La pensée féministe a été un puissant moteur des luttes sociales ayant marqué l’histoire récente et moins récente de la société québécoise. Citons, à titre d’exemple, la lutte pour le droit de vote des femmes ou, plus récemment, la quête de l’émancipation du corps des femmes à travers la lutte pour le droit à l’avortement. Les luttes menées par le mouvement des femmes ont donc façonné substantiellement le Québec d’aujourd’hui.
Toutefois, même si au Québec la cause des femmes a beaucoup avancé, l’égalité entre les hommes et les femmes est loin d’être acquise. La violence spécifique faites aux femmes est encore largement répandue : elles sont plus nombreuses à vivre la pauvreté, leurs salaires sont encore inférieurs à ceux des hommes, le travail invisible (soin des enfants et tâches domestiques) est encore largement l’apanage des femmes et sans parler de leur rôle d’aidante naturelle sur lequel repose largement notre système de santé. Le tout résulte une représentation amoindrie des femmes dans la sphère publique, notamment dans l’arène politique.
Tout cela nous informe que le système patriarcal, qui met les femmes de facto en situation d’infériorité, est encore bien vivant et que la lutte pour sa disparition nous met devant un défi sans cesse renouvelé. Si tous des partis mettent de l’avant des politiques ou des mesures en vue de pallier cette situation, aucun d’entre eux, à part Québec solidaire, n’a l’intention de porter une critique globale en mesure de s’attaquer véritablement au système patriarcal.
Transformer notre système productiviste
Le combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes passe nécessairement par une transformation de notre système productiviste guidé par l’appât du profit. La recherche absolue du profit et le productivisme capitaliste se fait nécessairement au détriment des femmes et des familles. Ce système oblige encore les femmes à se cantonner dans la sphère domestique, ou encore, à concilier difficilement celle-ci avec le travail.
Le combat contre l’économie productiviste implique la réduction du temps de travail, un effort guidé par la volonté d’augmenter la conciliation travail-famille. Celle-ci ne doit pas seulement concerner les femmes. Des incitatifs devraient être créés pour que les hommes utilisent aussi les mécanismes visant la conciliation du travail avec les obligations familiales. D’autre part, Québec solidaire doit aussi critiquer sans cesse les politiques de relance économique qui ne favorisent que les secteurs d’emplois masculins, comme les infrastructures ou les ressources naturelles. Les politiques de relance de l’emploi prônées par Québec solidaire doivent impérativement viser la croissance des secteurs d’emploi à prédominance féminine, tout en favorisant l’inclusion des deux sexes dans tous les secteurs d’emploi. Québec solidaire devra donc approfondir les propositions visant un autre type d’économie, plus respectueuse de notre réalité en tant qu’être humain.
Développer nos programmes sociaux
Ce combat implique aussi le développement dans notre société d’une vision prônant l’universalité des programmes sociaux étendus, et créateurs d’emplois, qui permettent d’offrir des alternatives au cantonnement des femmes dans la sphère domestique.
Une législation sociale favorisant la participation masculine dans le soin des enfants ou des proches peut être encouragée. Par exemple, un congé parental exclusivement donné aux hommes, sans amoindrir celui octroyé aux femmes, pourrait être envisagé. En effet, l’on constate que lorsque le choix de congé parental est donné aux deux sexes, c’est majoritairement les femmes qui l’utilisent, cantonnant encore les femmes dans leur rôle traditionnel et éloignant les hommes du soin des enfants. De plus, lorsque que les deux parents peuvent prendre simultanément un congé parental, il arrive que les hommes profitent de ces moments pour faire des activités typiquement masculines, laissant encore aux femmes le soin des enfants.
L’éducation et la déconstruction permanentes des stéréotypes de genre
Le combat contre le patriarcat est aussi une question de changement culturel à long terme qui implique autant notre société que l’ensemble des sociétés du monde. Cela est un travail de longue haleine qui doit insister sur l’éducation et la déconstruction permanentes des stéréotypes de genre.
Dans un contexte d’affluence de l’immigration dans notre pays, Québec solidaire se doit de mettre de l’avant une vision et des propositions inspirées des principes d’égalité tout en évitant la stigmatisation et la marginalisation des femmes issues de l’immigration. Il ne s’agit pas d’accepter des pratiques contraires à nos principes, mais plutôt de s’attarder sur l’essentiel et non sur l’accessoire. Il s’agit donc d’éviter de tomber dans la rigidité en excluant, par exemple, des emplois de la fonction publique des femmes qui portent un signe religieux. Il est de notre devoir d’encourager les femmes issues de l’immigration, souvent racisées, condamnées à l’isolement ou à des emplois faiblement rémunérés et à statut précaire, à s’intégrer à notre société. Ce n’est pas en les stigmatisant davantage qu’on favorisera l’atteinte de l’égalité par celles-ci.
Une question de toutes et tous
La lutte contre le patriarcat est une question de toutes et tous. Toutefois, elle concerne avant tout les femmes puisque la suppression du patriarcat repose avant tout sur les personnes touchées elles-mêmes. Pour se faire, il est essentiel qu’elles puissent compter sur des espaces de non-mixité dans lesquels elles peuvent réfléchir sur leur situation tout en développant une critique de celle-ci. Les hommes doivent accepter, respecter et encourager la création et le maintien de ces espaces de non-mixité.
D’autre part, le fait que la lutte contre le patriarcat concerne surtout les personnes spécifiquement opprimées par ce système, les femmes, cela ne doit pas devenir une excuse pour la passivité des hommes devant cet enjeu. Les hommes progressistes doivent donc lutter, en solidarité avec les femmes, pour faire avancer les revendications féministes, tout en étant prêts à renoncer aux multiples privilèges dont ils jouissent. Québec solidaire doit donc animer une réflexion constante sur ces questions afin de former ses militantes et militants sur cette question. Il ne s’agit pas de « corriger » le comportement des hommes, mais de les amener plutôt à une réflexion sur ce qui est le patriarcat, ses multiples expressions et ses conséquences.
L’enjeu 4 de notre programme, portant sur le féminisme, sera donc une occasion privilégiée pour réfléchir sur ces questions. Nous aurons donc l’opportunité de produire des propositions qui traduisent notre pensée sur ce terrain. La pensée féministe porte en elle un énorme potentiel de transformation sociale dans le sens d’une société plus égalitaire. Il ne faut donc pas manquer ce rendez-vous qui risque de nous donner des ailes pour l’avenir.