C’est là que se rendent pour recevoir de l’aide des Jean, des Safia, des Ahmed, des Josée, de tout âge, revenu, origine, niveau de scolarité, nombre d’enfants. C’est le besoin qui crée l’organisme : le besoin d’apprendre à lire et à écrire ou à vivre avec un proche en situation de handicap ; de trouver un emploi, un logement ou du répit ; de réussir son année scolaire ou d’allaiter son bébé ; de trouver la force d’en finir avec la consommation, la rue, la discrimination, la violence conjugale. La liste est aussi longue que l’histoire de toutes les vies que l’on croise, marginalisées ou pas.
Nos organismes représentent des espaces de confiance et d’échange, où les problèmes sont abordés à la racine. Les interventions se basent sur la prémisse que chaque individu a le pouvoir de changer sa vie en mieux et que la société a le devoir d’offrir un environnement favorable à son épanouissement. Tout comme ça prend un village pour élever un enfant, ça prend aussi une communauté pour l’aider à devenir une personne épanouie.
La transformation sociale prônée par nos organismes ne se fonde pas sur un principe de guichets de services, qui prodiguent des remèdes rapides aux symptômes. Il s’agit plutôt d’un engagement ayant pour objectif d’éradiquer les causes structurelles des problèmes rencontrés sur le terrain.
Selon un sondage de 2020, une personne sur cinq, au Québec, a déjà bénéficié des services d’un organisme communautaire, pour lui-même ou un proche1. La COVID a exacerbé ces besoins : la fréquentation des organismes a augmenté en flèche, les obligeant à serrer une ceinture déjà très étroite.
Et le mouvement d’action communautaire autonome a fait ses preuves même sur le plan économique : selon une étude de 2022, pour chaque tranche de 100 millions investis dans le communautaire, les retombées sont de 183,7 millions dans l’économie, un PIB de 110 millions est généré et 1900 emplois sont maintenus ou créés2.
Les trous dans le filet
Après trois ans de concertation avec le gouvernement qui ont mené au Plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire 2022-2027, plusieurs secteurs du milieu communautaire sont encore laissés pour compte. Et ce qui devait représenter un réengagement de l’État envers le milieu s’est avéré insuffisant pour agir face à la pénurie de main-d’œuvre, il demeurait silencieux sur l’indexation des subventions et désuet face à l’inflation de la dernière année et à l’augmentation des besoins.
En plus du sous-financement à la mission qui perdure depuis des décennies, les organismes doivent souvent composer avec l’ambition de bailleurs de fonds qui souhaitent réaliser des projets répondant à leurs intérêts, mais n’émanant pas de la communauté.
L’expérience démontre que financer la mission des organismes, plutôt que des projets, leur donne la latitude nécessaire pour s’adapter aux besoins évolutifs du terrain et agir comme des incubateurs de progrès social. Leurs compétences et connaissances uniques, jumelées à l’expérience des personnes rejointes, permettent de nourrir une vision non complaisante des enjeux sociaux et d’orienter l’offre de soutien.
Le gouvernement doit reconnaître une fois pour toutes le rôle des organismes d’action communautaire autonome dans le développement social et économique du Québec, en démontrant son appui de manière véritablement musclée, rigoureuse et cohérente. L’appauvrissement et l’épuisement de ce réseau sont désormais de notoriété publique.
Transformer le Québec vers un bien-être collectif et une plus grande justice sociale est un effort quotidien de plusieurs milliers de personnes, pas seulement une vocation.
*Ainsi que 615 cosignataires issus du milieu communautaire québécois
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