer un cycle de destruction et de violences ? »

L’impact sur l’environnement

Comme mentionné plus haut, la production d’armes et les guerres ont d’importantes conséquences sur la qualité de l’environnement et sur nos efforts en vue de protéger nos écosystèmes et la qualité de l’eau, de l’air et des sols.

Selon un texte paru en juin 2023 dans le journal Le Devoir, le ministère de la Défense du Canada a produit à lui seul, en 2021-2022, quelque 1 113 kilotonnes d’équivalent CO2. La pollution générée par le parc de véhicules conventionnels du Ministère et par les 20 000 bâtiments placés sous sa gouverne représente 504 kilotonnes d’équivalent CO2 ; et les émissions dégagées par les aéronefs, les navires et les véhicules terrestres tactiques de l’armée canadienne 609 kilotonnes d’équivalent CO2. L’aviation et la marine engendrent à elles seules 99 % de cette pollution.

On peut aussi songer, aussi chez nous, à l’achat annoncé l’an dernier de 88 avions de combat F-35. Ces avions au lourd bilan carbone, dont la fabrication nécessite une grande quantité d’aluminium et plusieurs métaux rares comme le cobalt et le samarium, sont beaucoup plus énergivores que leur prédécesseur le F-16. Leur utilisation nécessite la combustion d’environ 5 600 litres de carburant par heure. L’utilisation d’un seul avion pendant une heure équivaut donc à faire le plein d’environ 119 voitures de marque Honda Civic. Remplir une seule fois le réservoir de ces 88 avions brûle 2 464 tonnes de CO2.

Les guerres altèrent quant à elles directement les écosystèmes à travers les incendies et la destruction d’espèces et d’habitats rares, comme des forêts, des réserves naturelles, des sources d’eau et des steppes. L’usage massif par l’armée américaine de l’agent orange dans les années 1960, lors de la guerre du Vietnam, est saisissant : cet herbicide toxique a détruit des forêts entières et continue de nuire à l’environnement et aux populations.
Le nombre de dommages environnementaux lors des guerres modernes est impressionnant. Entre le début de 2022 et la fin de 2023, sur une période d’une vingtaine de mois, on compte près de 1500 cas de dommages environnementaux seulement dans la guerre opposant la Russie à l’Ukraine. Quand on sait que les guerres s’étirent souvent sur plusieurs années et que l’on dénombre une dizaine de guerres majeures en cours dans le monde, on juge des impacts sur les écosystèmes et l’environnement.

Les centrales nucléaires, les installations de stockage de déchets dangereux, les industries et les ports maritimes sont aux premières loges des hostilités, comme le montrent de nombreux conflits. Les attaques touchent souvent des infrastructures énergétiques à travers les pays, comme des raffineries de pétrole, des plates-formes de forage et des installations gazières, multipliant ainsi les cas de pollution atmosphérique et des eaux.

Que faire ?

Lutter de façon honnête contre la crise écologique n’est certes pas aisé. Le pas le plus difficile à franchir en ce sens est probablement de s’extraire du discours ambiant.
Dans les médias grand public, c’est le silence radio quant aux impacts du militarisme sur l’environnement. L’augmentation des budgets militaires pour complaire aux États-Unis et leur permettre de maintenir leur hégémonie sur le monde semble légitime. Les quotidiens nous parlent de l’augmentation du budget militaire canadien en vue d’atteindre ce fameux 2 % du PIB comme quelque chose allant de soi, de nécessaire, allant même jusqu’à considérer le gouvernement Trudeau comme un mauvais élève.

Les forces armées sont quant à elles depuis longtemps portées aux nues, ici comme chez nos voisins, enrobées dans ce discours mièvre et mensonger voulant qu’elles s’emploient à défendre nos droits, nos libertés et notre démocratie. Plus que tout autres citoyens, les soldats sont célébrés comme des héros, des hommes et des femmes d’une grande générosité qui font preuve d’abnégation. Nous devons remettre les pendules à l’heure : il n’y a rien de noble ni de moral à développer et à utiliser des instruments meurtriers qui serviront à détruire des vies et ravager des sociétés. Rien de noble ou de moral non plus à tirer sur des humains ou à larguer des bombes sur des groupes d’humains. Tout cela sans considérer l’impact significatif du militarisme et des guerres sur la crise écologique.

L’industrie de l’armement est puissante et très influente sur le plan politique. Selon les données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm de 2022, les cinq plus grands fabricants d’armes d’armes sont états-uniens. Ce sont Lockheed Martin, Raytheon Technologies, Northrop Grumman, Boeing et General Dynamics. Ils ont comme on s’en doute une très grande influence sur la politique de leur pays et en Occident et ont besoin de débouchés pour vendre leurs armes partout dans le monde. Le gouvernement des États-Unis et les médias grand public du pays - écrits et électroniques – avec qui ils ont souvent partie liée, leur servent puissamment de relais. Notre gouvernement et nos médias grands publics aussi.

Nous devons leur résister et œuvrer à un monde de justice et de paix. Nous ne serons pas seuls à le faire. Un très grand nombre de personnes et d’organisations œuvrent déjà pour la paix et le désarmement ici et partout dans le monde. Si nos gouvernements et nos médias grand public ne leur accordent guère de place, nous devons alors le faire et parler et écrire contre l’augmentation des budgets militaires, pour le désarmement, contre la présence de l’armée canadienne dans nos écoles, auprès de nos enfants, pour la dissolution de l’OTAN, cette détestable organisation militaire qui sème la pagaille dans le monde, pour de l’information utile et non biaisée de la part des médias et pour la résolution des conflits en cours.

Nous devons le faire du mieux que nous le pouvons et de toutes les manières possible en soulignant l’important impact négatif de la guerre et de la militarisation sur la lutte à la crise écologique et climatique et sur l’importance d’accorder la priorité aux questions d’environnement.

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d’aide financière à l’investissement.

Bruno Marquis

Bruno Marquis est un lecteur assidu qui s’est impliqué dans plusieurs organismes voués à la protection de l’environnement, à la paix et à l’élimination de la pauvreté chez les enfants au cours des vingt dernières années. Il publie actuellement une chronique sur l’environnement dans le mensuel Ski-se-Dit. Il a aussi tenu régulièrement une chronique dans le webzine tolerance.ca.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Canada

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...