« Un dénigrement bien ciblé »
Monsieur Truffaut rapporte :
« On ne doit pas oublier qu’en 2007 et 2008 des flammes avaient brûlé des centaines et des centaines d’hectares de forêts. Et alors ? Les autorités concernées n’ont tiré aucun enseignement de ces ravages »
Il y a encore des feux ! Quelle sorte de pays est-ce donc que cette Grèce ?
On pourrait sans doute en dire autant de la Californie. En effet, en Californie, les incendies sont devenus un problème récurrent. On pourrait dire des autorités californiennes : « Les autorités concernées ne tirent aucun enseignement de ces ravages ». C’est tellement récurrent qu’on dirait qu’elles font exprès. Comme ici dans les années où l’indice d’inflammabilité était tellement élevé que nos forêts s’enflammaient à la moindre étincelle. Heureusement depuis quelque temps, il pleut tellement que nos incendies de forêt ont pratiquement disparu.
L’Espagne, le sud de la France, bien des endroits où l’on pourrait dire que ce sont « des autorités qui ne tirent aucun enseignement de ces ravages ». « Tirer un enseignement… »
Pourquoi donc la Grèce, plus qu’une autre, devrait « tirer un enseignement » ?
Pourquoi donc la Grèce est-elle, dit-on « corrompue »
Monsieur Truffaut dit: :
« …ont cultivé [les autorités grecques] l’ignorance et une certaine paresse pour le plus grand bénéfice et le bonheur de spéculateurs alliés à des promoteurs immobiliers. Car outre son taux d’endettement, la Grèce se distingue par un fort degré de corruption. »
Je trouve un peu "bas" de salir la réputation des dirigeants d’un pays en utilisant une catastrophe naturelle. On dirait presque, selon Monsieur Truffaut, que les autorités corrompues grecques allument, elles-mêmes, les feux ! On pourrait même dire qu’il s’agit de complot et on pourrait qualifier cette analyse de discours « conspirationiste » (vous savez, le « conspirationisme »…).
Ce n’est pas Monsieur Truffaut qui "invente" ces balivernes. La presse dominante comme à son habitude se donne la main pour reprendre ces allusions presque à l’unisson [2]. On dirait que la commande de salir un peu la Grèce vient d’être lancé.
À voir les incendies grecs ou même californiens et leurs conséquences, on peut, bien sûr, en arriver à tirer de semblables conclusions. Il y en a toujours qui profitent du malheur des autres. Bien possible qu’il y ait des "profiteurs" en Grèce (il y en avait ici même lors du verglas), mais de là à dénigrer à ce point des dirigeants en basant le discours (comme le font les animateurs démagogiques des radios poubelles) sur la rumeur et l’analyse rapide et, je dirais, partisane, je trouve "exagéré" et "légèrement" déplacé un tel éditorial.
Sommes-nous à la veille d’une campagne d’acharnement médiatique contre la Grèce ?
La Grèce a-t-elle refusé récemment que son territoire puisse être utilisé sans aucune contrainte par les forces de l’Américaine OTAN ?
La Grèce a-t-elle dit non à une facette du libre-échange ?
La Grèce qui a une industrie qui disparaît, a-t-elle soudainement des idées plus "protectionnistes" ? Vous savez, ce genre d’idée terriblement mal vue par les chantres du néolibéralisme.
Le dénigrement, en général, se fait toujours pour des raisons stratégiques.
On dénigre l’Argentine ou la Bolivie, ou encore l’Équateur, mais on se garde bien de dénigrer la Colombie dont le président veut obtenir un 2e mandat illégal (3 mandats consécutifs) ou encore le Honduras où l’on ne dit mot sur la dictature qui s’y est installée. On ne dit pas que les putschistes du Honduras sont corrompus. On ne dit pas que Uribe est entouré d’une belle gang de corrompus. Pourquoi soudainement, à l’unisson, on déclare que Karamanlis et son entourage sont une bande de corrompus ?
Je trouve toujours suspect le dénigrement qui devient rapidement démagogique. Il suffit de peu pour enflammer le jugement du bon peuple avec un bon animateur de radio poubelle (ou édito poubelle).
Chose sûre, tous partis confondus, de la droite à la gauche, je crois que le ravage des incendies en Grèce ne réjouit personne (sauf peut-être quelques rares cupides spéculateurs profiteurs, comme ici lors du verglas (ceux qui vendaient leurs chandelles dix fois le prix)).
Je crois que la Californie est confrontée aux mêmes problèmes.
Je crois que le sud de la France ainsi que l’Espagne souffrent aussi de ces changements climatiques qui allument plus facilement ces incendies terribles.
Je crois que ce dénigrement, bien ciblé, est douteux et déplacé.
Il est vrai que la Grèce vit des tourments politiques. Le gouvernement de Monsieur Kostas Karamanlis est très critiqué et des mouvements organisés le contestent sérieusement (pensons aux affrontements contre la police à Athènes et dans d’autres villes importantes). D’ailleurs, voilà pourquoi le premier ministre grec, M. Karamanlis, vient de convoquer des élections législatives anticipées dont la date a été fixée au 4 octobre [3].
