Est-ce que les sondages effectués autour d’un sujet épineux comme la Charte peuvent vraiment représenter ce que pense la population québécoise ?
On voit plutôt des problèmes en ce qui concerne la production des sondages, et surtout une lecture biaisée par les politicien.ne.s. On constate aussi un « culte du chiffre » dans notre société qui peut se résumer à : « J’ai des chiffres (même s’ils ne sont pas bons), j’ai raison ! ».
De la merde à l’entrée, de la merde à la sortie
Un professeur qui m’enseignait avait l’habitude, pour nous conscientiser à l’importance de la méthodologie lorsqu’il est question de chiffres, de nous dire : « Garbage in, garbage out ». Que l’on pourrait traduire librement par « De la merde à l’entrée, de la merde à la sortie ». Le problème qui émerge avec la question de la majorité silencieuse est de savoir si on peut faire une projection statistique des résultats du sondage sur l’ensemble de la population ?
Comme dans n’importe quel contrat qui se respecte, il faut regarder les petits caractères. Il y a deux boîtes de sondages qui prennent la majorité de la place médiatique au Québec, soit CROP et Léger Marketing. Toutes deux ont effectué au moins un sondage sur la question des perceptions de la population à propos de la Charte. Les petits caractères de Léger se lisent comme suit : « Un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d’erreur de 3,1 %, dans 19 cas sur 20 ». Tandis que CROP nous met en garde : « Puisqu’il s’agit d’un échantillon non probabiliste (le choix des répondants n’est pas aléatoire), le calcul de la marge d’erreur ne s’applique pas ». Les petits caractères veulent dire que la sélection de l’échantillon n’est pas appuyée sur une méthodologie probabiliste et qu’il n’y a pas de viabilité statistique si on dit que ça représente l’avis de l’ensemble de la population. On peut faire des sondages non-probabilistes, mais les petits caractères (surtout pour Léger qui défend les sondages non-probabilistes) nous laissent dans un flou si on ne connaît pas la différence entre les deux méthodes. Toutefois, un sondage non-probabiliste ne peut prétendre représenter la majorité qu’elle soit silencieuse ou non.
Est-ce que les sondages sont devenus un outil politique plus que statistique ?
Il ne faut pas penser que toute la faute revient aux boîtes de sondages qui produisent des sondages non-probabilistes. Les sondages non-probabilistes coûtent souvent moins chers, donc sont plus faciles à vendre. Il y a encore des sondages probabilistes qui se font au Québec, mais ce n’est pas la majorité. Celles et ceux qui lisent et utilisent les sondages pour des fins politiques doivent aussi être mis sur le banc des accusés. Lorsque Pauline Marois nous montre les chiffres d’un sondage non-probabiliste en nous laissant entendre que la majorité silencieuse appuie la Charte, ce n’est pas une affirmation statistique. C’est un discours politique pour rallier la majorité dont on ne connaît pas encore la véritable position sur la Charte.