Les deux plus importants partis d’opposition, le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK) et la coalition de la gauche radicale (SYRIZA), appellent à de nouvelles élections afin de résoudre la crise actuelle [4]
Certaines analyses reposant sur autres choses que cette catastrophe naturelle (les incendies) disent : « Ce sont avant tout les conditions catastrophiques qui règnent dans les établissements scolaires et les universités grecques et le manque de toute perspective d’avenir qui ont fait descendre un nombre grandissant d’étudiants et de jeunes dans la rue. »
Il est évident que les problèmes reliés au modèle néolibéral sont la source de la grogne. Imaginez, l’industrie grecque disparaît… le chômage par conséquent augmente et autre conséquence, les débouchés pour les futurs diplômés sont de plus en plus inexistants (comme ici et partout dans nos pays confortables). C’est tout à fait "normal". Allez, sortez, allez au coin de la rue et acheté une babiole. Lisez maintenant où a-t-elle été fabriquée ? Eh oui ! En Chine ! Allez n’importe où, achetez n’importe quoi, on dirait que 100% (pas 90%, 100%) des produits sont fabriqués en Chine. Ce ne sont pas les Chinois qui sont responsables de cette invasion de leur production. Non, ce sont nos belles et bonnes compagnies industrielles occidentales qui ont toute déplacé leur production dans cette merveilleuse Chine qui a des milliards d’individus bon marché (presque de l’esclavage, un salaire très minimum). Tout tout tout est fait en Chine. Les étudiants grecs font donc du grabuge pour que leur gouvernement cesse de se fermer les yeux sur les méfaits de ce néolibéralisme mondial et demande sans doute que leurs dirigeants virent un peu plus à gauche (Karamanlis est du centre droit, plutôt droit). Il m’apparaît évident que la Grèce s’apprête à tourner le volant un peu plus à gauche. On commence donc à la dénigrer. Habituellement on attend que la gauche s’installe avant de mettre en place des campagnes de dénigrement médiatique, mais dans le cas grec, il semble qu’on prend un peu d’avance.
L’analyse socialiste dont je vous offre l’adresse au bas[4], dit : « Partout en Europe et de par le monde la jeune génération se trouve confrontée à une société dans laquelle les élites dirigeantes se remplissent les poches aux dépens de la population. »
Il ne faut pas la tête à Papineau, ni la maladie socialiste pour constater cette réalité qui saute aux yeux.
Ici, à la veille de nos élections, on devrait peut-être commencer à penser à ce que sont la droite néolibérale (que représentent les Harper et Ignatieff) et la gogauche (comme ils disent affectueusement) des Layton et May. (Pour ce qui est de Duceppe, il ne sait pas trop. Il est "indépendantiste", point à la ligne. Il défend les intérêts du Québec. Il peut se prostituer autant avec les extrêmes de droite ou les extrêmes de gauche pourvu que cela serve les intérêts du Québec… C’est une vision, mais bon… )
L’analyse socialiste qui n’a rien qui s’apparente à des propos d’animateur de radio poubelle poursuit en disant : « La crise sociale et politique en Grèce et en Europe est l’expression d’une crise profonde du système capitaliste tout entier. L’actuelle crise financière a ravivé les contradictions fondamentales du capitalisme. De par le monde, de plus en plus souvent les gouvernements réagissent à la crise en recourant à la répression interne et à une nouvelle vague d’agression militariste à l’extérieur. »
Bon, je vous ai offert beaucoup de "copier-coller", ce n’est pas dans mes habitudes. Mais je suis tombé sur cette analyse [4] et j’aurais aimé l’écrire moi-même. Elle correspond à la vision de ce que je constate de la société. Et après avoir lu l’éditorial d’aujourd’hui (vendredi le 4 septembre 2009) de Monsieur Truffaut, cette analyse m’a semblé encore plus pertinente. Je vous invite donc à la lire, c’est sur un site gogauche (comme ils disent, vous savez, gogauche, ces imbéciles de gogauches…)
Serge Charbonneau
Québec
P.S. : On va encore dire que je ne suis pas gentil avec Monsieur Truffaut. On va peut-être me censurer (ce qu’ils ont effectivement fait). Je n’ai absolument rien contre ce bon Monsieur Truffaut, mais que voulez-vous, voyez ce qu’il nous écrit… et en plus, on le paie pour cela !
Non, mais, soyons sérieux !
[1] Feux et attentats en Grèce - Crise de nerfs
Serge Truffaut
Édition du vendredi 04 septembre 2009
http://www.ledevoir.com/2009/09/04/265527.html
[2] Le torchon brûle entre les autorités et la population
Alors que les brasiers s’éteignent dans la région de la capitale, le feu de la polémique s’allume.
Les principaux journaux grecs tirent à boulets rouges sur le gouvernement, l’accusant de ne pas avoir pris de dispositions pour faire face à ces gigantesques incendies. D’autant que le pays avait connu en 2007 de graves incendies.
Incendies en Grèce : le gouvernement en accusation
http://www.lalsace.fr/fr/permalien/article.html?iurweb=1907652
[3] Grèce : le premier ministre convoque des élections anticipées
Élections anticipées en Grèce le 4 octobre
http://fr.euronews.net/2009/09/02/elections-anticipees-en-grece-le-4-octobre/
[4] Le mouvement de protestation grec requiert une perspective socialiste